Adèle Van Reeth, la directrice de France Inter répond aux questions des auditeurs sur la nouvelle grille et Maxence Lambrecq, chef du service politique sur l’actualité politique

Jérôme Cadet : C’est le rendez-vous de la médiatrice des antennes de Radio France, Emmanuelle Daviet avec vos invités : aujourd’hui, Adèle Van Reeth, la directrice de France Inter et Maxence Lambrecq, chef du service politique. Les auditeurs d’Inter sont toujours aussi nombreux, Emmanuelle, à vous écrire avec près de 8000 messages reçus en ce mois de septembre. Je n’en reviens pas. Et parmi les questions, les nouvelles voix sur l’antenne Fabrice Luchini, etc. Les émissions dédiées à la francophonie Zoom, Zoom Zen et la politique sur Inter.

Le billet de Philippe Katerine

Emmanuelle Daviet : Oui, et on commence avec l’arrivée d’un chroniqueur à la réputation désormais planétaire après sa prestation très remarquée lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques… L’arrivée de Philippe Katerine sur France Inter a suscité de nombreuses réactions dans la presse et également chez les auditeurs, avec des avis contrastés, entre enthousiasme et incompréhension. Certains saluent la fantaisie, l’humour et la poésie de l’artiste. Ils apprécient son originalité et sa sensibilité. D’autres auditeurs se disent consternés, certains allant jusqu’à dénoncer une atteinte aux valeurs morales, notamment en raison de l’apparition de l’artiste nu dans ce studio lors de sa première chronique. Adèle Van Reeth, comment recevez-vous ces remarques de vos auditeurs ?

Adèle Van Reeth : Alors déjà, je précise qu’on ne lui a pas demandé de chanter sa chanson nu sans vêtements. C’est qu’on lui a proposé de faire une chronique et il a proposé de faire sa chanson qui s’appelle « Nu » et il explique au micro qu’il ne peut pas la chanter avec des vêtements. Donc à partir de là, on lui a dit oui. Enfin, je lui ai dit oui en effet. Et j’accorde aux auditeurs qui ont été choqués par cette apparence, qu’on a franchi un cap dans l’art, dans l’impertinence qui caractérise cette chaîne. Ça frôle peut être l’indécence. Certains l’ont dit et je l’entends. Mais quand c’est Philippe Katerine qui incarne la nudité et l’impertinence avec autant de poésie, d’absurde et d’humour, vous l’avez dit, il est devenu planétaire, c’est devenu un dessert en Chine. Voilà, nous, c’est notre dessert à la matinale en fin de matinale, le jeudi matin. Philippe Katerine sera là désormais toute l’année. On en est très, très contents.

Jérôme Cadet : Alors, au delà de l’arrivée de Philippe Katerine, les messages des auditeurs évoquent aussi certaines nouveautés, « Etcetera », L’émission dédiée à la francophonie, le nouveau format de « Zoom Zoom Zen » et puis Fabrice Luchini le dimanche soir.

Etcetera

Emmanuelle Daviet : Alors prenons les sujets un par un. Je vous lis le message d’un auditeur, « j’écoute votre nouvelle émission littéraire, « Etcetera, diffusée le samedi. Sur le fond, je ne vois pas de différence notoire avec la librairie francophone, des invités écrivains et en fin d’émission, des critiques des pays francophones. » Cette remarque revient dans de très nombreux messages que nous recevons. Que répondez-vous aux auditeurs ?

Adèle Van Reeth : En effet, il n’a jamais été question de toucher à l’importance de la francophonie pour France Inter. Et dans cette émission en particulier, c’est toujours une émission produite avec les Médias Francophones Publics. D’ailleurs, nos collègues du Canada, de la Belgique et de la Suisse et on y tient beaucoup. J’en profite pour saluer Emmanuel Kherad qui a animé cette émission pendant pendant 19 saisons et salue l’arrivée de Lilia Hassaine qui apporte à l’émission une dimension, disons, d’écriture pratique. C’est une écrivaine. Les discussions qu’elle a avec les invités se tournent autour de la littérature mais aussi de l’écriture, des doutes de l’écrivain et je lui souhaite beaucoup de succès.

Zoom Zoom Zen

Jérôme Cadet : L’émission « Zoom Zoom Zen » suscite aussi des remarques.

