Franck Mathevon, directeur de la rédaction internationale de Radio France est au micro d’Emmanuelle Daviet pour répondre aux questions des auditeurs

Emmanuelle Daviet : On commence avec une remarque concernant le traitement de l’information sur la trêve au Moyen-Orient. Un auditeur nous parle, je le cite, des échanges de personnes. Il utilise, dit il, volontairement, le terme personne pour souligner l’emploi des mots qu’utilisent les journalistes sur le sujet. Il nous écrit Vous avez qualifié les personnes d’origine juive ou israélienne d’otages et les personnes d’origine palestinienne de prisonniers. Écoutez vous, c’est flagrant et même choquant. Je serai bien curieux, nous dit cet auditeur, de savoir quelle différence vous faites entre des femmes et des enfants israéliens et des femmes et des enfants palestiniens ? Frank Mathevon, quel éclairage peut on donner à cette question qui revient très fréquemment dans les messages des auditeurs en cette fin de semaine ?


Franck Mathevon : D’abord, évidemment, la situation est tout aussi tragique des deux côtés. Il est hors de question d’établir une hiérarchie entre les drames vécus par les deux camps. Nous, on essaye autant que possible de se limiter aux faits. Mais pour répondre à cette question, il y a tout de même une différence entre les captifs du côté du Hamas et du côté d’Israël. Sans entrer dans les détails sur la nature de l’Organisation palestinienne qui est classée terroriste par certains pays, mais pas par tous. Le Hamas a commis, c’est indiscutable, un acte terroriste le 7 octobre, visant des civils, il a pris en otage des innocents et les a emmenés de force dans la bande de Gaza. La situation est évidemment différente dans les prisons israéliennes. Il y a des procédures judiciaires qui conduisent à des arrestations. Il y a débat, bien sûr sur ces arrestations. Certaines sont considérées, c’est vrai, parfois par des ONG comme arbitraires, mais il s’agit de prisonniers palestiniens qui sont confrontés au droit israélien, à sa justice. Donc difficile dans ce cas là d’utiliser le qualificatif d’otage.

Emmanuelle Daviet : On poursuit avec ce message. Je vous le lis. « Connaissant la rigueur journalistique de votre rédaction, je me demande si celle ci s’est interrogée sur l’utilisation de la formule guerre Israël Hamas largement reprise dans l’ensemble des médias français. La BBC ici fait état de la guerre Israël Gaza qui me semble plus juste. Si la formulation guerre Israël Hamas a pu paraître adéquate au moment de la réponse israélienne aux attaques du 7 octobre, elle minimise désormais les conséquences désastreuses sur les populations civiles de Gaza. Comment se satisfaire de cette formule guerre Israël Hamas au regard de la réalité du terrain ? Nous demande cet auditeur. Franchement.


Franck Mathevon : C’est une remarque intéressante. On entre vraiment dans les détails du vocabulaire et c’est vrai. On l’a vu depuis le 7 octobre, que chaque mot compte dans de tels conflits. Honnêtement, je n’ai pas d’avis tranché sur cette question. Le débat ne s’est pas vraiment posé en ces termes à FranceInfo. Il me semble qu’il n’est pas faux de parler d’une guerre entre Israël et le Hamas. Après tout, le conflit a été déclenché le 7 octobre par le mouvement islamiste palestinien, même s’il s’inscrit dans un contexte et il est juste aussi, me semble-t-il, de parler de la guerre Israël, Gaza. Aujourd’hui, tous les Palestiniens de Gaza sont confrontés aux bombardements israéliens, à la tragédie de cette guerre. Je ne crois pas en tout cas que sur franceinfo, on se limite à l’expression Israël Hamas. On reparle régulièrement, par exemple, du conflit israélo-palestinien depuis plusieurs semaines. Je crois surtout que ce débat, cette question de notre auditeur, montre à quel point le choix du vocabulaire est sensible dans ce conflit israélo palestinien. Et on y est très sensible aussi.

Emmanuelle Daviet : On termine avec cette question : « comment croire à un traitement équilibré de l’information puisque vous n’avez aucun reporter à Gaza et fort peu en Cisjordanie ? S’interroge un auditeur. Que répondez vous à ce type de remarque ?


Franck Mathevon : On répond à cet auditeur que c’est une obsession pour nous d’être équilibré sur un conflit comme celui-ci. Donc, c’est vrai, on a une difficulté à surmonter. On ne peut pas entrer dans la bande de Gaza, Il n’y a que des journalistes locaux, des journalistes palestiniens qui travaillent parfois pour d’autres médias. Mais nous, on n’a personne, aucun journaliste dans la bande de Gaza. Ça ne nous empêche pas de travailler au jour le jour sur la situation à Gaza, avec des témoignages recueillis sur place, des fixeurs. Vous savez, ces guides traducteurs avec lesquels travaillent les journalistes qu’on connaît dans le territoire palestinien. Et il est faux aussi de dire qu’on est peu présent en Cisjordanie. On est très présent en Cisjordanie depuis le premier jour de cette guerre. Donc on s’efforce d’être aussi objectif que possible, aussi équilibré que possible dans le conflit.