Emmanuelle Daviet reçoit Laurence Bloch, directrice de France Inter.
Les auditeurs nous ont écrit sur l’émission La Terre au carré animée par Mathieu Vidard, sur la mort de Jacques Chirac, sur les invités de la matinale, sur les chroniques humoristiques et sur les nouveaux rendez-vous de la chaîne.
Depuis la rentrée, des auditeurs regrettent que la Terre au carré ne mettent plus en avant les scientifiques
« Je constate avec désarroi la disparition de la Tête au carré. Bien que les problématiques écologiques soient très importantes je pense qu’elles étaient déjà bien traitées dans les programmes de France Inter. En revanche plus de question de physique nucléaire, d’astrophysique, de mécanique quantique, de génétique, d’archéologie . Quel appauvrissement… ».
Que répondez-vous au désarroi de cet auditeur ?
Laurence Bloch : Il n’était pas question pour nous de mettre à l’écart les scientifiques de la chaîne. Une émission existe toujours pour cela : il s’agit de l’émission Du vent dans les synapses, animée par Daniel Fievet, le samedi de 15h à 17h. […] Dans le propos de la Terre au carré, on essaie de ne pas considérer les questions de l’environnement comme des questions à la mode, de bobos écolos. […] C’est le rôle d’une radio de service public que de documenter un sujet aussi important.
« Camille passe au vert » est un rendez-vous quotidien dans la Terre au carré. Cette chronique a suscité pas mal de message, dont celui d’Arthur : « La cause environnementale n’a pas besoin de chroniques visant à tourner en ridicule les personnes et leurs projets. C’est à la fois trop facile et pas constructif. Nous avons suffisamment de chroniques de ce genre dans les émissions humoristiques ».
Quel cahier des charges avez-vous confié à Camille Crosnier ?
Laurence Bloch : Camille est là pour être décapante, pour accrocher une oreille qui n’est pas forcément concernée par les questions de la planète, qui trouve ça peut-être ennuyeux. […] Camille est là pour convaincre les indécis, […] elle est pour dégoter tout ce qui dysfonctionne, elle est là où ça fait mal.
Jacques Chirac et les éditons spéciales
« Trop de Chirac et pas assez de Rouen »
Qu’on aime ou pas l’individu, c’eut été une faute de que de ne pas revenir sur l’itinéraire de cet homme qui pendant 12 ans a été le centre de gravité de la France… Bruno Duvic a fait avec la rédaction un travail remarquable […] et ensuite l’actualité est revenue, on a traité de la question de l’incendie de Lubrizol dès 17h sur France Inter dans tous les titres du lendemain […]
Le choix des invités dans la matinale du 7/9 fait aussi l’objet de nombreux commentaires.
Gilles nous écrit notamment : « C’est tellement bien la matinale de France Inter quand il n’y a pas d’invité politique! Je sais bien que vous n’allez donc pas changer de formule mais si une fois de temps en temps vous pouviez remplacer un invité politique par un autre cela ne serait pas plus mal. »
Laurence Bloch : Les invités politiques sont extraordinairement minoritaires en cette rentrée. On a eu beaucoup d’intellectuels : Christiane Taubira, Edgar Morin, François Sureau cette semaine, Béatrice Dalle et Joey Starr… Il y a une palette d’invités très éclectiques, en particulier dans le grand rendez-vous de France inter, qui est le rendez-vous du 7/9. Mais il y aura toujours des invités politiques car ils ont en responsabilité la vie de la cité. On vote pour eux, ce sont nos représentants, heureusement qu’on leur pose des questions, qu’ils ont à faire à des journalistes. […] Le 7/9, c’est l’actualité, et c’est l’actualité qui guide le choix. On y voit des invités politiques mais pas que, des sujets graves et puis de temps en temps des sujets légers. […] C’est l’alchimie de l’actualité avec un pluralisme de points de vue !
Le Masque et la plume pointé du doigt pour son manque de critiques femmes et les propos sexistes de ses intervenants
Les auditeurs ont dénoncé l’absence de femmes critiques et les propos sexistes tenus par l’un de ses intervenants.
