Beaucoup de remarques de la part des auditeurs. Donc nous allons répondre à leurs questions avec Catherine Nayl, directrice de l’information et Yann Chouquet, directeur des programmes sont au micro d’Emmanuelle Daviet médiatrice de antennes de Radio France
La couverture éditoriale de la Coupe du Monde au Qatar
Emmanuelle Daviet : Boycott c’est le mot qui revient le plus souvent dans les messages des auditeurs
L’un d’entre eux écrit : « J’ai beaucoup apprécié les émissions sur France Inter concernant la préparation de la Coupe du monde de football, sur les conditions humaines et les scandales financiers. Ces émissions étaient pertinentes et elles ont bien montré la « honte » de cette organisation. Ce que j’aimerais à présent c’est que France Inter s’engage et ne parle pas du tout de cette manifestation » Catherine Nayl : Que vous inspire cette réflexion qui revient dans de nombreux messages ?
Catherine Nayl : Mais juste que notre métier, c’est d’informer. C’est donc de donner une information et de l’éclairer. Ce n’est pas de la passer sous silence. Donc, comme votre auditeur l’a d’ailleurs très bien remarqué, effectivement, nous entourons la couverture de cette Coupe du monde. En amont, nous avons fait un numéro spécial de Secrets d’info justement sur les conditions d’attribution de cette Coupe du monde, sur la façon dont les stades avaient été construits au Qatar pour cette Coupe du monde. Nous avons fait une série dans le 8 h la semaine dernière dans le 13 h, cette semaine et jusqu’à la fin de la Coupe du monde, nous éclairerons aussi de manière géopolitique je dirais, les enjeux d’une Coupe d’une monde au Qatar. Mais néanmoins, nous parlons de cette Coupe du monde qui est aussi un évènement sportif et un évènement sportif. C’est de l’information.
Emmanuelle Daviet : Un auditeur souhaite savoir si des débats ont eu lieu au sein de la rédaction sur la manière de couvrir la Coupe du monde au Qatar ?
Catherine Nayl : Nous avons déjà eu un débat au sein de Radio France avec les directeurs des rédactions de l’information, la directrice des sports Nathalie Iannetta, pour savoir, non pas si on allait la couvrir, oui, on s’est posé la question, mais très vite, nous nous sommes dit c’est une information et bien sûr, nous la donnerons.
Emmanuelle Daviet : en tant que journaliste, ce n’est pas possible de ne pas couvrir
Catherine Nayl : Exactement, mais néanmoins il y a façon et façon de couvrir. Et là, les appréciations peuvent dépendre aussi de chaque chaîne. France Inter a décidé de la couvrir d’une certaine façon. J’ai expliqué à la rédaction cette intention. Nous en avons discuté et c’est comme ça que nous faisons chaque jour ce que nous donnons, ce que nous ne donnons pas ou ce que nous entoureront d’explications et de contextualisation.
Emmanuelle Daviet : Une question sur la hiérarchie de l’information : selon quels critères la Coupe du Monde est positionnée en ouverture de journal ou des flashs ? demandent des auditeurs, qui souhaiteraient tout simplement qu’elle soit reléguée en fin de journal.
