10% des jeunes Français seraient victimes, dès la primaire, de harcèlement scolaire. A l’occasion de la journée nationale de la lutte contre ce phénomène, ce 18 septembre, des auditeurs nous ont partagé leurs points de vue sur les conséquences du harcèlement, les façons de le prévenir, pour éviter les drames à la suite du Téléphone sonne du 18 septembre et de l’invité du 8h20 dans le Grand entretien du 19 septembre.
Vous posiez ce matin à l’antenne cette question: pourquoi n’y a-t-il pas de statistiques sur le harcèlement à l’école ? Voici un élément de réponse: Le décret 2012-933 du 1er août 2012 (modifié par le décret 2020-1702 du 24 décembre 2020) a créé une indemnité de fonctions, de responsabilités et de résultats (IF2R) pour les personnels de direction. LA PRIME AUX RESULTATS, moins il y a de problèmes dans un établissement plus elle est conséquente, si un principal un proviseur s’amusait à déclarer des phénomènes d’harcèlement sa prime diminuerait. J’étais pendant longtemps professeur de français en collège. J’ai vu en conseil de discipline un principal refuser des renvois pour tabassage en pleine classe d’un élève par un groupe de garçons en le traitant de tous les noms: surtout pour son orientation sexuelle, devant la mère de ce jeune garçon qui parlait de sa tentative de suicide, le principal n’a pas bougé, pas dit un mot et n’a pas renvoyé les agresseurs. Cette prime fonctionne aussi pour les statistiques de passage en seconde générale où on envoie des élèves qui n’ont absolument pas le niveau pour entrer dans les prévisions statistiques du rectorat. Oui, dans l’éducation moins on parle plus on est payé, voici une des raisons de cette véritable omerta sur le harcèlement et sur les problèmes dans les établissements. Aucun syndicat ne dénoncera cette prime… Pas d’état d’âme voici le premier mot que j’ai entendu lors de la première journée de formation des principaux de collège, oui pas d’état d’âme comme la prouver la lettre du rectorat de Versailles… Bon j’arrête ici et vous remercie infiniment d’avoir soulevé le couvercle de cette boite de Pandore ignoble. Merci encore pour vos émissions.
J’ai suivi votre table ronde sur le harcèlement à l’école. Quand la seule orientation proposée est la formation des enseignants, cela devient à la fois ridicule et consternant. Si l’on ne parle pas de sanctions, on est à côté de la plaque. Aujourd’hui les punitions en matière de harcèlement ne sont presque jamais appliquées. Pour moi il s’agit de recenser non seulement les cas de harcèlement mais également les sanctions effectivement appliquées et je suis sûr de ne pas être déçu du voyage. La loi prévoit des sanctions très lourdes mais ont-elles été jamais appliquées ?
J’ai été enseignant dans plusieurs collèges dont un dans un quartier difficile au nord de Nantes puis en lycée.
J’ai été très agacé par l’intervention de certains professeurs qui semblent tout mettre sur le dos d’un manque de formation et de moyens. J’ai été moi-même formateur et conseiller pédagogique, je ne saurais donc nier l’avantage et la nécessité de formations continues.
Cependant il faudra m’expliquer quelle formation il faut avoir pour ne plus faire semblant de ne pas voir deux élèves en train de se battre, l’un cognant la tête de l’autre sur le sol. J’ai vu deux collègues passer à côté, en faisant semblant de ne pas voir et la principale qui était au bout du couloir, ne pas intervenir non plus. Être un simple citoyen ne suffit-il pas pour intervenir dans une telle situation ?
Léa Salamé a parfaitement posé la question du « Pas de vagues » qui est un cancer d’origine très ancienne, continuant à se déployer, rongeant l’éducation nationale de l’intérieur. Le recrutement des responsables s’est fait aussi à l’aide de ce principe. Il est même miraculeux qu’on continue à trouver des chefs d’établissement qui ont échappé à cette idéologie. Le livre « Requiem pour l’éducation nationale » de Patrice Romain est très éloquent ce sujet.
Au sujet du harcèlement, pourquoi ne pas parler de l’éducation que les parents doivent donner à leurs enfants ! Les enfants ne sont pas 24h/24 à l’école !! Et les réseaux dont les parents doivent rester les maîtres !! Et les parents qui soutiennent leurs enfants quand on les convoque !!
J’ai été assistante sociale scolaire en collège en Isère.
J’ai été choquée par le positionnement de l’institution qui minimise la parole des jeunes adolescents. Un jeune collégien avait pu signaler son harcèlement et j’ai fait le constat qu’à la rentrée suivante il était dans la même classe que son harceleur.
On évoque très peu l’accompagnement que peut mettre en place l’assistance sociale scolaire auprès de qui, l’élève se confie très facilement. Mettre des moyens est la seule solution.
Mon fils a été victime de harcèlement, sans gravité pour lui.
Je ne remercierai jamais assez le CPE, à qui nous avions déjà signalé le problème. C’est lui qui m’a dit un jour » maintenant, ça suffit, allez porter plainte ».
Peut-être que sans lui je n’aurais pas réagi à temps ?
Tout a été pris en charge très vite après avec les gendarmes. Écoute, confrontation des deux parties, rappel à la loi pour le harceleur et interdiction de s’approcher du collège de mon fils. On peut y arriver, il faut oser en parler et se faire aider. Merci !