Emmanuelle Daviet : Deux types de remarques. Le format de 2h jugé trop long par certains et surtout beaucoup de courriers pour se plaindre des ricanements intempestifs, je cite, est « très pénible ». Un auditeur écrit « dans l’émission Zoom Zoom Zen que j’aime beaucoup, ce sont les rires en fond insupportables, des rires forcés et beaucoup trop fort qui empêchent d’écouter les chroniques souvent très drôles, mais qui deviennent complètement inaudibles et donc polluées par le rire des animateurs. » Adèle Van Reeth nous reprocher des rires dans une émission d’humour. Ça vous inspire quelle réflexion ?

Adèle Van Reeth : Vous le dites, c’est entendu dans votre question. C’est à dire déplorer qu’une émission d’humour fasse rire, ce serait contradictoire dans les termes. On s’en félicite. Et sachez que les rires. Ce que j’aime beaucoup. Je lis les messages. Certains pensent qu’ils sont enregistrés. Non, ils sont spontanés par l’équipe très nombreuse qui est autour de la table. Que ça fasse trop de bruit et que ça puisse parasiter l’appréciation des chroniques, ça en effet, je l’entends et c’est un problème. C’est une question plus de régulation du son, dosage studio de dosage qu’autre chose. Ensuite, je me félicite qu’une émission fasse rire.
2h de ZoomZoom Zen, c’est aussi l’arrivée de quinze nouveaux humoristes sur l’antenne qu’on accueille avec bonheur et qui apportent chacun leur touche, leur impertinence, leur humour. Voilà, je me réjouis. Je me réjouirais toujours que l’humour fasse rire sur cette antenne.

Les admirations littéraires

Emmanuelle Daviet : On poursuit avec le dimanche soir. Voici le message de notre autrice. « Merci à Fabrice Luchini pour l’émission « Admirations littéraires ». J’apprends tellement de choses. Je n’ai pas fait d’études. Il m’emmène dans un domaine merveilleux où sont très bien expliqués toutes ses œuvres qui n’ont pas fait partie de ma vie. J’ai hâte de le retrouver et je l’écoute en podcast. » Quand on lit un tel message, on se dit que la mission de radio de service public est pleinement remplie ?

Adèle Van Reeth : Oui. Cette émission animée par Fabrice Luchini s’inscrit dans une tradition sur France Inter de longue date : de proposer des émissions qui font vivre les textes patrimoniaux, les textes littéraires. Il y a eu Guillaume Gallienne pendant des années et je suis très heureuse d’accueillir Fabrice Luchini depuis fin août, puisqu’il a une véritable passion pour les textes qu’il fait vivre. Il les rend vivants en les incarnant avec une personnalité qui est la sienne. Mais il se met toujours au service du texte et ceux qui ont écouté l’émission l’entendent. C’est à dire qu’on entend Fabrice Luchini, mais on entend d’une manière complètement différente des textes qu’on pensait connaître Flaubert, qu’on a pu étudier au lycée ou qu’on ne connaît pas du tout et qu’il nous fait découvrir. Et ça, en effet, c’est exactement là où se situe notre mission de service public.

La langue française

Emmanuelle Daviet : Alors, puisque nous évoquons la langue française, je me tourne vers vous. Jérôme Cadet Puisque chaque lundi, une nouveauté dans ce 13/14, c’est la présence d’un linguiste. On sait que les auditeurs de France Inter sont très attachés à la langue française. Et d’ailleurs j’indique la rubrique langue française dans laquelle ils nous envoient des messages pour reprendre les journalistes ou les producteurs, sur des conjugaisons, des prononciations ou la terminologie. Eh bien c’est la rubrique la plus consultée sur le site. Cette rubrique a un succès incroyable. Elle est très consultée également par les journalistes de la maison puisque c’est confirmé avec Maxence Lambrecq. Donc pourquoi cet intérêt pour la linguistique dans le 13/14 ?

