Le Médiateur de Radio France reçoit les remarques des auditeurs de « Secrets d’Info »: une fois par mois, les journalistes de la cellule Investigations de Radio France répondent aux interrogations et aux critiques.

Affaire libyenne : coup de tonnerre sur la sarkozie

► par Élodie Guéguen et Benoît Collombat

Retour sur toute l’affaire libyenne et la mise en examen de Nicolas Sarkozy qui a suscité un grand nombre de réactions et de commentaires. Beaucoup d’auditeurs, comme François, ont été satisfaits que vous fassiez un point complet sur une affaire qu’il qualifie d’embrouillée. Il ajoute : « Nous avons entendu une remarquable synthèse où les points de vue de toutes les parties ont été objectivement présentées ».

D’autres auditeurs estiment que cette affaire manque de preuves. Pour Jean-Luc, « comment faire confiance à la parole de trafiquants et d’anciens proches de Kadhafi ? ».

Ce sont des témoignages qui sont évidemment à prendre avec précaution … On peut se dire que ces anciens proches de Kadhafi ont des comptes à régler avec le président qui a décidé de leur mener la guerre en 2011. Mais ce qui est notable, c’est l’accumulation des témoignages qui vont dans le même sens… qui racontent la même chose … le fait que Kadhafi ait donné son accord pour payer la campagne électorale de Nicolas Sarkozy …  Certains anciens dignitaires libyens l’ont raconté devant la Cour pénale internationale. D’autres ont témoigné sous X devant les juges français. Et puis il y a aussi un témoignage écrit et posthume du ministre du pétrole de Kadhafi… dont on a retrouvé des notes datées de 2007.  Ça, c’est un élément matériel qui embarrasse la défense de Nicolas Sarkozy …

Claude, un autre auditeur, ne comprend pas que l’on mêle ce qu’il appelle « les turpitudes de Claude Guéant » avec le financement de la campagne présidentielle : « Que signifie l’amalgame entre le financement de l’appartement de Guéant, écrit-il, et le financement de la campagne de Sarkozy ? ».

Il faut rentrer dans le détail de cette affaire… A première vu effectivement on peut se demander quel est le lien entre l’achat de l’appartement de Claude Guéant et cette affaire libyenne… Les enquêteurs ont remonté le fil de l’argent qui a permis à Claude Guéant, de s’acheter un appartement, en payant comptant, dans les beaux quartiers de Paris, début 2008 alors qu’il était depuis quelques mois le secrétaire général de l’Elysée … Claude Guéant avait reçu un virement de Malaisie, virement de 500 000 euros … et en bout de chaîne, derrière cet argent, les enquêteurs ont identifié un banquier installé à Genève qui gérait aussi le principal fonds d’investissement libyen … En clair, des milliards de pétrodollars du régime de Kadhafi… Est-ce une coïncidence ? Les juges en tout cas ont décidé de mettre Claude Guéant en examen dans le cadre de cette affaire franco-libyenne ….

Une question sur vos méthodes de travail. Marie s’étonne « d’entendre la retranscription de contenus d’écoutes téléphoniques. Comment pouvez-vous vous les procurer ?, demande-t-elle. S’agit-il de fuites et est-ce légal ? ».

D’abord le principe de base quand on est journaliste, c’est d’avoir des sources… C’est ensuite évidemment de recouper ses informations…L’autre grand principe : c’est le secret des sources, donc évidemment on ne va pas rentrer dans tous les détails. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que dans une procédure judiciaire, il y a de multiples intervenants… Certains sont tenus au secret de l’instruction… d’autres non… Mais les journalistes, eux, ne sont pas soumis à ce secret de l’instruction… Et s’ils n’ont pas le droit de détenir des pièces d’un dossier,  ils peuvent tout à fait en prendre connaissance. Et donc ensuite les rendre public.

 

Ce milliard d’euros que Pôle emploi réclame aux chômeurs

 Une enquête de Cécile Hautefeuille

Une enquête sur le quasi milliard d’euros versés à tort par Pôle emploi à des chômeurs. 

Nombreux sont ceux qui ne comprennent pas que l’on puisse réclamer de fortes sommes à des personnes à faibles revenus, alors que les erreurs viennent de Pôle emploi. D’autres se demandent pourquoi les demandeurs d’emploi qui perçoivent par erreur une somme plus importante que d’habitude ne réagissent pas et attendent qu’on leur réclame un remboursement. « C’est tout de même troublant ».

Deux réponses :
D’abord, il faut bien comprendre que les sommes trop versées ne sont pas forcément colossales… ce qui n’attire pas forcément l’attention… ça peut être 40 euros… ces sommes s’accumulent pendant des mois… et ce n’est que quand la demande de remboursement du cumul de ces sommes trop versées tombe que la plupart des gens réalisent qu’il y a un problème…
L’autre point, c’est ce que Cécile Hautefeuille explique très bien dans son enquête : la plupart des « bugs » concernent les demandeurs d’emplois qui cumulent des allocations avec des petits revenus… La grande majorité d’entre eux ignorent comment est calculé leur complément de salaire. Et parfois, ils ne connaissent même pas l’existence de ce dispositif.
Alors, comment pourrait-il vérifier ce que personne ne leur a jamais expliqué ?
La plupart disent « faire confiance » à Pôle emploi et ne vérifient pas forcément si les montants versés sont corrects. Même si bien sûr, clairement, il est conseillé de le faire. Encore faut-il avoir les moyens de le faire…

Fabrice, un salarié de Pôle emploi, vous reproche de « n’avoir qu’effleuré le sujet », nous écrit-il : « 80% des trop-perçus ont pour cause l’absence de déclaration de reprise d’emploi des chômeurs. Et vous, vous faites 30 minutes sur 1% des cas ».

Encore une fois, la journaliste qui a fait l’enquête travaille depuis des années sur le sujet… Elle a même écrit un livre sur Pôle emploi… En revanche, le chiffre cité par Fabrice n’est confirmé par aucune de nos sources… Ce que dit l’Unédic, qui est donc le gestionnaire de l’assurance chômage, c’est que dans 80% des cas, ces trop perçus interviennent dans une situation de cumul allocation chômage / salaire… on le disait tout à l’heure… Ce n’est donc absolument pas 80 % de trop perçus pour cause d’absence de déclaration de reprise d’emploi. Nous n’avons pas fait 30 minutes sur un 1% des cas : on s’est au contraire concentré sur les dysfonctionnements les plus importants… notamment ceux qui concernent les assistantes maternelles… la profession la plus touchée par les trop perçus.

Enfin, une auditrice, Myriam, pose une question de vocabulaire pas idiote du tout : « Pourquoi parlez-vous toujours et encore de « trop perçu » ? Or, il s’agit de « trop versé ». « Trop perçu » stigmatise les demandeurs d’emploi, alors qu’ils ne sont pour rien dans les erreurs de Pôle emploi ». Ce n’est pas faux…

C’est vrai que les mots sont importants…
Dans notre enquête, je pense qu’on a vraiment eu le souci d’être au plus près des faits… en expliquant qu’il s’agissait de sommes versées… à tort aux demandeurs d’emploi, qui finalement sont les premières victimes de ces dysfonctionnements. Donc il n’y a aucune volonté de stigmatiser qui que ce soit… L’autre élément de réponse, c’est que si nous avons utilisé ce terme de « trop perçu », c’est qu’en fait, la grande majorité de nos interlocuteurs utilisent ce terme dans les interviews que nous avons menées.