Emmanuelle Daviet reçoit Sandrine Treiner directrice de France Culture.

Emmanuelle Daviet : Nous revenons aujourd’hui sur Le festival international des idées de demain intitulé « Et maintenant » qui s’est déroulé lundi à la maison de la radio et de la musique en partenariat avec Arte. Cela a suscité beaucoup de courrier, de nombreuses réactions pour la méthode scientifique avec Jean-François Delfraissy, immunologiste président du conseil scientifique, et Barbara Stiegler, professeur de philosophie à l’Université Bordeaux Montaigne, vice présidente du comité d’éthique du CHU de Bordeaux. Le ton et les prises de position de Barbara Stiegler ont surpris vos auditeurs pour lesquels France Culture est « le sanctuaire de la pensée scientifique », nous écrit l’un d’eux. Surpris par le ton.

D’autres auditeurs ont salué cette voix différente qui a critiqué la gestion de la crise sanitaire. Des formules ont également été relevées par vos auditeurs, en particulier Jean-François Delfraissy lançant à Barbara Stiegler , je cite « Vous êtes à côté de vos pompes », ou bien, Antoine Beauchamp animant l’émission qui a indiqué: « je ne m’attendais pas à devoir animer un débat pro ou anti vax ».

Sandrine Treiner, on est peu habitué à cette tonalité sur votre antenne. Qu’en avez-vous pensé ?

Sandrine Treiner : En fait, il ne faut pas exagérer non plus. On n’est pas un sanctuaire. On n’est pas totalement à l’abri des pulsions, des tensions et des passions du monde. Et heureusement, sinon, ça veut dire qu’on serait tellement à l’abri qu’on serait tout à fait à côté et nous ne le sommes pas. Alors peut être pour donner des éléments de réponse ou de commentaires, un rappel du cadre : donc, effectivement, il s’agissait lundi de la première édition d’un festival que nous créons, que nous avons créé avec nos camarades d’Arte, un festival dont je dirais pour être rapide et synthétique qu’il avait pour ambition, dans le contexte que nous connaissons, marqué à la fois par les inquiétudes sur la planète, la poursuite de la pandémie et la campagne électorale, de proposer, de feuilleter un peu ce catalogue des idées neuves et des mots neufs qui sont apparus dans le débat public et d’essayer de faire le tri et de voir quel était le corpus d’idées avec lequel on pouvait imaginer appréhender l’avenir. Cela explique la surprise de certains auditeurs de la Méthode Scientifique, qui ont plutôt l’habitude d’entendre précisément quasi exclusivement, sauf le vendredi, des scientifiques qui, là, ont entendu une philosophe qui a publié, comme elle l’a rappelé d’ailleurs dans l’émission, un libellé chez Gallimard, qui a fait beaucoup discuter. Je crois que ce qu’on a vu, c’est que l’émission devait parler des enseignements au fond de tout ça et de comment on pouvait imaginer le rapport à la science après deux ans de pandémie. De fait, la philosophe a voulu parler de sa critique de la politique sanitaire et on pouvait s’y attendre. Je pense que ça montre à quel point ce débat là est aigu actuellement. Et je crois que au final, si vous voulez, sur l’ensemble d’une journée, qui est entièrement à visionner, à réécouter sur le site etmaintenant-le festival, en fait, on entend qu’on a quand même réussi à dépasser un certain nombre de questions, en tout cas secondaires, pour être vraiment à l’os des questions principales qui se posent à nous.

Emmanuelle Daviet : On poursuit avec ce message d’une auditrice qui se dit déçue par l’émission « Entendez vous l’éco » consacrée à la jeune génération. Elle écrit « France Culture a plutôt l’habitude de définir son sujet : ainsi qui sont les jeunes ?! Sommes-nous jeunes à 12 ans ? à 18 ans ? à 28 ans ? à 35 ans ? France Culture a aussi l’habitude de donner la parole aux personnes concernées par le débat : où étaient ces jeunes ? On a entendu une succession de non sens et d’interprétations farfelues sur ce que nous « jeunes » sommes censés penser « en moyenne ». » J’indique que les quatre invités étaient de jeunes économistes, enseignants chercheurs, plutôt trentenaires.

Sandrine Treiner, comprenez-vous le reproche adressé, pensez-vous que la parole a été assez donné aux jeunes au cours de cette journée ? J’indique qu’ils étaient très présents dans le public…

Sandrine Treiner : Non, là, pour le coup, c’est pas que je ne suis pas d’accord, c’est que je comprends pas. Je ne comprends pas du tout de quoi il s’agit. C’est effectivement quatre jeunes économistes et c’était le grand intérêt de ce qui avait été préparé par par Tiphaine de Rocquigny et son équipe que de faire entendre la relève du monde des économistes. Et par ailleurs, dans le public, il y avait des jeunes qui étaient là pour faire valoir leurs préoccupations auprès de ces économistes, donc non, je crois que précisément, une des choses qui s’est passé lundi, c’est que les nouvelles générations qui, je crois, sont friandes d’entendre, si ce n’est des débats. En tout cas, des idées posées et argumentées étaient au rendez-vous.

Olivia Gesbert : Ça a été le cas toute la journée, si je peux me permettre. Dans la Grande Table Culture, on avait deux jeunes lycéens, écologistes, militants qui ont œuvré dans le film Animal de Cyril Dion, 18 ans à peine, et dans la deuxième partie de l’émission, une chercheuse d’à peine 30 ans, Lila Braunschweig, pour son premier essai. La parole est aussi à la jeunesse, qui a beaucoup d’idées à porter, c’est vrai .

Emmanuelle Daviet : Un auditeur nous écrit : « France Culture et Arte lancent une belle opération « et maintenant ? » Pourquoi cette opération n’est elle pas étendue et relayée par les locales de radio France ? Une façon de sortir de l’ethno parisianisme, de la concentration des lieux de discussion autour de la capitale et d’élargir le débat à tous les territoires en France.« 

Sandrine Treiner, ces délocalisations sont-elles possibles ?

Sandrine Treiner : En l’occurrence, elles ont un peu eu lieu. Il faut dire tout simplement qu’on a eu cinq mois pour construire cette énorme programmation, ce n’est pas beaucoup parce qu’il y avait l’été au milieu et la pandémie tout autant. Mais on voulait faire ce festival avant de rentrer dans le dur de la campagne. On pensait qu’après, ce serait trop compliqué de le faire. Mais on a eu cette volonté et on a travaillé avec les académies, notamment de Rennes et je vais demain à Rennes, pour faire encore un débat là bas et à Montpellier. Et par ailleurs, il y a eu en réalité le site, c’était un festival qui était à la Maison de la radio, mais qui avait un site dédié où vous pourrez retrouver du reste les débats qui ont lieu, qui ont lieu en dehors de Paris et la fois d’après, non seulement on veut aller beaucoup plus avec France Bleu dans les locales, mais on veut même aller à l’étranger, c’est vous dire. Et donc, il y aura une seconde édition.