Mardi 14 novembre, Guillaume Erner a invité Ophir Lévy, maître de conférences en Études cinématographiques à l’Université Paris 8 – Vincennes-Saint-Denis et Stéphane Courtois, Directeur de recherche honoraire au CNRS, historien du communisme, pour parler des vidéos de l’attaque du Hamas. Les auditeurs ont réagi à cette matinale dans laquelle Guillaume Erner avait indiqué en préambule : « J’ai longuement hésité avant de consacrer cette matinale à ce film, ce montage, donc des images, de quelques images collectées suite au massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre dernier en Israël. C’est un film qui va être projeté à certains parlementaires aujourd’hui en France, après avoir été projeté un peu partout dans le monde. Je dirais que deux choses ont emporté ma décision. Tout d’abord, la dimension absolument inédite de cette image, du dispositif lié à leur diffusion. Tout cela demande à être pensé. C’est notre métier. C’est aussi en quelque sorte la mission de France Culture. Et puis également la multiplication sur les réseaux sociaux de négation de ces événements. Il y a différentes thèses qui circulent. L’une d’entre elles serait que ce soient donc les Israéliens eux-mêmes qui aient tué ces civils. Raison supplémentaire pour consacrer cette émission : j’ajouterais, cela va sans dire, mais cela peut être mieux en le disant que les horreurs perpétrées par le Hamas n’exonèrent évidemment en rien l’Etat hébreu de sa responsabilité dans la manière dont il mène aujourd’hui la guerre à Gaza. »:
Messages des auditeursJe ne suis sûrement pas la première personne à écrire sur le traitement du conflit au Moyen-Orient mais il me semble important de dire ma stupéfaction sur le sujet dans “Les Matins” de France Culture, ce jour, le 14 novembre. Je ne comprends pas le choix de parler d’une projection documentaire, organisée par l’armée israélienne, à destination des médias ou autres relais en France, en évoquant que le contenu sans recul sur les conditions et les raisons de cette projection, par un pouvoir en place, qui cherche à rallier l’opinion internationale à sa cause dans un contexte de conflit et de guerre dans une perspective génocidaire. L’armée israélienne prépare l’opinion internationale à la tuerie, même pas de manière cachée, et France Culture acquiesce ? L’intérêt des Matins réside dans le fait que des chercheurs et chercheuses sont invités pour éclairer un sujet d’actualité, de manière scientifique ou du moins réfléchie. Je suis atterrée de ce choix malgré les justifications de Guillaume Erner sur sa ligne (négation de la tuerie sur les réseaux, parallèle historique)…
Que Guillaume Erner fasse le choix d’aller visionner le film sur le massacre du 07 octobre relève de sa liberté personnelle, qu’il en fasse le sujet de son billet d’humeur et de son émission ne me paraît pas respecter les règles déontologiques du journalisme. Il présente le film comme un document historique digne d’être étudié par des scientifiques, fussent-ils « atrocitologues ». Il ne peut pas faire fi des conditions de diffusion de ce film ni des conditions géopolitiques actuelles qui ne permettent pas une réception dépassionnée de ces images.
Si ce document sera sans doute utile pour l’avenir, France Culture ne peut pas en faire un sujet le 14 novembre sans contribuer à attiser les tensions. Je le regrette.
Dans l’émission de ce matin, le journaliste Guillaume Erner a expliqué ses hésitations pour sa décision de traiter le sujet du film de Tsahal sur les exactions du Hamas. Trois commentaires : 1 – Comment peut-il affirmer prendre seul cette décision, n’y a-t-il pas une rédaction partagée ? 2 – Il s’agit d’une information indiscutable, donc à donner aux auditeurs, Guillaume Erner n’a pas de choix. 3 – le vendredi précèdent, Guillaume Erner avait critiqué la trop grande quantité d’information donnée sur les juifs. Il y a beaucoup d’incohérence, de non-transparence et de désinvolture vis à vis des auditeurs, sur un sujet grave. Le présentateur doit se concentrer sur les évènements, plus neutre et objectif, et pas sur ses propres états d’âme.
