Nous allons évoquer dans ce rendez-vous « Les Enjeux internationaux » du 3 janvier dernier portant sur la Cour internationale de justice. Avec cette question : Israël peut-il être accusé de génocide contre les Palestiniens à Gaza ? Guillaume Erner recevait Raphaëlle Maison, professeur de droit international à l’Université Paris-Saclay. Cette interview a suscité beaucoup de réactions de la part des auditeurs, très choqués par les propos de l’invitée et surpris par la tournure de l’échange. Florian Delorme, directeur des programmes de France Culture, est au micro d’Emmanuelle Daviet pour répondre aux auditeurs :



Emmanuelle Daviet : Nous allons évoquer dans ce rendez vous les enjeux internationaux du 3 janvier dernier portant sur la Cour internationale de justice. Avec cette question : Israël peut-il être accusé de génocide contre les Palestiniens à Gaza ? Guillaume Erner recevait Raphaël Maison, professeur de droit international à l’Université Paris-Saclay. Cette interview a suscité beaucoup de réactions de la part des auditeurs, choqués par les propos de l’invité et surpris par la tournure de l’échange. Nous n’allons pas résumer ici l’intégralité de l’interview évoquant un passage. Guillaume Erner demande à la professeure de droit international si les actions du Hamas du 7 octobre tombent sous le coup des accusations de génocide. L’invité répond ne pas être convaincu par cette idée. L’attaque du 7 octobre ne lui semble pas conduite dans le but de détruire les Juifs. J’invite les auditeurs à écouter la suite de l’interview et je vous lis quelques réactions des auditeurs qui nous ont écrit. « Je suis scandalisé d’écouter les propos ignobles de votre invité. Je ne pense pas que ce soit le rôle du service public de faire la promotion du négationnisme. » D’autres auditeurs se disent outré par ce qu’ils ont entendu, rappelant que l’intention d’exterminer les Juifs est revendiquée par le Hamas. Florian Delorme, comment recevez vous ce type de constat de la part de vos auditeurs ?

Florian Delorme : D’abord, avant toute chose, j’aimerais quand même préciser une chose et rappeler à nos auditrices et à nos auditeurs que nous sommes sincèrement sensibles à leurs commentaires, à tous leurs commentaires. Les producteurs, les productrices des émissions, les équipes, la direction de la chaîne, nous lisons ces remarques et on y fait très attention. Sur ce sujet, évidemment, en particulier. On est d’autant plus sensibles aux commentaires qu’on a profondément conscience de la responsabilité qui nous incombe sur ces sujets-là. Alors j’entends le commentaire de cette auditrice et je dois dire que, en effet, on a eu quelques réactions. C’est une interview qui a suscité beaucoup de réactions, certaines d’ailleurs allant dans le sens que vous décrivez, mais d’autres à l’opposé, plutôt en soutien à l’analyse. Donc il y a eu des deux. Je crois que ici, personne n’a cherché à dire que les civils n’étaient pas visés par cette attaque. Les événements tels qu’ils ont été décrits, rapportés, documentés, montrent que les civils ont été ciblés par les combattants du Hamas. C’est un fait, évidemment. Ce que cette professeure a évoqué, c’était la chronologie des faits, c’est à dire savoir si chronologiquement, ce sont d’abord des militaires qui ont été attaqués. Mais la question initiale qui lui était posée en tant que professeure de droit, c’était une question d’ordre juridique, ça concernait la qualification de génocide, à propos de ces attaques qui ont ensanglanté cette région, une question qui par ailleurs, vous l’aurez certainement noté, a suscité quelques débats dans d’autres espaces médiatiques, pas seulement ici, et c’est un point sur lequel cette professeure de droit, une fois encore, a exprimé ses doutes au regard de la qualification du terme « génocide » telle qu’elle est présentée dans la Convention de 1948, qu’elle a pris soin de rappeler au début de l’interview. Donc on était là sur des enjeux d’ordre juridiques.

Emmanuelle Daviet : Alors cette interview soulève un autre point qu’il semble important d’aborder ici. Une auditrice écrit : « C’est une demande qui vient du fond du cœur. Choisissez mieux vos invités afin que ce genre de propos choquant ne puisse pas exister dans des institutions comme la vôtre ». Un autre message « le choix de cette personne a-t-il vraiment été judicieux de la part de votre équipe ? » Alors la question en creux, Florian Delorme, de ces différents messages, c’est la suivante : sur quels critères choisissez vous vos invités dans la matinale ?

Florian Delorme : La réponse est assez claire. Le critère, c’est celui de l’expertise, dans Les Matins et en particulier dans ce moment, c’est à dire les Enjeux internationaux. L’entrée se fait par le sujet et en fonction du sujet, on va chercher à construire un plateau d’invités avec les expertises qui vont derrière. Comme les auditeurs le savent, on donne assez largement la parole à des chercheurs, à des professeurs d’université. On veille à ce qu’ils soient interrogés sur leur domaine d’expertise. Et c’est peut être en cela, en réalité, que l’entretien a suscité des réactions. Parce que l’échange avec la professeure, à mon avis, aurait gagné à demeurer sur les enjeux qui étaient les siens, c’est à dire le terrain juridique. Plus largement, je voudrais quand même préciser une chose, il faut garder en tête et je pense que c’est très important pour les auditrices et les auditeurs de le rappeler que dans cet exercice, les experts, les chercheurs, les professeurs et les journalistes sont en fait embarqués dans la même mission, c’est à dire éclairer nos auditeurs en s’appuyant sur des savoirs, sur de la connaissance. Au fond, toutes et tous ont intérêt à ce qu’on puisse sereinement expliquer les choses, analyser les choses. Et donc les journalistes de France Culture et les experts, quels qu’ils soient de l’autre, qui sont, comme vous le savez, extrêmement nombreux dans Les Matins mais partout sur notre chaîne, tout le monde travaille main dans la main dans le même sens.

Emmanuelle Daviet : Alors ajoutons quand même que cette interview a pris une forme qui a surpris les auditeurs. Certains nous ont écrit à ce sujet, estimant que l’invitée n’avait pas eu la possibilité de développer tous ses arguments. Partagez-vous ce constat, Florian Delorme ?

Florian Delorme : Alors, je comprends que certains auditeurs aient pu avoir ce sentiment et cette perception, mais il se trouve qu’en fait l’interview arrivait à son terme, que Guillaume Erner a simplement accéléré un peu les choses parce qu’il fallait passer à la suite, comme il le fait très régulièrement, comme le font en fait tous les journalistes qui doivent tenir à un horaire, qui doivent tenir, une horloge, qui doivent tenir un séquençage. C’est la vie du direct.