Ce 7 janvier, jour de commémoration des attentats djihadistes de 2015, l’AFP annonçait la mort de Jean-Marie Le Pen. Les auditeurs ont réagit au traitement de cette actualité. Pour leur répondre, Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction de Franceinfo est au micro d’Emmanuelle Daviet.

Emmanuelle Daviet : Nous revenons aujourd’hui sur deux faits d’actualité du 7 janvier dernier. Tout d’abord, les dix ans des attentats djihadistes qui ont coûté la vie à douze personnes, à Charlie Hebdo, à une jeune policière à Montrouge et à quatre personnes de confession juive dans une épicerie casher Porte de Vincennes. C’était donc en 2015 et en ce 7 janvier de commémoration, on apprend par l’AFP à la mi journée, la mort de Jean-Marie Le Pen. Franceinfo choisit alors de basculer en édition spéciale consacrée à cette figure majeure de l’extrême droite contemporaine. Pourquoi ce choix ? S’interrogent des auditeurs. Pourquoi une édition spéciale Florent Guyotat ?

Florent Guyotat : Alors, parce que, qu’on le veuille ou non, Jean-Marie Le Pen, c’est un acteur majeur de la politique française au cours des dernières décennies, et même s’il était, on le sait depuis quelque temps, passé au second plan derrière sa fille Marine. Son action politique a eu une influence fondamentale sur la situation politique qu’on connaît aujourd’hui. Le Rassemblement national, ex Front national, est arrivé en tête des dernières européennes. Dans la foulée, il y a eu la dissolution. On peut se dire que c’est le résultat de l’action des leaders d’aujourd’hui Marine Le Pen et Jordan Bardella. Mais ce parti, même s’il ne s’appelle plus pareil, c’est Jean-Marie Le Pen qui l’a fait prospérer en arrivant pour la première fois au second tour de la présidentielle de 2002. Il ne faut pas oublier ça, à mon sens, et c’est pour cela que nous avons décidé de lui consacrer une édition spéciale. Alors il y a aussi quelque chose qui me semble important quand on parle d’édition spéciale. Ce n’est pas une hagiographie, c’est à dire que ce n’est pas une succession d’hommages, c’est un moment d’antenne lors duquel on a détaillé les déclarations, l’action de ce leader d’extrême droite durant plusieurs décennies. Et ça s’est fait sans concession. Nous avons évoqué à l’antenne les condamnations dont a fait l’objet Jean-Marie Le Pen, condamné lorsqu’il affirme que les chambres à gaz ont été un détail de l’histoire durant la Seconde Guerre mondiale. Condamné aussi pour avoir parlé d’inégalité des races. Et puis nous avons également évoqué le rôle de Jean-Marie Le Pen durant la guerre d’Algérie, l’usage de la torture.

Emmanuelle Daviet: On poursuit avec ce message : « Je suis triste et en colère de constater que Jean-Marie Le Pen aura même réussi à nous priver en grande partie des hommages à Charlie et de seines réflexions autour de la liberté de la presse. Sa mort aurait pu ne pas prendre autant d’ampleur. » Florent Guyotat, considérez-vous que la disparition de Jean-Marie Le Pen a primé sur la commémoration des dix ans des attentats djihadistes ? Quelles ont été vos priorités éditoriales ?

Florent Guyotat: Je suis convaincu très clairement que la mort de Jean-Marie Le Pen n’a pas occulté, loin de là, l’hommage aux victimes des attaques de janvier 2015. Toute la semaine, sur franceinfo, vous avez pu entendre de très nombreux reportages et invités en longueur au sujet de janvier 2015. Grâce à notre reporter Benjamin Illy, nous avons pu entendre des extraits d’une conférence de rédaction de Charlie Hebdo. C’était le choix de Franceinfo lundi matin. Mardi, vous avez pu entendre trois grands témoins, là aussi en longueur la dessinatrice Coco, le journaliste Fabrice Nicolino. Le témoignage anonyme aussi d’une policière qui est intervenue au moment de la mort d’un autre policier, Ahmed Merabet. Et mardi après midi encore après l’annonce de la mort de Jean-Marie Le Pen. Nous avons veillé à ne pas occulter l’hommage aux victimes de janvier 2015, avec toujours des séquences en longueur sur Charlie Hebdo, que vous pouvez d’ailleurs retrouver, réécouter sur Franceinfo.fr.

Emmanuelle Daviet: Plus généralement, des auditeurs considèrent que les représentants de l’extrême droite sont régulièrement invités sur l’antenne et ils considèrent que cela contribue à lisser l’image de ce parti, à le banaliser. Que répondez-vous à ces remarques ?

Florent Guyotat: Alors oui, c’est vrai, les représentants du Rassemblement national sont régulièrement invités sur franceinfo parce que ce parti a un poids politique important. On le disait, il est arrivé en tête des dernières européennes. Aux dernières législatives, on dénombre 143 députés du RN et de ses alliés. C’est la démocratie. On doit entendre leur parole et c’est aussi, c’est à noter, une obligation légale. Nous sommes tenus sur franceinfo de donner la parole aux différents partis en fonction de leur représentativité. Et d’ailleurs nous sommes contrôlés sur ce point par l’ARCOM, l’autorité de régulation.