Le 23 avril, ce sera le premier tour de l’élection présidentielle. La campagne électorale est intense, passionnée et passionnelle. Ce côté passionnel se ressent dans les nombreux messages reçus. Pour évoquer cette campagne, Bruno Denaes reçoit Jean-Marie Charon, sociologue, spécialiste des médias.
Des candidats « préférés » ?
Commençons par un reproche récurrent : « Vous ne parlez que de Macron, le chouchou des médias ». D’où vient ce ressenti, alors que Radio France n’a aucun lien avec qui que ce soit et que la parole est donnée à tous ?
En fait, pour certains auditeurs, mais aussi pour les autres candidats, Emmanuel Macron, qui n’est pas un élu, qui n’a pas de parti, n’était pas attendu en haut des sondages. D’où cette crispation et cette impression de trop en parler… Sans compter que, vu justement ce qu’il représente d’inédit, il est logique que la presse s’intéresse particulièrement à lui.
Trop pour le Front National ?
A propos du Front National, une réaction intéressante de plusieurs auditeurs : beaucoup d’intervieweurs – volontairement ou involontairement – interrogent leurs invités non FN sur des thèmes typiquement FN (immigration, frontières, insécurité, peur, voile, etc) au risque de donner l’impression que ces thèmes sont majeurs dans la campagne. L’avez-vous ressenti ?
Ce qui est exact, c’est que les thèmes chers au Front National sont pas mal repris par d’autres hommes politiques.
Sous la surveillance de certains candidats ?
Dans les dossiers des messages reçus par le médiateur à propos des candidats, le plus gros concerne évidemment François Fillon et ses affaires, puis on trouve celui de François Asselineau qui a demandé à ses militants – nous en avons la preuve – de nous inonder de mails. Puis il y a celui de Jean-Luc Mélenchon. Dossier intéressant, car le candidat a vraisemblablement demandé à ses militants de surveiller de près les journalistes. Tous les jours, nous recevons des messages accusant de ne pas avoir parlé de Jean-Luc Mélenchon dans tel journal, d’avoir diffusé un reportage sur tel meeting, mais pas celui de Mélenchon… Or, nous n’avons peut-être pas parlé de lui dans le journal de 7h, mais bien dans celui de 8h… Que dire de cette attitude très suspicieuse à l’égard de la presse ?
Cela ramène à la défiance entretenue par certains contre les médias. Cette défiance mène à une forme d’exaspération au moment d’événements importants et clivants. Certains militants ne voudraient entendre que leurs propres opinions et n’acceptent pas d’entendre d’autres points de vue. Quelques exemples: la « faute » de la presse en 2002 si Jean-Marie Le Pen arrive au second tour, la « manière » dont la presse a traité le mouvement Nuit debout…
Pour terminer, comment le sociologue juge-t-il le traitement par les médias de cette campagne assez singulière ?
Pour les médias, cette campagne a été très complexe: des candidats parfois inattendus, une réglementation du CSA pas très bien adaptée pour un traitement de fond et puis des rebondissements dans tous les sens… Et dans tout cela, cette volonté de faire au mieux.