Alors même que l’usage majoritaire en France est d’utiliser ce terme, apparu avec l’épidémie de coronavirus, au masculin, l’Académie française recommande d’utiliser le mot Covid-19 au féminin plutôt qu’au masculin. « Je suis curieuse de savoir pourquoi l’Académie française nous invite à dire « la Covid » plutôt que « le Covid » ? » nous demande une auditrice. Les académiciens rappellent une règle simple : pour un acronyme c’est le genre du mot principal qui compte. Ainsi on dit et écrit « la » SNCF car il s’agit de l’acronyme de la « Société nationale des chemins de fer » et l’article s’accorde avec le genre du mot « société ».
La difficulté avec Covid est qu’il s’agit d’un acronyme d’origine étrangère. Covid est l’abréviation du terme anglais « Coronavirus disease » qui se traduit par « maladie du coronavirus ». « Maladie » étant un mot féminin la règle devrait donc bien être d’employer le féminin quand on utilise le terme Covid.
On parle de « la » CIA (Central Intelligence Agency) pour désigner l’agence de renseignement américaine. En français, « agence » est un mot féminin.
Au Québec, bastion francophone d’Amérique du Nord, on utilise le mot Covid au féminin.
Mais, une autre des règles fondamentales d’une langue est son usage courant. « L’usage fait la loi » ont coutume de dire les linguistes. Dans le cas du mot Covid, force est de constater que le masculin s’est imposé notamment sur les antennes de Radio France, ce qui nous vaut des messages d’auditeurs : « Comme vos journalistes semblent en permanence faire la confusion entre le virus (coronavirus : SARS-CoV-2) et la maladie (covid-19 acronyme de « coronavirus disease 2019 » ou « maladie à coronavirus 2019), je vous informe qu’il est admis et évident que le mot coronavirus est masculin en français et que l’acronyme « covid-19 » est plutôt féminin. », « Nous entendons souvent parler « du » Covid-19 (au masculin). Or, s’agissant de la maladie, il faut dire : « LA » Covid-19 (comme on dirait « la grippe »), celle-ci étant transmise par le coronavirus. Vos journalistes ne semblent pas toujours au courant. Un médecin, ce matin, lors de son interview, faisait bien la différence. »
Depuis le début de l’épidémie, le gouvernement parle du Covid au masculin, l’Institut Pasteur également.
« Pourquoi l’emploi si fréquent du masculin le Covid 19? », s’interroge l’Académie française. « Parce que, avant que cet acronyme ne se répande, on a surtout parlé du coronavirus, groupe qui doit son genre (…) au nom masculin virus. Ensuite, par métonymie, on a donné à la maladie le genre de l’agent pathogène qui la provoque », répond-elle.
Un mois avant cet avis rendu par l’Académie française, le site de France Culture se penchait déjà sur la question du genre, « le » ou « la » Covid-19, dans un excellent article à lire ici.
D’ailleurs, du côté des rédactions, des consignes particulières ont-elles été données ? À France Culture il y a eu débat et l’habitude a été prise de féminiser le mot. Débat également en conférence de rédaction à France Inter, pour l’instant les journalistes s’en tiennent à l’application de l’usage à savoir l’emploi du masculin mais si l’usage change une modification pourrait être envisagée. À France Bleu, pas de consigne particulière de la direction. Quant à Franceinfo, la rédaction a décidé de conserver « le » Covid car c’est l’usage depuis le début de la crise et c’est ainsi que s’exprime le grand public.
Autre reproche lexical des auditeurs, l’usage de la formule « distanciation sociale ». Depuis plusieurs semaines, ils écrivent inlassablement à ce sujet. Là encore, l’Académie s’est exprimée et juge l’expression « assez peu heureuse ». Comme nous l’expliquions dans l’édito de la Lettre #18, la « distanciation sociale » est une transcription de l’anglais « social distancing ». « Distanciation », explique l’Académie, désigne dans son sens premier « le refus de se mêler à d’autres classes sociales ». « On suppose pourtant que ce n’est pas le sens que l’on veut donner aujourd’hui à ce nom » estime l’Académie qui suggère : « Peut-être aurait-on pu parler de « respect des distances de sécurité », de « distance physique » ou de « mise en place de distances de sécurité ». »
Si les modalités du déconfinement ont été au cœur des courriers des auditeurs cette semaine, l’usage du mot en revanche ne suscite aucun message. Il est probable que, de leur côté, les académiciens plancheront tôt ou tard sur ce néologisme absent de tous les dictionnaires.
Emmanuelle Daviet