Jérôme Cadet : C’est vrai, notre linguiste est là tous les lundis à 13h50. Il pourra, c’est vrai, corriger mes éventuelles fautes de français, mais les auditeurs sont très vigilants, s’en chargent directement parce que certains nous écrivent aussi directement pour cela. Mathieu Avanzi est là, le lundi surtout pour nous éclairer sur les différents usages du français selon les régions, c’est en fait sa spécialité. Il en a même fait plusieurs livres, « Le français de nos régions ». C’est l’exemple traditionnel de la bataille entre la chocolatine et le pain au chocolat. Mais en fait, ça se décline dans beaucoup de secteurs. Il y a des centaines de déclinaisons qui nous renseignent à la fois sur la diversité de notre pays, la richesse de notre langue, son évolution aussi. D’où viennent les nouveaux mots ? C’est tous les lundis et ce lundi, par exemple, on va parler de la pluie. C’est un peu de saison, d’actualité manifestement, le Nordiste qui est avec nous a son expression à lui, Maxence Lambrecq. Mais ce mot, comme tant d’autres, se décline de mille et une façons. Et c’est pour cela qu’on a convié Mathieu à être avec nous tous les lundis.

La situation politique actuelle

Emmanuelle Daviet : Dans le 13/14, nous sommes dans une tranche d’info et garantir une information fiable et rigoureuse, ça fait partie des missions de France Inter. Quand on prend le pouls du pays, on entend très bien depuis plusieurs mois sur cette antenne une perte de confiance dans les gouvernants, un rejet de la classe politique et même des interrogations sur l’utilité d’aller voter. Je vous cite deux extraits : « Les élus n’en ont jamais fait autant pour se décrédibiliser » écrit un auditeur. Et puis un autre avis : « on peut se demander quel est l’intérêt pour un citoyen lambda d’aller voter. On bafoue les règles démocratiques élémentaires. » Adèle Van Reeth en tant que directrice de la première radio de France, et puis Maxence Lambrecq, chef du service politique. Quel peut être, selon vous, le rôle d’une radio de service public pour endiguer ce qui s’annonce comme un péril démocratique ?

Adèle Van Reeth : Je dis un mot et je laisse la parole, évidemment à Maxence Lambrecq. Juste sur le caractère absolument indispensable et plus que jamais nécessaire d’un média comme le nôtre dans une période de crise démocratique ou d’incertitude démocratique. Un média, c’est aussi un endroit qui crée une sorte de lien, de ciment entre les éléments d’une société qui peuvent ne jamais se rencontrer, qui sont très souvent extrêmement différents, qui pensent n’avoir rien à se dire. Et dans un média comme le nôtre, ces gens là s’écoutent. Ils peuvent prendre la parole et ils peuvent créer un type de relation qui n’existe nulle part ailleurs. Vous l’avez dit, il y a une grande défiance envers les élus. La vie politique, les acteurs de la vie politique, viennent tous les jours à ce micro. Les auditeurs peuvent s’exprimer tous les jours à ce micro et ainsi une sorte de dialogue et de relation, encore une fois, qui n’existe nulle part ailleurs, peut se tisser. Et c’est là un rôle absolument indispensable. Je crois vraiment en la force et la solidité d’une chaîne comme France Inter dans une période de grande incertitude démocratique.

Maxence Lambrecq : C’est vrai que c’est une question qui nous qui nous obsède ces dernières semaines : comment redonner du sens au vote ? Comment répondre à notre auditeur ? Et finalement donner à voir ce que la démocratie locale produit notamment. Donc on vient de lancer un courrier à toutes les associations d’élus, à tous les élus. On l’a envoyé hier, on a déjà beaucoup de réponses, pour leur demander finalement de donner à voir tout ça. C’est à dire qu’on va partir en reportage et le service politique de France Inter sera sans doute davantage présent encore sur le terrain qu’il ne l’était pour essayer de détecter tous ces élus qui se battent, qui changent des petites choses, qui touchent au quotidien des Français qui parfois luttent contre un projet qui échappe. Il y a 1000 initiatives : à Gennevilliers, ils ont racheté une exploitation agricole pour alimenter la cantine en produits bio, il y a une petite ville de Normandie qui bouge son camping municipal face à l’érosion du littoral, il y a la COP verte en ce moment dans la région Grand Est. Bref, il y a 1000 initiatives qui redonnent peut être un peu foi dans l’action politique, dans l’action publique. Et donc on a lancé une adresse mail qui est ouvert à tous et à vous, élus, si vous nous écoutez aujourd’hui, c’est territoires@radiofrance.com, pour faire vivre ces territoires et répondre notamment à Mathieu.

