Emmanuelle Daviet reçoit Sébastien Baer, chef du service reportage de franceinfo, un service reportage fortement mobilisé depuis le début de la crise sanitaire. Ses 8 reporters ont parcouru 16.000 kilomètres dans 12 des 13 régions de France ! 70 reportages et 30 modules vidéos partagées sur les réseaux sociaux et le site franceinfo.fr.
Emmanuelle Daviet : Huit semaines de confinement, quinze jours de déconfinement et les reporters de Franceinfo sur le terrain partout en France depuis le début de la crise. A travers les reportages on entend des profils très variés, comment avez déterminé les angles de vos sujets ? Cela se fait de la rédaction de Paris ou bien sur place, sur le terrain ?
Sébastien Baer : Avant chaque départ sur les routes, on a défriché le terrain avec les reporters, une fois déterminée la zone de reportage. On a regardé quels sujets l’on pouvait tourner, qui faisait la particularité d’une région, d’un département : un foyer épidémique en Haute Savoie, les pêcheurs en Bretagne touchés par la crise, une commune en Alsace dont le maire atteint du COVID-19 est décédé, ou encore le confinement dans un village isolé des Pyrénées. Mais on s’est surtout laissé porter par l’actualité, au jour le jour, ce qui fait qu’on était présent à Mulhouse quand Emmanuel Macron est venu inaugurer l’hôpital de campagne. On était dans un Ephad de l’est de la France touché par plusieurs décès de résidents touchés par le Covid. Et on était cette semaine, sur la côte Atlantique quand les touristes sont venus sur les plages, cette semaine pour le premier grand week-end de décofinement.
C’était chaque jour une page blanche à écrire, en fonction de ce qu’on apprenait sur son évolution.
Emmanuelle Daviet : Pour les journalistes sur le terrain quel a été le défi logistique?
Sébastien Baer : il a fallu trouver des hôtels, des chambres d’hôtes à l’arrêt depuis des semaines, qui rouvraient bien souvent spécialement pour nous, le temps d’une ou deux nuits, il fallait parfois parcourir 50 km pour trouver un hébergement. Les gens étaient bien souvent contents de nous voir, cela leur donnait un semblant d’espoir de reprise économique… Il a fallu se protéger durant les reportages, souvent avec une perche pour respecter 1m50 de distance pour protéger nos interlocuteurs, on portait aussi un masque. C’était le cas pour le reporter, le technicien. Un protocole de reportage, une sorte de cahier des charges mis en place par Radio France au tout début de l’épidémie.
Emmanuelle Daviet : Sébastien Baer, selon vous un reporter radio est l’ambassadeur de l’auditeur sur le terrain. Et bien des auditeurs précisément nous ont écrit, dès les premiers reportages de Franceinfo, au début du confinement, pour nous dire qu’ils ne comprenaient pas que des journalistes soient sur le terrain alors que chaque citoyen devait respecter le confinement. Que leur répondez vous?
Sébastien Baer : C’est primordial, essentiel, de continuer à faire notre métier de reporter malgré la crise sanitaire. La vocation de Franceinfo c’est d’être partout là où se passe l’actualité. Il nous fallait faire entendre ceux qui vivent la crise, ceux qui la subissent, pour mieux faire réfléchir, faire réagir parfois. Les propos qu’on a recueilli étaient toujours plein de bon sens. Exemple avec les propos d’un propriétaire de jardin ouvrier de Blois, de 73 ans, qui ne comprenait pas pourquoi il ne pouvait passer qu’une heure sur sa parcelle, alors qu’il se trouvait bien mieux à l’air libre que dans sa tour HLM. Quelques jours plus tard, signe que ses propos étaient tout à fait audible, les conditions d’accès aux jardins ouvriers ont été assouplies.
Pour nous il était donc logique d’accompagner les auditeurs, avant, après et pendant le confinement. Je précise qu’aucun reporter n’a été contraint de partir sur les routes, pour cette série de reportages, cela s’est toujours fait sur la base du volontariat.
Emmanuelle Daviet : Au cours de ces semaines de reportages sur les routes de France, en plein confinement, qu’est ce qui vous a le plus marqué ? Si vous deviez retenir une seule chose de toute cette séquence ?
Sébastien Baer : Ce qui m’a marqué ce sont les routes désertes, y compris les nationales, les autoroutes. Une France au ralenti, qu’on n’avait jamais vu auparavant. Cette rencontre aussi avec la sœur d’un monastère de Lourdes qui me tend la main pour me dire au revoir, tout simplement. De toute ma semaine de reportages, la seule entorse à la distanciation physique.