Depuis le 7 octobre j’ai dû souvent défendre la façon dont Guillaume Erner rendait compte de la guerre entre le Hamas et Israël auprès d’amis qui la trouvaient trop pro-Israël. Depuis ce matin je me demande si je ne me suis pas fourvoyé. Que Guillaume Erner prenne connaissance d’un document monté par l’armée israélienne, soit, c’est son métier de journaliste. Qu’il se fasse accompagner d’un expert en matière d’image, soit, il faut pouvoir prendre de la distance avec le document brut. Mais c’est là que commencent la faute professionnelle et la trahison de l’auditeur : les deux séquences de ”l’invité” furent consacrées à restituer sans aucune distance critique par rapport à la sélection et au montage des images. Au contraire, on y a plaqué complaisamment le lexique et les émotions recherchées par les auteurs du document. Il est de bon ton de déclarer que l’Histoire est écrite par les vainqueurs. On ne sait pas qui va gagner cette guerre, militairement, politiquement, etc. mais France Culture prend les devants. Depuis des années je n’éprouve que dégoût pour le Hamas, ses soutiens au Moyen-Orient et ses compères de la Droite et de l’Extrême-droite israélienne. Leurs jeux convergents ont abouti aux massacres du 7 octobre et se retournent contre les Palestiniens, à Gaza et en Israël. Il n’est pas nécessaire que France Culture jette de l’huile sur le feu des émotions, elle doit retrouver son rôle en aidant à la réflexion et à la compréhension. Et comprendre n’est pas excuser.
Aller dans l’horreur toujours plus loin dans l’horreur. Guillaume Erner a choisi ce matin de traiter la question des images du massacres du 7 octobre commis par le Hamas au motif qu’elles permettraient de lutter contre le négationnisme, la désinformation, etc. Or la Shoah est documentée et le négationnisme existe. Qu’est-ce que je retiens de ce matin ? Qu’est-ce qui me hante depuis ce matin ? Un père tué, deux enfants blessés et un homme qui est venu pour les massacrer mais qui en attendant de savoir ce qu’il va faire, il boit du coca dans leur cuisine. Il s’agit d’images, de vidéos, atroces et déshumanisantes pour les victimes comme pour les bourreaux. Je suis autant bouleversée par les images mentales suscitées que par le traitement de ce sujet, la présence de l’expert cinéma ne permettant plus la mise à distance. J’ai coupé l’antenne rapidement.
J’écoute France Culture pour ne pas tomber dans les facilitées de la pensée :
-interroger la fabrique des images en temps de guerre ;
-pourquoi semble-t-on plus touchés par les images des victimes du Hamas que par celles d’Israël ?
-interroger leur instrumentalisation, leur diffusion. Le député Eric Botherel sur Médiapart apporte des réponses ;
-s’interroger sur « les pathologies de la vengeance » pour reprendre le titre de l’article de Adam Shatz publié sur Orient XXI.
Je pense qu’un tel traitement ne peut que renforcer le sentiment du deux poids, deux mesures malgré l’avertissement de départ de Guillaume Erner : ces atrocités ne justifient pas la réponse militaire d’Israël.
Merci aux Matins de France Culture et à M. Erner pour la qualité de son émission. Je suis obligée de couper la radio à l’arrivée des enfants à la table du petit-déjeuner compte tenu de l’actualité sordide mais je suis admirative de votre manière de chercher une porte de sortie par le haut, par la raison et l’émotion positive. Ce matin, je vous sentais ému à l’évocation de la vidéo de 40 min d’horreur et j’avais presque mauvaise consciente d’être si lâche car jamais je n’aurais votre courage. Je « compte sur vous » pour décoder et me permettre d’entendre ce qui devient inaudible. Je considère votre émission comme un filtre intelligent qui me permet de capter l’essentiel en m’enlevant le traumatisme de l’info brute.
