Après l’annonce erronée de l’arrestation à Glasgow de Xavier Dupont de Ligonnès vendredi, Vincent Giret, directeur de franceinfo radio, répond à la médiatrice de Radio France.
Les auditeurs de franceinfo sont très nombreux à réagir au traitement éditorial de l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès. Au-delà de l’indignation et de la colère, cet emballement médiatique suscite de l’incompréhension sur la méthode de travail. Dans un souci de transparence, le directeur de franceinfo radio, Vincent Giret, a répondu dimanche 13 octobre aux questions de la médiatrice de Radio France, Emmanuelle Daviet.
La médiatrice de Radio France : Raphaël, un auditeur, demande « pourquoi ne pas avoir pris le temps de vérifier que c’était bien Xavier Dupont de Ligonnès qui avait été arrêté ». Et c’est une question récurrente des auditeurs de franceinfo.
Vincent Giret : C’est une question fondamentale. Quand on donne une information qui s’avère fausse, on est blessés, on est meurtris, c’est même insupportable quand on fait ce métier. La confiance c’est aussi de la transparence, c’est une relation, un dialogue, et il est donc fondamental de répondre aux questions de nos auditeurs.
Il faut revenir à vendredi soir, 20h40. C’est Le Parisien qui sort l’information, et c’est une règle à franceinfo, on ne reprend pas une information qui sort à l’extérieur sans la vérifier nous-mêmes. Là, on a un service Police/Justice tout à fait professionnel qui appelle ses sources. Et nous avons, très vite, trois sources, police nationale, police judiciaire, au plus haut niveau, qui nous disent : c’est lui. À ce moment-là, dans la voix de ces responsables au plus haut niveau de la police, il n’y a pas de conditionnel.
Une auditrice nous demande si précisément ça ne remet pas en cause la fiabilité des informations qui vous sont données par la police…
C’est une des leçons de l’histoire. C’est l’une des plus grandes énigmes criminelles de l’histoire contemporaine. Donc il y a une attente énorme. Xavier Dupont de Ligonnès est en cavale, s’il est toujours vivant, depuis huit ans. Donc si on se met une seconde dans la tête des enquêteurs, y compris des enquêteurs les plus chevronnés de la police judiciaire, on voit bien qu’en fait, inconsciemment, ils ont envie que ce soit lui.
Un auditeur écrit : « C’est incroyable tout ce que vous avez pu dire sans certitude. Si on n’est pas sûr, on ne fait pas d’édition spéciale ». Que lui répondez-vous ?
Si on n’est pas sûrs, on ne fait pas d’édition spéciale, c’est vrai, cet auditeur à raison. Le problème, c’est que là, nous sommes sûrs. Nous sommes sûrs parce que nous avons les plus hautes autorités de la police nationale et de la police judiciaire qui nous disent : les empreintes « matchent ». Et donc, c’est lui. Et bien évidemment, parce que c’est une histoire incroyable, parce que c’est l’une des énigmes criminelles les plus intenses, les plus grandes, c’est une information importante et nous sommes alors en édition spéciale.
François se dit « scandalisé par la diffusion publique du nom, du prénom et de l’adresse du retraité qui s’est fait arrêter en Ecosse ». Que vous inspire cette réflexion ?
C’est une très bonne question. Je pense que nous partageons avec cet auditeur l’effroi, la gêne, le regret bien évidemment. Il faut savoir, quand on le remet dans le contexte, qu’on nous dit d’abord que le passeport a été volé, que c’est sans doute un changement d’identité et que ça fait partie du camouflage du suspect. Je nuancerais ce qu’a dit l’auditeur, il y a plusieurs moments où on n’a donné que le prénom et on n’a jamais donné l’adresse bien sûr ! Bien évidemment, on imagine aujourd’hui l’enfer que vit cette personne en particulier.
Et là encore, c’est intéressant de refaire la chronologie de ce qu’il s’est passé. Le vendredi soir, nous avons l’adresse à Limay de la personne suspectée. Nous envoyons une reporter. Et là, en discutant avec les voisins, avec des gens qui connaissent précisément le suspect, on se rend compte quand même qu’il y a quelque chose qui cloche. Cette reporter passe à l’antenne très tardivement le vendredi soir, elle le dit et on va passer son reportage le lendemain qui montre clairement que là, on sent la méprise. Et le samedi matin, nous réintroduisons de la distance, notamment en disant que la police française envoie en Écosse une équipe pour vérifier l’ADN et en répétant constamment à l’antenne « si c’est bien lui ».
Les auditeurs s’interrogent également sur le principe même de l’information en continu. L’un d’eux conclut son message par ce propos : « Toute cette affaire montre la limite profonde de l’information en continu ». Est-ce que ça n’en traduit pas aussi, Vincent Giret, toute la difficulté ?
C’est bien évidemment la difficulté de l’information en continu. L’information en continu, ça correspond au besoin que nous avons aujourd’hui d’être connectés, d’être informés en permanence, quand nous le voulons, quand nous le souhaitons, où que nous soyons. Simplement, il y a une manière de faire de l’information en continu.
L’information en continu ici, c’est de l’information, c’est un fait, mais c’est aussi de la contextualisation et du décryptage. C’est fondamental aujourd’hui et c’est ce que nous nous efforçons de faire ici à franceinfo. On ne peut pas séparer ces deux choses. On a besoin de contextualisation, de décryptage et de dialogue avec les auditeurs.