Catherine Nayl : Comme toute information justement on pèse, on soupèse, on regarde en conférence de rédaction avec les chefs de service, avec les rédacteurs en chef, avec les présentateurs, comment nous allons traiter cette information. Quand, par exemple, les joueurs allemands se mettent la main sur la bouche, comme pour se bâillonner eux-mêmes parce que la FIFA ne les autorise pas porter un brassard arc en ciel en faveur des droits des LGBT, c’est une information. Nous ouvrons l’un de nos journaux du soir par cette information. Tout comme quand, la France, l’équipe de France gagne son premier match alors que toutes les questions fleurissaient déjà avec les chances de l’équipe avec beaucoup de blessés, avec un enjeu, etc., nous ouvrons avec cette information, l’un de nos journaux du matin parce que c’est une information. Mais à chaque fois il y cette réflexion de « qu’est-ce qu’on fait de cette information, où la place-t-on ? »
Matinale spéciale de soutien aux femmes iraniennes
Emmanuelle Daviet : Extrait de la matinale spéciale de soutien aux femmes iraniennes. Quatre femmes ont accepté de témoigner au micro de Léa Salamé et Nicolas Demorand le 14 novembre dernier. La force de leur témoignage et la dignité de ces femmes ont été salué unanimement par les auditeurs. « Merci d’avoir organisé ce moment d’une rare intensité à l’antenne ».« Merci d’avoir permis à ces courageuses combattantes de la dignité humaine de s’exprimer publiquement. » peut -on lire dans les messages
Catherine Nayl : question d’une auditrice : « Comment réussissez -vous à donner ainsi la parole à des femmes qui luttent contre des régimes en place ? »
Catherine Nayl : Alors, vous le savez, nous sommes particulièrement engagés dans le combat des femmes et particulièrement aussi engagés dans le combat des femmes afghanes, iraniennes, qui ne peuvent pas forcément porter leurs voix comme elles le souhaiteraient. Nous avons fait un certain nombre de journées spéciales en février dernier pour les Afghanes, en octobre pour la révolution en Iran et quand nous avons appris que certaines Iraniennes étaient en France, en marge du Forum sur la Paix, nous avons souhaité effectivement les rencontrer. Je dois vous dire Emmanuelle que la force, comme vous le disiez de leurs témoignages, l’intensité de leurs témoignages et leur courage, nous a tous particulièrement stupéfaits. Il y avait effectivement dans ces témoignages une immense dignité et un immense courage. En plus, elles représentaient quatre générations de femmes qui avaient lutté les unes après les autres pour la parole libre, pour une parole libre en Iran.
Emmanuelle Daviet : Et j’invite vraiment les auditeurs qui n’auraient pas eu l’occasion d’entendre leurs témoignages, d’aller écouter en replay sur le site de France Inter, avec notamment le témoignage de Roya qui était réellement bouleversant.
« Comment font les journalistes pour décrocher un entretien exclusif d’Emmanuel Macron ? » demande un auditeur », puisque lors de cette matinale, on a pu entendre le président de la République.
Catherine Nayl : Alors c’est vrai qu’il y a beaucoup de demandes de la part des rédactions et une parole rare, celle du président de la République en face de nos demandes. Il faut qu’il y ait une rencontre entre une intention. En l’occurrence, la nôtre était de donner vraiment une puissance à la parole de ces femmes. Et sans doute une volonté aussi de la part du président de la République de communiquer, de communiquer sur quelque chose qui lui tenait à cœur. Donc, cette rencontre a donné effectivement cet entretien, tout comme d’ailleurs nous avions recueilli sa parole au moment de la journée spéciale consacrée aux femmes afghanes.
Emmanuelle Daviet : On parle de la matinale, que vous inspirent les résultats des audiences de la matinale, notamment et comment les expliquez-vous ?
Catherine Nayl : D’abord un immense merci à nos auditeurs qui sont de plus en plus nombreux. Moi, je pense que c’est un tout. C’est une variété de contenus. C’est merveilleusement porté par Léa Salamé et Nicolas Demorand et je pense que nos auditeurs leur font confiance. Mais c’est une matinale chorale. Donc c’est lié à la variété des contenus et à la variété et à la personnalité de chaque personne qui témoigne ici ou qui, comme les invités qui sont invités dans cette matinale,
Emmanuelle Daviet : Une matinale où il y a parfois des informations anxiogènes , d’où la nécessité d’avoir des plages de respiration, de la légèreté, de l’humour. Yann Chouquet , le directeur des programmes de France Inter va répondre aux questions des auditeurs.
La publicité pour « Jour du Seigneur »
Emmanuelle Daviet : Yann Chouquet , avant d’aborder la question de l’humour, nous allons évoquer une publicité qui fait réagir les auditeurs. Je vous lis un message : « Depuis quelques jours nous pouvons entendre sur France Inter une publicité pour l’émission « Jour du seigneur » diffusé le dimanche sur France 2. Sur la radio de service public, comment est-ce possible ? » Yann Chouquet, que répondez-vous aux auditeurs ?