J’ai déjà travaillé sur la Shoah quand j’étais jeune (visite guidée de Mauthausen) et j’étais obsédée à l’idée de cerner l’horreur, et je n’ai jamais réussi. Aujourd’hui je ne regarde pas grand-chose car je n’ai ni télé, ni réseaux sociaux, je me contente de la radio et comme je travaille à la maison, c’est quasiment toute la journée. J’ai un peu mauvaise conscience et quand on me demande si je suis « informée », je me dis que oui quand même mais j’ai un doute devant le regard incrédule de mon entourage !
Votre émission « L’invité du matin » du 14/11/2013 sur le film du gouvernement actuel d’Israël sur la tuerie du 7 octobre m’a beaucoup gêné d’où mon courriel. Préalablement, je tiens à dire que je condamne totalement cette tuerie du Hamas sans la moindre hésitation. Ensuite je tiens à vous dire que j’apprécie énormément votre émission du matin avec votre ou vos invités que j’écoute régulièrement par podcast. Je trouve que votre manière d’interviewer vos invités est très pertinente et laisser toujours votre invité s’exprimer sans le couper. Grand merci pour ces éclairages que vous apportez à l’actualité. Bien que j’aie bien entendu votre propos liminaire sur votre hésitation à faire cette émission, sur le fait qu’il y a aujourd’hui des gens négationnistes, j’ai été très agacé. En effet ce film est pour moi un outil de propagande de la part des 2 parties du conflit. Bien évidement de la part du gouvernement Israélien qui l’utilise pour justifier sa guerre à Gaza et faire pencher l’opinion en sa faveur. Quant au Hamas toutes les images prises par ses combattants servent à la propagande auprès des Palestiniens et des pays arabes.
Personnellement je ne ressens pas du tout le besoin de voir ces images ni d’entendre des commentaires.
Je critique votre émission car je pense que le parallèle fait avec vos 2 invités n’est pas pertinent. Il me semble qu’il aurait été intéressant d’interroger plutôt des psychologues ou psychiatres ou sociologues pour comprendre comment des hommes arrivent à faire de tel atrocité. En effet j’ai lu dans « Le Monde » que cette tuerie fut organisée que par quelques combattants du Hamas sans lien avec la direction politique et qu’ils furent surpris par l’extrême lenteur de la réaction de l’armée Israélienne.
Je pense qu’il aurait été plus pertinent d’essayer de comprendre comment des jeunes Palestiniens, (de 25 à 50 ans environ) nés dans ce que la communauté internationale dénomme être une prison à ciel ouvert, ces jeunes sans avenir, sans perspective, deviennent des « bêtes humaines ». En traitant de cette manière vous auriez été beaucoup plus dans l’équilibre que d’insister sur l’horreur perpétue que d’un côté.
Une bonne analyse, bien distanciée quant à la diffusion et au contenu des images des massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre. Une expression honnête et équilibrée. Avant de développer mon propos, bien évidemment il me faut dire l’extrême choc causé par les crimes du Hamas.
Je pense cependant que, sans doute inconsciemment, vous évitez parfois de nommer ce qui est inacceptable dès lors qu’on aurait à l’imputer à l’État d’Israël. Des exemples ?
*Quand le dictateur Poutine vise sciemment une crèche ou une maternité, vous nommez cela fort justement un crime de guerre. Quand Israël procède de même sur des hôpitaux, vous expliquez seulement que Tsahal en affirme la nécessité par la présence de combattants du Hamas. Les enfants Palestiniens valent-ils moins que les petits Israéliens et les petits Ukrainiens. Le « droit de la guerre » (curieuse expression) interdit une telle action. Pourquoi ne pas le rappeler ?
*Qu’aurait-on dit si l’armée russe avait tué 100 agents de l’ONU ? C’est pourtant le nombre de morts imputable à Tsahal.
*Les informations que vous donnez proviennent exclusivement du « côté » israélien, et pour cause puisque la presse internationale est interdite de séjour à Gaza. Il faut le dire, à chaque fois que vous donnez une information pour montrer que vous n’êtes pas dupe d’une, éventuelle, manipulation et que vous n’avez pu faire votre boulot de journaliste en recoupant des infos.