Adèle Van Reeth : J’ajoute que Maxence a raison, c’est une obsession. C’est une question qu’on se pose tous les jours : comment faire en sorte de ne pas amplifier cette perte de confiance, cette manière de se détourner de ce qu’est la vie démocratique ? Qu’on se remet en question en permanence, et l’initiative de Maxence Lambrecq, je l’encourage énormément parce que c’est une manière de dire que la vie politique, ce n’est pas uniquement les élus au micro de France Inter, c’est aussi ceux qu’on n’entend pas forcément et qui sont loin de ce studio-là, mais qu’on voudrait écouter, à qui on voudrait donner la parole. Et c’est très important pour nous cette cette démarche de proximité.

Maxence Lambrecq : Et on est déjà au Congrès des maires ruraux aujourd’hui, on était hier au Congrès des régions et on va continuer à partir en reportage.

Emmanuelle Daviet : Mais de toute façon, comment France Inter met en place la proximité avec les auditeurs : je pense que nous aurons l’occasion d’y revenir dans un prochain rendez-vous de la médiatrice. Maxence Lambrecq, je poursuis avec vous avec ce message d’un auditeur, je vous le lis : « décidément, par moment, on ne comprend pas bien comment fonctionnent les médias. D’abord, pourquoi inviter des ministres nommés la veille ? D’autant que le Premier ministre a bien annoncé qu’il fallait agir avant de parler. Donc pourquoi ces ministres acceptent l’invitation ? » Alors, on rappelle qu’Antoine Armand, ministre de l’Economie, était mardi l’invité du 8h20. Et ce matin, c’était Didier Migaud, un ministre de la Justice, qui répondait aux questions des deux journalistes de la Matinale.

Maxence Lambrecq : Alors, le Premier ministre peut intervenir si vraiment il ne veut pas que son ministre vienne ici, dans ce studio. Il a cette liberté. Souvent, ils ont un droit de veto, sauf quand vraiment les ministres claquent la porte ici comme Nicolas Hulot. Mais sinon, les autres en général font passer ça par Matignon. Ensuite, il y a une grande impatience, une très grande impatience, depuis le 9 juin, la vie politique s’est arrêtée. Plus aucun projet, plus rien. Forcément, on relaie aussi l’impatience de nos auditeurs. Et oui, le ministre vient d’arriver, il vient d’être nommé, mais il ne vient pas d’être nommé sur une page blanche. Il y a une fiche de poste avec lui. Le jour où on l’appelle pour devenir ministre, on lui dit pas « devient ministre ! » et il y a quelques éléments avec lui. Et ça on a envie de savoir sur quels projets il s’engage, pourquoi il s’est engagé et qu’est ce qui arrivera le 9 octobre, je veux dire le budget, on l’attend dans quelques jours et c’est pour ça qu’on a notamment interrogé le ministre de l’Economie, parce qu’on voulait des réponses. Et, je pense, c’est aussi un droit à l’information qu’on a fait vivre à travers ces interviews de Didier Migaud et d’Antoine Armand.

Le podcast « Samuel Paty, l’école face au terrorisme »

Jérôme Cadet : Autre nouveauté en cette rentrée Emmanuelle Daviet : un podcast qui documente des réalités complexes et tragiques liées à l’éducation nationale et au terrorisme.

Emmanuelle Daviet : Oui, alors un mot sur ce podcast consacré à Samuel Paty.

Adèle Van Reeth : Oui, je salue le travail de Sara Ghibaudo et Sonia Princet de la rédaction de France Inter, d’avoir produit ce podcast. C’est difficile de l’écouter parce que la réalité qu’elles décrivent est difficile.

Emmanuelle Daviet : Alors c’est exactement ce que disent les auditeurs : c’est un travail mémoriel et pédagogique indispensable, ils le saluent. Mais ils indiquent que parfois les séquences sont émotionnellement assez difficiles.

Adèle Van Reeth : Évidemment, et je crois que l’émotion n’est pas forcément mauvais signe, au contraire. Ça peut d’ailleurs nous rendre réceptif à certaines informations. En l’occurrence, tout le mécanisme qui a conduit à l’assassinat de Samuel Paty est décrit avec des voix de témoignages. Des sujets aussi importants que la désinformation, l’éducation et la laïcité sont abordés. Ça, c’est un tour de force.