Le confinement de mars 2020 a bouleversé les pratiques journalistiques à Franceinfo. Cinq ans après, des auditeurs se demandent comment les journalistes se sont adaptés à ces changements. Pour leur répondre, Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction de Franceinfo et Solenne Le Hen, journaliste santé à Franceinfo, sont au micro d’Emmanuelle Daviet.

Emmanuelle Daviet: Le 17 mars 2020 débutait le confinement instauré par le gouvernement pour lutter contre la propagation du Covid 19. Ce confinement a duré un mois et 25 jours. Qu’a-t-il changé dans nos vies ? Quelles ont été ses répercussions ? C’est ce que Franceinfo a proposé d’analyser lundi dernier à travers différents reportages et témoignages. Et ce qui intéresse aujourd’hui les auditeurs, c’est la manière dont la rédaction a pu s’organiser dès les premiers jours de la crise. Comment les journalistes ont pu continuer à travailler et dans quelles conditions avaient-ils le droit de venir à la rédaction ou d’aller sur le terrain?

Florent Guyotat: Alors oui, les journalistes faisaient partie des professions qui avaient une dérogation, donc le droit de sortir de chez soi et d’aller travailler. On avait pour venir à la radio, notre attestation d’employeur. Et on venait ici pour présenter les journaux, pour que la radio finalement puisse continuer d’émettre, pour faire de la rédaction en cheffe et aussi pour que les reporters puissent aller sur le terrain. C’était important. Malgré le confinement, il y avait des reportages à faire, notamment dans les hôpitaux, pour voir ce qui se passait. Donc la radio a continué à fonctionner à cette époque là et c’était primordial parce que beaucoup de gens étaient confinés chez eux et beaucoup de gens avaient besoin d’informations pour savoir tout simplement ce qui allait se passer dans les jours qui allaient suivre. Et puis aussi pour savoir ce qui se passait, notamment dans les hôpitaux, comment évoluait l’épidémie.

Emmanuelle Daviet: Solenne Le Hen en tant que spécialiste santé, comment ça s’est passé pour vous ?

Solenne Le Hen: Moi aussi je pensais qu’avec l’attestation, j’allais pouvoir travailler hors de chez moi. Sauf qu’en fait, le Covid m’a rattrapé. Premier jour du confinement. J’ai les premiers symptômes du Covid. Je pense que j’avais été contaminé quelques jours avant dans un service de réanimation où j’avais fait un reportage dans un hôpital. Et bien j’ai fait comme tout le monde, j’ai fait de la radio depuis chez moi finalement avec le Covid et on a appris justement aussi des nouvelles techniques. On a appris à se connecter avec du matériel depuis chez nous, depuis notre ordinateur. On a passé beaucoup, beaucoup de coups de fil. Et la bonne nouvelle entre guillemets, c’est qu’après le Covid, j’étais immunisé donc j’ai eu beaucoup plus de chance que d’autres confrères. Moi, on m’a autorisé à aller dans les hôpitaux pour faire des reportages parce que je ne risquais plus rien.

Emmanuelle Daviet: Question d’une auditrice : « Comment avez vous géré la surabondance d’informations parfois contradictoires, notamment sur la pandémie et les consignes sanitaires? » Comment était il possible Solène de la vérifier alors qu’elle évoluait chaque jour?

Solenne Le Hen: Ça changeait sans arrêt. Et puis, il faut se souvenir qu’à l’époque, les rares informations venaient au tout début de la Chine, donc on ne peut pas dire qu’on avait énormément d’informations. Donc ce qu’on a fait, c’est qu’on a décidé de reprendre ou de relayer des informations qui avaient été validées par les autorités de santé. Ministère de la Santé, Haute Autorité de Santé, Agence du médicament, Santé publique France. Et on a choisi justement d’être assez rigoureux. Alors on a évolué aussi avec la science dans nos discours, dans ce qu’on a dit, on est passé de la « grippette », je ne sais pas si vous vous souvenez au tout début. À quelque chose d’un petit peu plus grave, quand il y a eu par exemple cet article de la revue de référence New England de Journal of Medicine en février qui dit : « attention, ce n’est pas qu’une grippette, ça arrive en Italie c’est plus dangereux. » Et puis nous on a des médecins aussi autour de nous, qui nous disent venez en réa, voir comment ça se passe et nous aussi on évolue au fil des jours, même des heures presque, sur ces données de santé. Mais ce qui est intéressant, c’est qu’on a essayé d’être plutôt rigoureux et de prendre vraiment que de l’info qui était validée par les autorités de santé.

Emmanuelle Daviet: Florent Guyotat, des auditeurs souhaitent savoir si le confinement a modifié les pratiques professionnelles au sein de la rédaction de Franceinfo. Certains changements, comme les méthodes de production par exemple, ont ils perduré après le confinement?

Florent Guyotat: Alors, je vous disais au début de cet entretien qu’il y avait la radio qui continuait de fonctionner avec des gens qui venaient à la radio pour présenter les journaux. Mais comme les autres professions et Solenne en parlait, on a été très concernés par le développement du télétravail avec des reporters qui, plutôt que de venir enregistrer leurs commentaires pour leur reportage à la radio et bien restaient chez eux, transmettaient leurs informations, leurs reportages à distance. Ça, c’est quelque chose qui nous a beaucoup marqué, qui nous influence encore aujourd’hui puisqu’il y a plus de télétravail qu’avant. Après, comme dans beaucoup d’autres professions, beaucoup d’autres entreprises, on est aussi revenu un peu sur le télétravail parce qu’on s’est dit que c’était bien aussi de pouvoir voir ses collègues et de pouvoir discuter de vive voix. Et ça, je crois que c’est le cas dans beaucoup d’entreprises, pas seulement chez les journalistes.

Emmanuelle Daviet: En cas de nouvelle crise sanitaire majeure, pensez vous à Solenne Le Hen que la rédaction serait mieux préparée aujourd’hui après l’expérience de 2020?

Solenne Le Hen: On l’espère. On l’espère en tout cas. Les effectifs pour la santé ont doublé. C’est à dire que j’étais la seule journaliste santé. On est désormais deux à la rédaction avec Anne-Laure Dagnet, ma consœur. Et puis on a créé aussi un service, un service sciences-santé-environnement à Franceinfo. On a appelé ça à Radio France le tournant. Le tournant sur l’environnement, sur la santé. On s’est dit qu’il fallait vraiment mettre le paquet là dessus et on espère justement être mieux préparés s’il y a une nouvelle pandémie.