L’élection présidentielle : la parole à pas comptés
Comme toutes les radios et télévisions, les antennes de Radio France sont tenues de respecter le pluralisme politique prévu par la constitution, la loi et les règles de l’autorité de contrôle. Depuis le 1er janvier, date de la fusion du CSA et de Hadopi, celle-ci s’appelle désormais l’Arcom, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
On n’arrête jamais de compter.
Tout au long de l’année, les temps de parole politique sont relevés et transmis chaque mois à l’Arcom. Les antennes doivent respecter la règle de l’équité, qui stipule que l’exécutif doit bénéficier de 33% de ce temps de parole. L’exécutif, pour l’Arcom, c’est le Président de la République lorsqu’il s’exprime dans le cadre du débat national (sur les retraites, les questions de sécurité intérieure ou la pass vaccinal, par exemple) ; ce sont aussi les conseillers du Président ; enfin, les membres du gouvernement.
Le reste du temps de parole – les deux-tiers restants – doit être réparti entre toutes les formations politiques, représentées ou non au Parlement, et cela de façon équitable. Il appartient à chaque média audioviosuel d’évaluer ce que pèse un parti dans le paysage politique français, en fonction du nombre d’élus à l’Assemblée nationale et au Sénat, de maires, de conseillers régionaux, etc.
L’Arcom juge du respect de ce « pluralisme hors élections » chaque trimestre.
Lorsque nous entrons en campagne électorale s’ajoute à ces règles celles qui régissent le scrutin dont il est question. Au sens où l’entend l’Arcom, la campagne présidentielle 2022 a commencé le 1er janvier. Depuis cette date, il faut relever de manière spécifique les « temps de parole » de tous les candidats et de leurs soutiens. On désigne sous le terme de candidats toutes les personnes qui font acte de candidature et celles qu’un faisceau d’indices suffisants permet de considérer comme tel. C’est ainsi que l’année a commencé avec une trentaine de candidats présumés ou déclarés.
Il faut aussi relever les « temps d’antenne ». Il s’agit des reportages, commentaires et analyses que journalistes et experts produisent pendant la campagne. Ces contenus sont crédités au compte des candidats, à condition qu’ils ne leur soient pas « explicitement défavorables ». L’Arcom juge les équilibres des « temps d’antenne » comme elle le fait des « temps de parole ».
La campagne va se dérouler en trois périodes.
La première période court du 1er janvier au 7 mars. Toutes les radios et télés doivent respecter l’équité entre les candidats. Comme pour le pluralisme hors élections, il appartient à chaque média audiovisuel d’évaluer ce que pèsent les candidats les uns par rapport aux autres. Il faut regarder les résultats aux précédents scrutins, et d’abord la précédente élection présidentielle et considérer ce que le candidat ou la formation politique qu’il représente dans l’élection de 2022 avait réalisé alors aux premier et second tour. Il faut regarder le comportement des formations portées par un candidat aux élections intermédiaires, prendre en compte le nombre d’élus, l’animation de la campagne et, s’il y en a, les sondages. Ainsi, chaque média définit un objectif d’équité qu’il justifiera, si besoin, auprès de l’Arcom, en cas de saisine de celle-ci.
La deuxième période commence le 8 mars. Ce jour-là, le Conseil constitutionnel annonce quels sont les candidats qui ont obtenu la validation des 500 signatures nécessaires à leur participation à l’élection. C’est toujours le principe d’équité qui prévaut, mais il faut désormais et jusqu’au 26 mars offrir aux candidats une exposition comparable. Tous ont le droit d’être entendus aux mêmes moments. La journée est découpée en quatre tranches : la matinale de 6h à 9h, la journée de 9h à 18h, la soirée, de 18h à minuit, et la nuit, de 0h à 6h. A noter que, même si ce n’était pas le cas dans la période précédente, l’Arcom a fait savoir aux médias audiovisuels qu’elle serait attentive, dès le 1er janvier, à ce que télés et radios n’offrent pas les heures de grandes écoutes à quelques candidats, reléguant les autres au milieu de la nuit.
La dernière période, appelée campagne officielle, oblige à une égalité parfaite des temps de parole entre tous les candidats et à une exposition comparable pour chacun d’eux. Elle prend fin à minuit, le vendredi qui précède le scrutin. Le week-end, on ne doit pas exposer les candidats et leurs programmes, ni évoquer les sondages. C’est ce qu’on appelle « la période de réserve ». Elle prend fin le dimanche soir à 20h.
Les compteurs sont remis à zéro à la fin de chaque période et au lendemain du 1er tour. Pendant l’entre-deux tours, c’est le principe d’égalité avec exposition comparable qui s’applique.
Le cas spécifique du Président de la République.
Lorsque celui-ci est candidat ou que l’on suppose qu’il le sera, comme c’est le cas avec Emmanuel Macron, il convient de jauger ce qui relève d’un propos régalien ou d’une parole de campagne. L’exercice est certes délicat, mais il serait abusif de dire que le chef de l’Etat pourrait impunément profiter de sa situation pour ne pas être pris en compte de campagne.
Jean-Christophe Ogier adjoint au Secrétaire général de l’information de Radio France