Yann Chouquet : Mais je vous réponds que c’est une publicité, donc qu’elle est payante, qu’elle est réservée dans un espace dédié à la publicité. Et que d’ailleurs vous ne l’illustrez pas ce matin dans votre sujet parce que c’est payant. Si ç’avait été une autopromotion, on aurait pu la diffuser pour illustrer le propos. Là, c’est payant. C’est vraiment dans un espace dédié, donc on ne le diffuse pas. On est dans le cas précis d’une société de production qui produit l’émission « Le Jour du Seigneur « sur France Télévisions et qui a décidé d’acheter de l’espace publicitaire pour faire la promotion de son programme. Et dans le cadre du droit commercial, on ne peut pas faire un refus de vente. Donc ça, c’est vraiment important de le souligner . Ce qu’il est important aussi de souligner, c’est que cette publicité n’est en rien en lien avec le contenu éditorial de nos antennes. C’est un message qui a été vendu par la régie publicitaire de Radio France dans un écran identifié et qui ne peut pas se confondre avec nos programmes. Après, il y a toujours la loi. Moi, je dirais que le principe de laïcité qui nous guide ne fait pas obstacle à ce que Radio France diffuse une annonce pour promouvoir une émission religieuse, qui plus est une émission religieuse de la télévision de service public diffusée le dimanche matin. C’est un message publicitaire qui donne rendez-vous pour écouter un programme, mais c’est en aucun cas un message qui propose de se convertir.
L’humour sur France Inter
Emmanuelle Daviet : Extrait de la chronique de Monsieur Poulpe consacrée à la chasse et diffusée dans l’émission « C’est encore nous » le 2 novembre dernier. Une chronique qui a suscité de la colère, beaucoup d’indignation comme en attestent tous les nombreux messages reçus. Je vous lis l’un d’entre eux : « Que certaines personnes soient anti-chasse, tout le monde peut le comprendre, mais injurier les chasseurs et leurs femmes est parfaitement inadmissible ! »
Autre message : « J’ai trouvé cette chronique choquante, affligeante, indigne, insultante, outrageante et terriblement sexiste. La liberté d’expression a un prix qui exige le respect d’autrui et n’autorise pas à dénigrer des personnes. »
Yann Chouquet cette chronique a heurté des auditeurs et des auditrices. Comment recevez-vous leurs critiques ?
Yann Chouquet : Dans cette chronique, Monsieur Poulpe tourne en dérision les arguments avancés par les chasseurs pour expliquer les accidents mortels dont ils sont responsables à l’égard des cyclistes et des promeneurs. Vous l’avez entendu « j’ai été ébloui par le soleil. Je l’ai confondu avec un sanglier. » Et l’humour, c’est un principe d’écriture qui souligne la légèreté de ces arguments, justement. Dans cette séquence qui a choqué les auditeurs, et je le comprends, Monsieur Poulpe applique ces mêmes arguments à une situation volontairement choquante : coucher avec la femme d’un chasseur pendant qu’elle ramasse des champignons. Mais ça, c’est l’outrance de l’humour, grossir le trait, caricaturer pour faire ressortir la violence, la violence de la situation. Eh bien oui, ça, c’est vraiment un des ressorts. Moi, je comprends l’indignation à l’écoute de cette chronique, la vulgarité du vocabulaire employé, la violence de la situation décrite. Ça ne peut pas faire l’unanimité. On s’attaque en même temps aux féministes et aux chasseurs. Et évidemment, ça provoque des réactions. Mais vous savez, l’irrévérence, la provocation, l’outrance, ce sont des ressorts de l’humour et ce sont des ressorts de l’écriture humoristique. Et c’est une tradition française. C’est une tradition française depuis les fous du roi, depuis François Fillon, depuis Daumier. Et puis aujourd’hui, c’est les humoristes de France Inter qui s’en emparent.
Emmanuelle Daviet : Alors sur France Inter précisément quelles sont les limites de l’humour ? demande un auditeur
Yann Chouquet : Il y en a une. C’est la loi.
Emmanuelle Daviet : Les humoristes provoquent toutes sortes d’émotion, de l’indignation, de la colère, on vient d’en parler, mais aussi bien sûr du rire ou des larmes comme cette chronique de Constance, la semaine dernière. Une chronique à la fois loufoque, grave, féroce et délicate selon les mots des auditeurs qui ont été très nombreux à saluer le courage de l’humoriste. Elle évoque dans sa chronique la dépression qui l’a éloignée de l’antenne pendant de nombreux mois.
