Bonjour et MERCI à France culture,
Je suis (je dis "je" mais on est nombreux dans mon entourage) une "transfuge" de France inter.
Voici ce que je leur ai écrit, il y a quelques temps :
"Ni gilet jaune, ni macroniste, je regarde avec désespoir les souffrances dont beaucoup de monde se fout.
J’ai commencé à écouter France Inter dans la solitude, l’enfermement et la tristesse de ma chambre d’adolescente, il y a plus de 20 ans. Je tournai le bouton de mon double cassette, sans trop savoir ce que je faisais, les yeux et la tête dans le vide. La voix tremblotante d’une vieille dame de plus de 90 ans m’a arrêtée. Une vieille arménienne racontait le génocide qu’elle avait vécu enfant, son pardon et son regard empathique sur le peuple turc et sur le monde. J’ai été émerveillée par cette vieille dame. Je me suis dit c’est donc possible…il y a de l’espoir... il y a de l’amour. C’était, mais je ne le savais pas encore, l’émission de Mermet. C’était France Inter et j’ai grandi avec vous jusqu’à il y a quelques mois, peut-être quelques années, je ne sais plus vraiment quand ça a commencé…un peu comme dans 1984…c’est flou tout ça… On le vit, on le ressent mais on ne sait plus quand ça a commencé, le mépris, le dédain des pauvres, du haut de notre intellect si bien fait, si bien cultivé…
On les aime bien les pauvres, on les plaint, on leur donne une pièce quand on passe dans les rues de nos villes en allant au théâtre ou au cinéma, parce que c’est important de se cultiver, ça fait prendre conscience des autres et de la réalité du monde… On espère qu’ils n’iront pas boire notre pièce, quand même... Eh bien si !! Ils iront la boire votre pièce car ils n’ont rien d’autre, parce qu’elle ne vaut pas plus !! D’autres pauvres ont préféré mettre le peu qu’ils avaient dans un toit et dans des dettes, pour faire semblant d’avoir une vie normale. Ceux-là n’en peuvent plus de faire semblant, ceux-là ont quitté la tranquillité qui vous arrangez bien. Vous préfériez croire à leur théâtre d’ombres d’eux-mêmes, c’était plus facile, plus confortable… et dans un dernier tour de passe-passe vous avez applaudi quand le pouvoir prenait 100 balles dans la caisse commune pour le glisser dans leurs poches trouées d’impôts avec ces quelques mots sur vos antennes « le mouvement s’essouffle, autrement dit : Maintenant ça va bien, vous allez acheter vos cadeaux pour Noël et vous rentrez chez vous.» Quel mépris…
Ce doit être agréable de féliciter le gouvernement pour sa gentillesse, de relever que, quand même, ils pourraient être reconnaissants, ces gilets jaunes, malgré toutes leurs « destructions », on leur accorde quand même quelques pièces !!!...
Vous êtes-vous seulement demandé ce que c’était que de vivre à crédit, de ne pas pouvoir bouffer correctement, d’être obligé de participer au grand capital qui les détruit ???
Vous n’avez presque pas parlé des blessés, des mains perdues, des yeux éclatés, des députés qui ont refusé de se lever pour eux. Pourtant il est injuste de se faire arracher l’œil pour avoir oser montrer son désespoir. C’est vrai, après tout, ils auraient pu manifester calmement, sans bruit, juste parce que « zut ! Quand même, on crève !! ». Un peu, comme les femmes, qui pendant des millénaires et aujourd’hui encore, n’ont, bien souvent, que le droit de cuisiner, d’écarter les cuisses et de rester à leur place.
Vous êtes devenus pour moi la radio du pouvoir, sans objectivité…
Je suis tellement déçue et ce n’est pas une question de politique, seulement une question d’empathie…
Vous m’avez repris tous les espoirs que vous m’aviez offerts pendant 20 ans.
Je ne vous écouterai plus même si certains d’entre vous me faisaient du bien, me faisaient encore grandir.
Je ne vous écouterai plus parce que, maintenant, le matin, quand je rentre dans ma classe, après vous avoir écouté et avant d’accueillir mes élèves, j’écoute Louis Armstrong, Sting ou Aretha Franklin en boucle pour ne pas pleurer, pour régénérer mes espoirs, pour transmettre à mes élèves de la force et non du désespoir.
Vous estimerez certainement que nous ne sommes que de sales gauchistes certainement extrémistes, et attention ! Attention aux extrêmes !! Eh bien, non !! Vous n’avez rien compris, j’avais seulement besoin de trouver chez vous de la compassion et de l’empathie, de la compréhension, de l’intérêt pour des vies qui ne sont pas les nôtres, de la réalité et de l’objectivité. Surtout pas de l’engagement.
Vous au contraire, vous n’avez fait que défendre ce gouvernement qui est très bien pour qui veut bien ne pas regarder la souffrance d’une grande partie de son peuple, pour qui veut bien ne pas regarder la souffrance de ceux qu’il laisse crever en mer, pour qui veut bien ne pas regarder que Bernard Maris n’a pas été remplacé, laissant le champ libre et obséquieux à Dominique Seux. C’est peut-être là que tout a basculé entre nous…
Sans télé à la maison, nos enfants ont été bercé par votre radio depuis leur naissance, ce sera pour eux, en pleine adolescence, un apprentissage de la liberté que de ne plus vous entendre préférer, en toute politesse, le matériel à l’humain, le pouvoir au peuple.
Je vous souhaite un avenir plus empathique.
Adieu, France Inter…"
Vous m'avez en peu de temps, réconfortée, apaisée, intéressée, donné une belle matière à réflexion, redonné de l'espoir.