Je tenais à envoyer ce message car j’ai longtemps étais victime de harcèlement scolaire (pendant environ 7 ans), je n’ai jamais eu le courage de m’adresser à un adulte ou à l’administration de mon établissement de peur de subir des représailles pires quelles ne l’étaient déjà de la part de mes bourreaux.
J’étais scolarisée dans un collège où il y a eu plusieurs cas de harcèlement et je n’ai jamais vu l’administration faire quoi que ce soit pour les victimes, cette inaction a renforcée en moi l’idée qu’en parler n’était pas une bonne idée.
Aujourd’hui, une dizaine d’années après je reste profondément marquée par ce harcèlement : j’ai d’abord perdu toute confiance en moi, puis j’ai développée des troubles anxieux qui me suivent encore maintenant.
Aujourd’hui je me rappelle leurs regards pleins de mépris et dédaigneux. Et je me rappelle leurs rires ignobles qui ne me lâchaient pas.
Je ne souhaite à personne de vivre la même expérience que moi.
Enseignante spécialisée, j’ai travaillé en école primaire, en collège et maintenant en lycée professionnel. Dans chaque type d’établissement, j’ai rencontré le même phénomène de « dénigrement » de la parole des parents. Les enseignants et l’institution au sens plus large se placent en « sachant », ne supportent pas d’avoir l’impression qu’on leur dicte leur conduite. De l’autre côté, les parents nous confient leurs enfants, ce qui leur est le plus cher et la charge émotionnelle est parfois très forte quand il faut parler des problèmes rencontrés. Au lieu d’accueillir la parole et de lui donner un sens dans un contexte, il arrive fréquemment que celle-ci soit perçu comme une attaque de l’institution et/ou des personnels.
La lettre du rectorat traduit parfaitement cela.
Ajoutons que dans beaucoup d’établissement, des professeurs demandent encore la profession des parents, classent consciemment ou non les familles, ne donnent pas le même crédit à chaque propos.
La réalité c’est que les parents, tous les parents, doivent être considérés comme des partenaires avec qui nous devons traiter à égalité. Accueillir mieux leurs inquiétudes sera probablement vecteur d’amélioration dans les situations de harcèlement.
N’oublions pas non plus qu’ils sont le dernier rempart pour des enfants, si celui-ci est mis à mal, ça participe forcément aux drames.
Et enfin, c’est très difficile et courageux pour des familles d’interpeller une direction, un service de vie scolaire ou un professeur principal sur une situation de harcèlement, quand cela est fait, il faut écouter et répondre à la hauteur de ce qui est dit.
Les personnels formées existent : ce sont les assistantes de service social en faveur des élèves, les infirmières scolaires et les psychologues ! Ceci étant, ces professionnels disparaissent des établissements ou n’y sont présents que par demi-journée maximum. Quand on cessera de démanteler les équipes, peut être pourra-t-on protéger les enfants !
Pouvez-vous poser la question des causes et mécanismes psychologiques qui conduisent certains enfants/jeunes à en harceler d’autres à des psychologues/sociologues/experts des sciences de l’éducation sinon on n’y mettra pas un terme et comme l’a souligné un principal qu’en est-il de la violence et des rapports de domination/ humiliation en vigueur dans la société ? Ça ne sort pas de nulle part. Des parents humilient, rabaissent, violentent leurs enfants, des hommes leurs femmes, des supérieurs des employés, comment espérer que cela disparaisse sans réflexion et remise en question générale du fonctionnement de la société ? Svp, posez la question des causes et des responsabilités, sans bien sûr oublier formation, prévention, sanction, aide à la réparation.
Je suis conférencière dans une association qui lutte contre le harcèlement dans les écoles primaires les collèges et les lycées.
La prévention est primordiale dès le plus jeune âge.
Les enseignants ont un rôle essentiel à jouer car dans les classes dans lesquelles j’interviens si l’empathie est enseignée et que les enfants sont informés de leurs droits à vivre sereinement ils gagnent une plus grande confiance en eux
Il existe un livre merveilleux de Florence Millot : j’me laisse pas faire dans la cour de récré pour les petits. Merci beaucoup pour vos émissions.
Il existe un programme américain que j’ai suivi pour prendre en charge les problèmes de harcèlement à l’école : des volontaires de l’établissement après avoir suivi une formation d’une journée vont être les organisateurs du protocole qui devrait normalement mener à la résolution du problème. Plusieurs séances avec une progression précise et des participants choisis. Le procédé est simple et donne des résultats surprenants. Il a pour mérite d’éviter des actions punitives et de faire participer les élèves.
Chef d’établissement en LP. Je comprends l’émotion autour du harcèlement mais il faut comprendre que le changement de paradigme supposé avec le protocole Phare prendra du temps. La plupart des établissements se sont lancés dans une meilleure prise en charge. Mais il faut laisser aux chefs d’établissement du temps et les moyens de former l’ensemble de la communauté éducative…précisons que le protocole place au second rang la sanction. La démarche PHARE s’inspire de la méthode de préoccupation partagée qui postule un changement complet de posture…laissons le temps médiatique de côté. Ce nouveau programme phare offre de nouvelles perspectives intéressantes