Sabine Prokhoris, Philosophe et Psychanalyste et Tarek Daher, Délégué général d’Emmaüs France, ont débattu lundi 16 septembre dans l’émission « Questions du soir » sur France Culture de la place de l’abbé Pierre dans notre mémoire nationale, après les accusations d’agressions sexuelles formulées à son encontre. Les auditeurs réagissent aux propos de Sabine Prokhoris lors de cette émission :

Au cours de l’émission « Questions du soir » de ce jour (16 septembre 2024), chacun des propos de Sabine Prokhoris est absolument scandaleux. Je ne comprends pas comment France Culture, alors que la parole des femmes vient juste de se libérer, peut inviter une personne qui s’apparente à une négationniste. Les propos problématiques :
-il n’existe pas de victimes en dehors du domaine juridique
-les victimes ont un ressenti, une vérité subjective qu’elles illustrent avec les jaloux compulsifs niant totalement la dimension physique des agressions sexuelles.
-il n’existe pas de femmes tétanisées pendant une agression sexuelle. La preuve, c’est que l’une d’entre elles l’a repoussé.
Je ne sais pas si vous mesurez la violence de l’écoute de ses propos pour toutes les victimes de viol et d’agression sexuelle. C’est une négation de la violence, et je ne comprends pas comment vous pouvez réserver ça aux auditeurs de France Culture.

Florian Delorme, délégué aux programmes de France Culture vous répond :

Avant toutes choses, je souhaite dire à nos auditrices et nos auditeurs que nous sommes, sincèrement, sensibles à leurs remarques. Les producteurs des émissions comme la direction, les lisent avec beaucoup d’attention.
L’émission Questions du soir portant sur le changement de nom de la fondation abbé Pierre avec Tarek Daher et Sabine Prokhoris a provoqué de nombreuses réactions.
En effet, les propos de cette dernière ont été considérés par certain.e.s comme « déplacés », voire même « choquants », d’aucuns considérant que nous n’aurions pas dû l’inviter.
Pour répondre sur ce point, Sabine Prokhoris est une philosophe et psychanalyste qui réfléchit depuis de nombreuses années aux questions de genre. Elle écrit depuis longtemps dans des revues et des journaux, publie des essais.
Elle avait notamment publié un ouvrage – « Le Mirage Me Too » – qu’elle présentait comme « une critique féministe et argumentée du mouvement #MeToo ». Cet essai avait, à l’époque, fait l’objet d’invitations – sur notre antenne et sur d’autres – dans le cadre de débats où sa position était discutée. Plus récemment, elle a publié un ouvrage sur le cinéaste Roman Polanski et l’accusation de viol sur mineure dont il fait encore l’objet aujourd’hui. Ces éléments nous ont semblé de nature à lui proposer une invitation dans le cadre d’un débat.
Enfin, je profite de cette occasion pour dire à quel point, à France Culture, nous considérons que la question des violences faites aux femmes, des violences sexistes et sexuelles, est un enjeu de premier plan, prioritaire, sur lequel nous avons une responsabilité, en tant que media de service public, pour décrypter les enjeux et contribuer à faire évoluer la société. C’est précisément ce que nous essayons de faire à travers nos programmes et que nous continuerons de faire.

Quentin Lafay et son équipe ont d’ailleurs réalisé une nouvelle émission dans Questions du soir – jeudi 26 septembre – qui a été une sorte de prolongement de cette émission du 16 septembre dernier.
Il a notamment été question de se pencher sur les modalités de recueil de la parole des victimes de violences sexuelles et sexistes.

Merci de votre fidélité,

Florian Delorme , délégué aux programmes de France Culture

C’est la première fois que j’envoie un message à une émission, mais ma stupeur m’a obligée à le faire.
Je voudrais simplement témoigner du fait que j’ai été très choquée de la prise de parole de votre invitée Sabine Prokhoris lors de l’émission sur l’Abbé Pierre du 16 septembre. En effet, je pense que dire sur une radio beaucoup écoutée et respectée qu’il en va de la responsabilité des femmes de refuser les gestes de violences sexuelles (et on ne pourrait que parler de toucher les seins, même si d’autres gestes ont été dénoncés) est inadmissible, vertigineux d’ignorance, de mauvaise foi si ce n’est de bêtise. Et je ne cite que ces propos pendant ces 40 minutes, qui sont déjà trop révélateurs de la tournure de la discussion quand c’était à elle de parler.
Je regrette sincèrement que « Le débat » ait invité cette personne au micro, et j’espère que ça ne se reproduira plus.
Cordialement,
Une auditrice de 27 ans profondément choquée.

