Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction répond aux questions des auditeurs au micro d’Emmanuelle Daviet.

Emmanuelle Daviet : Depuis le début de la semaine, la Nouvelle-Calédonie est plongée dans une crise sécuritaire, identitaire et politique, sur fond de révolte contre une réforme constitutionnelle controversée. Des auditeurs s’interrogent sur le traitement médiatique de ces événements. Certains regrettent que les journalistes privilégient l’évocation des violences commises plutôt que les raisons de la colère. Florent Guyotat, Quelle a été votre approche éditoriale pour évoquer la situation ?

Florent Guyotat : Notre approche, avant d’évoquer les raisons du conflit, c’est d’abord celle des faits. La réalité, c’est que ces violences en Nouvelle-Calédonie sont les plus importantes depuis les années 80. Et donc, avant d’analyser les causes, il faut d’abord expliquer ce qui se passe. Et mercredi matin, à la rédaction de FranceInfo, nous avons pris conscience que la situation dégénérait. On a entendu notamment à l’antenne le haut commissaire de la République déclarer qu’il perdait le contrôle de certaines zones. Il dit à ce moment-là que l’aéroport est fermé parce que tout simplement, il n’a plus les moyens d’en assurer la sécurité. Donc notre première mission dans ce cas, avec nos confrères journalistes de la chaîne publique Nouvelle-Calédonie La Première, c’est de raconter tout ça. Ils interviennent bien sûr à l’antenne. Et vous avez aussi nos journalistes à Paris qui recueillent des témoignages à distance par téléphone, comme celui de Pablo, un habitant de la banlieue de Nouméa.

Pablo, un habitant de la banlieue de Nouméa : On entend les coups de feu, ça pète de partout, donc les gens veulent se protéger et je pense que c’est aussi normal. C’est une réaction humaine. Donc là, en bas de chez moi, là, je vous parle, en bas de chez moi, un barrage qui s’est monté à base de palettes, les gens sortis des frigos, des machines à laver, ils ont sorti des des blocs de pierre et ils sont armés. Il y avait une quarantaine de cocktails Molotov qui sont en train de se préparer. C’est des gens, c’est des civils, c’est des pères et des mères de famille. C’est des gens qui, voilà, qui habitent dans un quartier qui est normalement calme. Il y a rien qui se passe.

Florent Guyotat : Voilà pour le témoignage diffusé mercredi de ce médiateur culturel au micro de Sandrine Etoa. Nous avons également sollicité hier matin vendredi, un médecin, Thierry De Greslan. Il préside la commission médicale de l’hôpital Gaston-Bourret de Nouméa.

Thierry De Greslan : La situation est rendue compliquée par l’inaccessibilité de l’hôpital du fait des barrages qui sont situés autour de l’hôpital. Vraiment de grandes difficultés à faire venir nos patients. On a des difficultés à faire venir nos soignants. On avait une cinquantaine de dialysés qui n’avaient pas pu accéder à leur dialyse et on a aussi donc, je tiens à le souligner, des équipes absolument extraordinaires ici sur place. Beaucoup de personnes ont bravé les barrages pour venir travailler pour pour pouvoir soutenir les équipes qui sont dans la plupart des cas en sous effectifs et déjà très très fatiguées sur des rythmes de 12 h de travail. Depuis lundi.

Emmanuelle Daviet : Des témoignages, Florent, mais les auditeurs demandent si vous avez aussi fait l’effort d’expliquer les raisons de la colère.

Florent Guyotat : Alors oui, dans un deuxième temps, c’est capital de ne pas en rester aux faits et d’expliquer le contexte. Les raisons de ce conflit : vous savez, vous les entendez régulièrement que nous proposons à l’antenne des rubriques qui s’appellent « Le tuto » ou « Expliquez-nous » avec à chaque fois un journaliste de la rédaction qui fait le point sur un thème précis en étant le plus pédagogique possible pour apporter tout simplement des clés de compréhension à nos auditeurs. C’est ce que nous avons fait donc toute cette semaine, nous avons expliqué, entre autres, l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, la crise des années 80, les accords de Matignon. Nous avons proposé des éclairages plus actuels sur l’économie de la Nouvelle-Calédonie, le niveau de vie sur place, le débat autour de l’exploitation du nickel. Et évidemment, nous avons expliqué le débat sur la réforme du corps électoral, qui est l’une des origines du conflit d’aujourd’hui. Extrait d’un reportage d’Elia Bergel du service politique diffusé dès mardi sur FranceInfo.

Elia Bergel : L’élu Renaissance de Nouvelle-Calédonie. Nicolas Metzdorf refuse de reculer sur cette réforme qui ouvrira le vote à certains habitants exclus des élections locales. « Retirer le texte, c’est donner raison à ceux qui cassent, à ceux qui pillent et à ceux qui menacent. Si vous choisissez la violence, vous retirez le texte. Si vous choisissez la démocratie, vous maintenez le texte. » Les Insoumis demande le retrait pur et simple du projet de loi, car la situation peut dégénérer, met en garde le député Bastien Lachaud. « Les risques de guerre civile sont posés en Nouvelle-Calédonie. Il suffit d’une volonté du gouvernement de passer en force pour que le pays s’embrase. »

Florent Guyotat : Des reportages et des tutos, des « Expliquez-nous » sur Franceinfo que vous pouvez, je vous le rappelle aussi retrouver sur notre site internet franceinfo.fr.

Emmanuelle Daviet : Alors dernière question sur les interlocuteurs, les experts sollicités : avez-vous fait intervenir une diversité de voix pour assurer l’équilibre et l’objectivité dans la présentation des faits ?

Florent Guyotat : Alors l’idée, même si on le rappelle, on travaille à distance en raison de la fermeture de l’aéroport de Nouméa, c’est encore une fois de préserver le pluralisme en donnant la parole à toutes les parties les loyalistes, les indépendantistes et aussi des gens qui parfois, il faut bien le dire, sont un peu entre les deux, avec des positions plus nuancées. Pour nous, l’objectif, dès que nous le pourrons, c’est de pouvoir envoyer une équipe sur place en Nouvelle-Calédonie. Ce n’est pas encore le cas aujourd’hui et je voudrais profiter de ce moment pour remercier encore une fois nos confrères de Nouvelle-Calédonie, La Première qui nous envoient leurs reportages et réalisent aussi des interventions en direct à l’antenne.