« Il est inadmissible qu’en 2019 vous n’ayez pas davantage d’intervenantes, surtout pour vos émissions sur le cinéma. D’autant plus que certains de vos critiques hommes tiennent à chaque émission des propos misogynes de mecs vieillissants, nostalgique de la belle époque d’avant Me Too. »
Laurence Bloch : On discute beaucoup de cette question avec Jérôme Garcin, qui est le producteur de cette émission depuis la rentrée. Et il est clair que, au niveau du cinéma, il n’est pas normal qu’il n’y ait pas de critique femme à l’antenne. […] Cela va changer, c’est un work-in-progress. Ça doit changer.
Et je comprends que les auditeurs soient choqués et irrités des propos sexistes. Je voudrais rappeler que le Masque c’est aussi un jeu de rôle.
Des auditeurs ont un avis mitigé concernant l’émission de Nadia Daam. Nadine nous écrit notamment : « Je pense que le concept de l’émission ne correspond pas aux attentes des auditeurs de France Inter. En quoi ces petites histoires d’amour personnelles des personnes qui téléphonent sont intéressantes? Ce type d’émission n’a pas sa place sur votre antenne »
Laurence Bloch : Il y a plus de six millions d’auditeurs sur l’antenne. Je pense donc qu’il est bien difficile de dire ce qui plaît aux auditeurs en général. Je pense qu’il en faut pour tous les goûts. Nadia Daam a une façon de faire de la radio très intéressante. Je pense que l’interactivité c’est la modernité : c’est très important aujourd’hui de laisser les gens s’exprimer et je suis très reconnaissante à Nadia Daam parce qu’elle n’a pas chercher à couvrir cette parole spontanée, libre…
Les rediffusions tardives
Des auditeurs se plaignent que certaines émissions soient diffusées la nuit : « Pourquoi repasser « On va déguster » entre minuit et une heure du matin? A une heure pareille on pourrait s’attendre à une voix douce, chaude, un sujet culturel, de la musique… enfin un programme de soirée car qui, même critique culinaire, souhaite entendre parler de cuisine entre minuit et une heure? Avec tout mon respect pour le service public »
Laurence Bloch : Cette jeune auditrice a l’oreille parfaitement affûtée, elle avait raison. Sa remarque a rejoint la position de Yann Chouquet, le directeur des programmes de France Inter. Et aujourd’hui c’est Remède à la mélancolie qui remplace la gastronomie.
Je lis, nous lisons, tous les courriels qui nous sont adressés et nous en tenons vraiment compte.
Certains auditeurs s’étonnent aussi de l’exploitation du fonds patrimonial de la radio et se demandent si c’est motivé par un choix économique.
Laurence Bloch : Je pense qu’il y a un fonds exceptionnel dans l’histoire de cette radio. Pourquoi serait-on indifférent à ce qui fait depuis 60 ans l’histoire de cette radio ? […] C’est formidable de pouvoir réécouter des émissions qui font la mémoire de cette chaîne !
Les chroniques humoristiques, entre incompréhension et confusion
Des auditeurs assimilent séquence humoristique et travail journalistique.
C’est une confusion inquiétante car si le journaliste porte la plume dans la plaie, comme l’a écrit Albert Londres, l’humoriste la trempe dans l’acide. Toute charge humoristique peut donc être cynique. Les humoristes créent un univers singulier : ils tordent le réel, le rendent drôle ou cruel et surtout se moquent d’être factuels. Une chronique fait rire ou sourire, elle provoque, blesse parfois. Un humoriste tourne l’important et le sensible en dérision, bouscule les certitudes, les tabous et les pudeurs, il pratique l’outrance et assume outrageusement sa mauvaise foi.
Laurence Bloch : Je pense que les humoristes sont des éditorialistes : comme le dit Charline Vanhoenacker, ils sont là pour « décapsuler » l’actualité et prendre position. […] Cette radio doit rester un espace de dialogue et de discussion. On a des sujets de société qui sont importants, et je crois qu’il est bon de ne pas mettre une chape de plomb sur tout ça.