Sexisme, parité, misogynie, les auditeurs sont très vigilants à toutes ces questions. Encore plus depuis le début de l’affaire Weinstein, du nom de ce producteur d’Hollywood accusé par des actrices de harcèlements sexuels et de viols. Cette affaire a libéré la parole de nombreuses femmes victimes, elles aussi, de harcèlements et de sexisme.
Bérénice Ravache, présidente du Comité Diversité et directrice de FIP, est l’invitée du médiateur et répond aux remarques des auditeurs.
Un producteur de France Inter qui se réjouit de la rentrée, et dit « cela va permettre aux mamans d’écouter mon émission ». Réaction outrée d’une auditrice : « Evidemment, les mamans, après avoir déposé les enfants à l’école, n’ont rien d’autre à faire à part écouter la radio et faire un peu de ménage en attendant que leur mari rentre à la maison ».
« Cela montre bien qu’il reste beaucoup de travail à accomplir sur les stéréotypes et des préjugés ! », commente Bérénice Ravache.
Un autre producteur présente son invité – un acteur – en évoquant un membre féminin de son équipe, « Aujourd’hui, elle porte sa plus belle salopette. Elle transpire énormément ; la vitre du studio est couverte de buée ». Réaction d’une auditrice : « Je suis révoltée et humiliée. Je trouve dramatique qu’on en soit encore là en 2017 ! ».
« Je ne sais pas si on peut parler de machisme ou de sexisme dans ce cas particulier. Cette réflexion a pu mettre mal à l’aise la collaboratrice, donc c’est déplacé ! Cependant, il s’agissait, pour le producteur, surtout de faire un compliment à l’invité. Ce qu’il aurait aussi bien fait si les sexes avaient été inversés. Auquel cas, d’ailleurs, les auditeurs auraient probablement relevé le fait que le producteur fasse une appréciation sur le physique de l’invitée… »
Où se trouve la limite entre humour, second degré et sexisme ?
« La loi est très précise à ce sujet. Le code du travail définit l’agissement sexiste: « Tout agissement lié au sexe d’une personne ayant pour effet ou objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile ou dégradant, humiliant ou offensant … ».
Dans l’émission de Nagui, la semaine dernière, Gérard Depardieu se vantait d’avoir présenté – comme il le dit – « des gamines à des soldats américains« . Nagui a réagi. Cependant, ces propos sont une bonne illustration du machisme et du sexisme ordinaires. On le retrouve également dans des formulations telles que « L’actrice s’est fait violer ». Annie nous écrit : « Cette expression semble aussi banale que si vous disiez « Elle s’est fait coiffer », avec le fait d’induire une volonté. Non, on dit : « Cette actrice a été violée ». Y a-t-il des fondamentaux à revoir ?
« Oui, on est face à un problème que jusqu’ici on semblait ignorer et qui explose avec l’affaire Weinstein. Je pense néanmoins que le problème ne se situe pas là où le place l’auditrice. Il faut veiller aux bonnes formulations; mais, le problème est trop énorme pour s’attacher d’abord à des formulations. »
Deux autres points énervent un grand nombre d’auditeurs et d’auditrices. D’abord, les différences d’âges critiquées, par exemple dans le couple Macron, pourtant identique, mais inverse, au couple Trump dont on a peu parlé. Ensuite, il y a cette propension à nommer à l’antenne les femmes par leur prénom, alors que l’on cite le nom de famille des hommes.
« C’est extrêmement choquant et ça signifie énormément de choses. Concernant l’âge, ça révèle une image des femmes comme objet de consommation sexuelle. Concernant les prénoms, c’est une façon de diminuer la place des femmes. »
Que peut-on faire contre ce sexisme ou ce machisme au quotidien ?
« D’abord il faut encourager les hommes à voir le ridicule de vouloir montrer la légitimité de leur domination, ainsi que le fait qu’ils se dévalorisent par cette façon d’agir. L’affaire Weinstein permet de mettre cet effet en lumière et de montrer ce problème qui constitue le premier de tous les racismes, qui précède et fonde tous les autres, raison pour laquelle il est si invisible. A Radio France, qui a un devoir d’exemplarité, est mis en place une série d’actions de sensibilisation des salariés aux stéréotypes, afin de les réduire dans l’entreprise et d’éviter de les véhiculer à l’antenne ».
Il y a un reproche qui est fait régulièrement, c’est le manque de parité femmes/hommes parmi les invités politiques, les spécialistes et les experts.
« C’est un aspect mis en avant dans le rapport Grésy, sur lequel se sont fondé toutes les actions sur la place des femmes à l’antenne. C’est plus facile pour les producteurs d’inviter des personnes qu’ils connaissent, donc un peu toujours les mêmes, et ces « mêmes » sont des majoritairement des hommes. Par ailleurs, les femmes ont tendance à s’autocensurer. Le Comité diversité donne des outils pour y remédier. En partenariat avec le groupe Egaé, Radio France a développer le site Expertes qui recense les femmes expertes qui ont été coachées pour passer à l’antenne. Matthieu Gallet, PDG de Radio France, s’est engagé à augmenter chaque année de 5% le nombre de femmes sur les antennes. On voit des progrès, de 28% en 2015, on est passé à 33% en 2016.
Ça avance ! »