Ce dimanche 9 mars, des auditeurs ont été choqué par une phrase entendue dans le Masque et la Plume sur France Inter. Lors de la critique du livre “Mon vrai nom est Elisabeth” d’Adèle Yon, un chroniqueur a dit qu’ « une schizophrène ne peut pas écrire ces lettres merveilleuses ».
Je vous envoie ce message car à l’écoute de la critique d’Arnaud Viviant à propos du livre “Mon vrai nom est Elisabeth”, j’ai été heurtée par ses propos concernant les schizophrènes : « une schizophrène ne peut pas écrire ces lettres merveilleuses »… Que voulait-il dire par là : que les personnes schizophrènes n’avaient ni les compétences intellectuelles ni affectives pour le faire, que la schizophrénie était synonyme de déficiences intellectuelles ? Je suis moi-même maman d’un fils atteint du syndrome de la schizophrénie, malgré sa maladie, il a poursuivi ses études en faculté et a obtenu son master d’histoire. Je pense qu’il est dangereux de faire un amalgame et de caractériser de la même façon toutes les personnes schizophrènes, cela ne fait qu’accroitre la stigmatisation de ces personnes qui les fait tant souffrir eux et leur proche. Je vous écris ce message juste pour demander d’être un peu plus prudent sur les propos que l’on peut porter sur les personnes atteintes par ce syndrome. J’écoute depuis des années votre émission et mon fils, grand lecteur également. Je fus heureuse que ce dimanche matin-là il soit parti faire une course pour les droits des femmes et qu’il n’ait pas entendu ces propos. Merci.
Je viens d’apprendre en vous écoutant à l’instant que les schizophrènes ne savent pas écrire de belles lettres. Je suis moi-même schizophrène et je vous prie de croire que mes enseignants jusqu’en hypokhâgne ont toujours loué mes qualités rédactionnelles. Je vous informe qu’avec ce type de petites phrases dédaigneuses gratuites c’est 1% de la population que vous insultez dont de nombreux cadres et intellectuels. Merci pour ces propos qui sont toujours agréables à recevoir. De mon côté quoique schizophrène je doute avoir fait preuve d’une telle violence à votre égard.
Chers amis du Masque,
Permettez à un humble professeur de psychiatrie, féru de lettres et admirateur de votre émission, de vous écrire. Certains faits relevant de ma discipline ont été présentés sous un jour qui, bien que pittoresques, s’éloignent de la vérité scientifique.
Et ceci lorsque vous avez évoqué « Mon vrai nom est Elisabeth » d’Adèle Yon.(…)
J’ai moi-même convulsé en entendant qu’ « un schizophrène est incapable d’écrire de telles lettres ». Enterrez-vous la correspondance qu’Antonin Artaud entretint avec Jacques Rivière malgré son « effroyable maladie de l’esprit » ? Et celle de Gérard de Nerval dont on suppose qu’il a connu les affres de la psychose tout au long de sa vie ?
La schizophrénie est un trouble complexe qui n’empêche pas de vivre, de rêver et de créer !
Surtout, continuez à stimuler nos neurones car vos émissions ont, elles, une réelle vertu antidépressive !
J’aimerais apporter une précision qui me semble essentielle. Les mots ont un sens, et mal utilisés peuvent se transformer en blessures profonde pour celui qui les écoute et qui les lit.
Il est désespérant, triste et affligeant d’entendre régulièrement des contre-vérités sur les personnes souffrant de schizophrénie. La schizophrénie souffre d’une image erronée qui véhicule des idées fausses et ajoutent de la stigmatisation à une situation déjà extrêmement difficile à vivre. Et mal prise en charge. Les personnes qui en sont atteintes sont très souvent en grande souffrance et elles sont plus un danger pour elles-mêmes que pour les autres. Je connais les effets dévastateurs que ce genre d’amalgame peut engendrer en termes d’image de soi et d’entrave vers le chemin semé d’obstacles du rétablissement.
Alors entendre dire (dans l’émission du 9 mars) d’un ton désinvolte des phrases telles que : une personne souffrant de ce trouble psychique ne pourrait pas rédiger « ces lettres merveilleuses », « camisole chimique pour le schizophrène ». C’est n’importe quoi.
Ou « Comme si la schizophrénie pouvait être génétique ou héréditaire ». Et bien oui, il y a un terrain génétique et donc héréditaire.
Essayez de remplacer le terme par une autre maladie (pour reprendre la très juste et nécessaire chronique de votre confrère, qui, une fois n’est pas coutume, apporte un éclairage trop rare sur ces abus de langage) ou par une nationalité, ethnie ou religion pour comprendre la violence de ces propos.
Pour rappel, la stigmatisation des troubles psychiques commence par les mots. Merci de lutter contre les préjugés dont sont victimes les personnes vivant avec des troubles psychiques et leur entourage – elles méritent du respect et du soutien.
Merci pour dizaines de milliers de malades de prendre en compte ces faits dans les prises de paroles.
Il serait peut-être utile de partager cette information parmi les journalistes et critiques du masque et la plume.
Tout comme il serait inutile de commenter à l’antenne, pas besoin de cynisme ou d’ironie complémentaire (c’est déjà fait).
Ayant exercé la psychanalyse et la psychiatrie pendant 40 ans, je ne me retiendrai pas de vous répondre, après l’émission diffusée dimanche dernier. Arnaud Viviant, vous avez dit quelques âneries à propos de la psychiatrie et de la schizophrénie. Lisez donc le recueil de Laurent Danon-Boileau, « Textes sans sépulture”, preuve que certains schizophrènes savent écrire, et fort bien. Allez aussi visiter à Lausanne le musée de l’art brut. Des patients m’ont aussi écrit de belles lettres, et je ne compte pas les conversations poétiques, quand ils se soignaient à l’hôpital avec moi. Quant aux médicaments, les neuroleptiques, autre erreur, ils ont été inventés en France, par Delay, Denicker et Laborit. En 1952, pas en 1968 ! 68, ce fut une autre révolution, en psychiatrie, la fin du tout hôpital, préparée de longue date par des militants inspirés par la psychanalyse et le marxisme. Une belle histoire. Hélas, la psychiatrie d’aujourd’hui est retournée dans le giron de la neurologie, dont elle s’était émancipée…en 68.
Salut l’équipe du Masque et la Plume de ce dimanche 9 mars,
Merci pour votre émission de service public. Il me semble de votre responsabilité d’éviter les discours stigmatisants sur les troubles de la schizophrénie. Bien entendu, on ne peut pas vous demander d’être des expert-e-s de tout. Enfin là, il ne s’agit pas d’être expert-e. J’invite le chroniqueur qui a tenu le propos : « une schizophrène ne peut pas écrire ces lettres merveilleuses » à interroger ses représentations des personnes concernées par une schizophrénie. Je le lui souhaite vraiment, ça peut faire beaucoup de bien d’interroger ses propres représentations.