*Régulièrement vous relatez le stress ressenti par nos compatriotes juifs, ici en France, qui témoignent de signes d’hostilité à leur égard. C’est sans doute vrai, c’est bien sûr inadmissible. Il vous faudrait cependant dire que les manifestations de l’antisémitisme ne sont pas mesurées : contrairement aux chiffres avancés par M. Darmanin, il n’y a pas de comptage spécifique en ce domaine (cf. le Canard Enchaîné du 8/11/23). Le comptage se fait donc « au doigt mouillé » mais il est de bon ton de répéter ces données que l’on doit qualifier d’approximatives. Pourquoi ne le dites-vous pas ?
*Dans certains media, peut-être sur le vôtre, on s’interroge sur la faible participation de la « communauté musulmane » dans les manifestations de soutien aux victimes juives. Mais vous ne relevez jamais l’absence de présence juive dans les protestations contre les agressions (selon le droit international et les résolutions de l’ONU) de l’État d’Israël à l’encontre des populations palestiniennes. Pourquoi ?
De manière très générale, et en conclusion, nos états occidentaux, nous autres citoyens et vous les journalistes et commentateurs, nous hésitons tous à nommer les crimes et déviances produits par l’état d’Israël. Cette retenue date de l’énorme souffrance dont fut victime le peuple juif par l’Holocauste et de la menace réelle ou supposée de la disparition que lui promettent ses détracteurs. Pour autant, aura-t-on un jour le courage de dire que cette immense blessure de l’Holocauste ne donne en rien le droit à quiconque de soi-même de se dispenser du respect des droits de l’Homme, ce que fait pourtant tous les jours, et de manière ô combien douloureuse actuellement, l’État d’Israël.
Combien avez-vous consacré de vos “humeurs du matin” au massacre du 7 octobre perpétué par le Hamas sur les civils israéliens ?
Combien en avez-vous consacré aux massacres perpétués par l’armée israélienne sur les civils gazaouis depuis le 7 octobre ?
L’armée israélienne monte et diffuse dans le monde un film terrible sur le massacre du 7 octobre, un pogrom. Comment appelle-t-on un massacre de Palestiniens ? Qui fera et diffusera un tel film sur ce que Tsahal fait aux habitants à Gaza, qui montrera en gros plan leurs visages, leurs souffrances, leurs familles terrorisées, à bout de force, sans eau, ni pain,
leurs morts ? Pour un Israélien il faut compter combien de palestiniens sur la balance abominable du sacrifice ?
Je suis en train d’écouter votre émission concernant la cruauté politique à partir de la vidéo de l’attaque du Hamas. En tant que membre de l’Acat (Action des chrétiens pour l’abolition de la tortue et de la peine de mort), je peux dire que ces formes de cruauté et de sadisme sont en action dans tous les pays autoritaires, dictatoriaux de la planète (Afrique, Maghreb et Afrique Noire, Asie, Moyen-Orient…Russie…). Des témoignages reçus des pays d’Amérique Latine au cours des années 70-80 étaient insoutenables. Ceux actuels qui viennent de Syrie, Turquie, Chine.. sont pour moi inécoutables… (je ne milite plus à l’Acat, trop difficile). Vous avez raison de faire cette émission car la suspicion est toujours présente. (J’écoute régulièrement votre émission, une de mes principales sources d’information).
Ce matin, je ne comprends pas. Avec cette vidéo d’horreurs que vous commentez longuement vous semblez découvrir ce qu’est la guerre, partout où elle existe des êtres humains se transforment en cinglés assoiffés de vengeance et de sang. Vous faut-il des vidéos de chaque conflit pour l’intégrer ? Un massacre a-t-il plus de poids à vos yeux quand vous en voyez des images ?
Images que vous présentez comme de la propagande terroriste dans le but de terroriser, et c’est le cas sans aucun doute, mais que vous regardez, que vous commentez, et que par conséquent vous invitez à voir, contradiction incompréhensible.