Je viens d’écouter l’émission « Le Débat » de Quentin Lafay sur France Culture – un producteur dont j’apprécie beaucoup le travail habituellement et que je remercie ainsi que son équipe pour ses émissions.
L’émission du 16 septembre 2024 était consacrée aux révélations sur l’abbé Pierre et leurs conséquences. L’une des invitées de l’émission, Sabine Prokhoris, a eu des propos tellement désobligeants, tellement méprisants, tellement injurieux vis-à-vis des femmes en général, et des victimes de violences sexistes et sexuelles en particulier, que je me suis sentie dans l’obligation de vous écrire. Certes, l’émission s’intitule « Le Débat », et bien entendu je suis favorable à des échanges, des confrontations d’idées. Mais dans un cadre respectueux -des invité.e.s, et des auditrices et auditeurs. Peut-on parler de débat quand cette dame (psychanalyste par ailleurs, je n’ose imaginer les dégâts infligés à ses patients), jette l’opprobre sur des femmes qui ont eu le courage de parler de vécu très douloureux et parfois tenus secrets pendant des années, sans compter qu’elle vilipende le travail de Caroline de Haas pour la simple raison qu’il s’agit d’une militante féministe -s’exonérant elle-même de tout positionnement politique ou idéologique, c’en était presque comique.
Je me questionnais sur la pertinence d’inviter une telle intervenante, pour parler des violences sexuelles et sexistes, cette dame n’ayant visiblement eu aucune formation en psychotraumatologie -ce qui lui aurait permis de comprendre les notions de sidération, de dissociation, l’incapacité à réagir sur le moment, la tendance à parfois enfouir pendant des années dans un recoin caché de la mémoire les souvenirs d’une agression, etc. Avait-on vraiment besoin d’une parole misogyne qui nie les violences et leur récurrence (ces femmes auraient donc affabulé pour le plaisir ?), dans un contexte où non, contrairement à ce qu’on affirme ici ou là, la parole des victimes de violences sexuelles (enfants, femmes, hommes) peine toujours à se libérer et surtout à être entendue ?
Le choix de donner la parole à Sabine Prokhoris (que j’ai découverte à l’occasion) m’a semblé particulièrement malvenu et décevant de la part de Quentin Lafay et son équipe. Plutôt que d’avoir un débat qui, par exemple, décortique les mécanismes à l’œuvre dans ces révélations tardives, il a fallu écouter cette dame instrumentaliser la lutte contre le totalitarisme ou encore la psychanalyse, pour tenir des propos infondés factuellement, qui culpabilisent les victimes et participent à décrédibiliser la parole des femmes. Dans le contexte actuel, cela m’a semblé particulièrement inopportun et maladroit (et c’est une litote, vous l’aurez compris) de lui donner accès à cet espace médiatique si précieux. Il y avait à mes yeux mille autres manières de faire un débat de qualité autour des révélations sur l’abbé Pierre, et j’espère que d’autres suivront de bien meilleure teneur.
Je précise que je travaille dans le secteur social depuis de longues années, et que je me sens bien-sûr très proche d’Emmaüs, de la Fondation Abbé Pierre, de tou.te.s les bénévoles et salarié.e.s de ce mouvement de lutte contre l’exclusion -comme elles et eux, j’ai été bouleversée par ces révélations.

J’ai été choquée profondément hier soir en entendant le début de l’émission “Questions du soir” où la psychanalyste Sabine Prokhoris a prononcé des paroles que je juge inacceptables surtout de la part de quelqu’un de la profession. Elle a dit péremptoirement qu’une victime ayant subi des faits graves ne les relatait jamais avec pathos. Et de se référer à des Syriennes emprisonnées par Bachar el Assad. Cela est indécent. Celle qui témoigne avait 22 ans à l’époque, elle a gardé pour elle ces faits pendant des années, et il faudrait qu’elle en parle d’un ton froid, distancé ! Chaque « victime » vit les choses différemment et en parle avec l’émotion qu’elle ne maîtrise pas (ou l’absence d’émotion). D’autre part même si la présomption d’innocence est un principe sur lequel ne pas revenir, il semble difficile dans le cas présent de l’invoquer pour mettre en doute a priori la parole d’une femme.
D’autre part, il y a l’usage que font les médias de tels témoignages, mais c’est un autre problème. Un bon usage n’est pas exclu, car la vérité qui touche les gens passe par les émotions.
Merci de faire attention au professionnalisme des invités.

J’écoute très régulièrement France Culture ainsi que votre émission Le Débat mais c’est la première fois que je vous écris.
Les propos de Sabine Prokhoris dans l’émission de ce soir sont absolument inacceptables. Je suis extrêmement choquée de la violence et le mépris de ses propos envers les victimes, et par là même envers toutes les femmes. L’obsession de cette femme pour Caroline de Haas et sa volonté de lui nuire (ainsi qu’à l’ensemble des féministes) est par ailleurs ridicule et totalement hors sujet. Tarek Daher se défend comme il peut et ses interventions sont très honorables mais malheureusement ça ne peut pas suffire à effacer la violence de cette femme.
Le débat en devient inintéressant, violent, voire dangereux. Il y avait beaucoup de choses extrêmement intéressantes à dire sur ce sujet complexe et ô combien actuel (et possibilité d’avoir des avis contradictoires !), mais ce soir votre émission en pâtit immensément.
Je ne comprends pas le choix de cette invitée. Il en va de votre responsabilité et cela me déçoit et m’affecte.

J’écoute le débat en direct avec Sabine Prokhoris : insupportable cette remise en question des témoignages recueillis, cette vision des femmes qui « inventeraient » s’être faites agressées. Je sais qu’il faut de la pluralité dans les avis, les points de vue, mais là, c’est une vision anti féministe qui nourrit les idées reçues (ces femmes auraient dû réagir et ne pas être si « gourdes ») omettant tout ce que l’on sait aujourd’hui sur les principes de sidération et d’emprise. Quelle violence pour toutes les femmes victimes, même si aucun jugement ne pourra jamais avoir lieu. J’ai juste envie de vomir…
Merci à Tarek Daher pour la justesse et la qualité de ses propos.

Mais qu’est-ce que c’est que cette invitée qui vient nier le statut de victimes aux femmes qui témoignent des agissements de l’abbé Pierre au nom de l’État de droit ? A l’entendre, on ne peut que conclure une chose : seul un procès vous confère le statut de victime, et puisque procès il n’y aura point, le mis en cause étant décédé, victimes il ne saurait il y avoir !
Je précise que j’ignore l’issue de ce débat, d’abord parce que l’émission est en cours et ensuite parce que je suis tellement indignée que j’ai, pour la première fois de ma vie, coupé France Culture.