Yann Chouquet, vous dites des humoristes qu’ils sont des « anthropologues du quotidien » ?
Yann Chouquet : Oui, c’est vrai que j’ai dit ca une fois et ils se sont tous bien moqués de moi, Guillaume Meurice en particulier, mais j’assume mes propos.
Emmanuelle Daviet : Oui vous les assumez et vous les expliquez aussi !
Yann Chouquet : Oui, je trouve que les humoristes, en tout cas une part d’entre eux, parce qu’il y a différents types de d’humoristes politiques, il y a des humoristes qui évoluent dans un registre plutôt chansonnier. Et puis, il y a les humoristes qui utilisent l’absurde. Et eux, généralement, je trouve que ce sont des anthropologues du quotidien, en effet parce qu’ils observent nos travers de tous les jours. Et puis ils les grossissent et ils nous donnent à voir des absurdités qu’on ne regarde même plus. Et pourtant, on les a sous les yeux.
Emmanuelle Daviet : Les humoristes sont libres de ne pas faire rire sur France Inter ?
Yann Chouquet : Oui, les humoristes sont libres de tout. D’ailleurs, moi, je les considère plutôt comme des auteurs que des humoristes. Et le meilleur des exemples, c’est François Morel qui, ce matin, nous a fait rire parce qu’il était dans un registre d’imitation humoristique. Mais la semaine prochaine, on ne sait pas s’il va arriver avec un billet touchant, s’il va nous faire pleurer, s’il va faire de la poésie, s’il va avoir un coup de gueule politique. C’est typiquement la chronique polymorphe et qui illustre ce que vous dites c’est à dire qu’on a le droit de ne pas faire rire.
Emmanuelle Daviet : Catherine Nayl, que pensez vous de la proximité des chroniques humoristiques avec un contenu d’information dans la matinale ? Est-ce que c’est une combinaison gagnante pour la chaine ?
Catherine Nayl : En tout cas, je pense que c’est nécessaire, c’est salutaire. C’est urticant parfois pour les invités qui sont dans le studio, tout comme pour nos auditeurs et parfois même pour moi. Mais néanmoins, c’est indispensable, je pense, à l’équilibre de cette matinale et à l’équilibre de la chaîne.
Emmanuelle Daviet : Yann Chouquet : faire cohabiter humour et actualité, c’est un moyen d’amener un autre public ?
Yann Chouquet : Moi, je crois beaucoup à la proximité des contenus. On sait que les jeunes auditeurs apprécient particulièrement l’humour et leur faire écouter des chroniques humoristiques, c’est aussi leur permettre d’écouter le journal qui arrive juste derrière des sujets d’information.
Emmanuelle Daviet : C’est nécessaire sur une chaîne généraliste ?
Yann Chouquet : Oui, c’est vraiment l’illustration d’être généraliste. On fait rire, on informe, on illustre, on écoute de la musique, on détend.
Emmanuelle Daviet : Tout ça, c’est une mécanique bien huilée, entre vous, directeur des programmes et la direction de l’information, incarnée par Catherine Nayl ?
Yann Chouquet : On peut dire ça
Emmanuelle Daviet : Vous êtes souvent en accord ou il y a parfois des désaccords ?
Catherine Nayl : On peut dire ça. Vous êtes souvent en accord ou il y a parfois des désaccords comme jamais on peut être. On peut être parfois en désaccord. On en discute avec Yann, mais pas sur ce qui est essentiel. Je pense que sur ce qui est essentiel, on a la même vision. On travaille beaucoup ensemble. On parlait de journées spéciales, par exemple. On les fait vraiment ensemble. Et je pense que c’est ça aussi la force de France Inter. Il n’y a pas d’un côté une rédaction, un royaume à part, et puis de l’autre côté, les programmes, un autre royaume. Non. On fait une chaîne pour les auditeurs et donc on met en commun nos voix multiples.
Yann Chouquet : Il y a une seule antenne sur la même fréquence.