Vincent Giret, directeur de Franceinfo est au micro de la médiatrice des antennes, Emmanuelle Daviet.
Emmanuelle Daviet : De septembre à Juin, l’actualité a été extrêmement dense avec, bien sur un pic à partir du mois de mars, quel bilan tirez-vous de cette saison radiophonique ?
Vincent Giret : Je crois que les Français ne retiendront qu’une seule période de cette saison, c’est bien évidemment la période Covid, une période absolument incroyable, une épreuve, mais incroyable aussi pour faire du journalisme. On a réussi ici avec une mobilisation exceptionnelle, on a été la seule radio de France à faire du direct intégral de 5h à minuit et demi. C’est une performance collective, dans des conditions extrêmement difficiles. On a voulu vraiment remplir notre mission de service public, être au plus près des préoccupations de nos auditeurs, de nos internautes, de les accompagner dans leur vie quotidienne, de les réconforter, de les informer, de décrypter un certain nombre de choses qui étaient absolument capitales dans cette période.
Emmanuelle Daviet : Y-a-t-il des leçons éditoriales à tirer de cette séquence ?
Vincent Giret : Je le crois vraiment. On n’a jamais eu autant de médecins, de scientifiques sur notre antenne. Il y a une demande de pédagogie, de compréhension des enjeux de la science qui est phénoménale. On y a réfléchi, on annoncera des choses pour la rentrée. Mais on voit bien qu’il y a eu dans cette période une collision des temps : les médecins sont dans l’urgence absolue, les scientifiques ont besoin de la longue durée. La vérité du jour peut changer en fonction des découvertes à venir. Et puis, les journalistes, on est dans l’immédiat. Comment concilier tout ça ? Cette exigence de clarté, de pédagogie, de compréhension, de court terme et de long terme… C’est un vrai défi pour le journalisme, et on doit s’équiper davantage pour pouvoir y répondre.
Emmanuelle Daviet : Tout au long de l’année, vos auditeurs ont beaucoup écrit. Des auditeurs fidèles et exigeants. Lorsqu’on est sous le feu de l’actualité… avec une antenne intégrale de 6h du matin à minuit et demi… des ajustements de grille… des éditions ou des journées spéciales… comment reçoit-on les remarques, les critiques des auditeurs ?
Vincent Giret : Elles sont indispensables. Aujourd’hui, on ne peut pas faire un média qui tombe d’en haut, qui serait à prendre ou à laisser. On a besoin d’avoir un dialogue permanent avec nos audiences. Je pense que c’est très important. On est dans une crise de confiance très forte à l’égard des médias et de l’information. L’un des outils que nous avons pour essayer de rétablir cette confiance, c’est précisément de dialoguer. Je crois qu’il y a une très grande méconnaissance aussi de la façon dont on travaille, de la façon dont travaille une rédaction. Mais bien évidemment quand on se trompe, on doit le dire, quand on fait une erreur, on doit le dire. On doit accepter aussi. On travaille dans des conditions qui sont celles précisément d’une chaîne d’information en continue, c’est exigeant, on est parfois sur des chemins de crêtes. Malgré les cordes de rappel que nous avons, toutes les exigences que nous y mettons, la prudence, la vérification, la certification de l’information que nous défendons, il peut arriver que nous nous trompions ou que nous soyons incomplets, il nous faut le dire, nous corriger au plus vite. Entretenir ce dialogue, c’est très important.
Emmanuelle Daviet : Vincent Giret, en tant que directeur de Franceinfo, qu’est-ce qui vous a le plus marqué/frappé cette année ? Si vous deviez retenir une seule chose ?
Vincent Giret : L’importance des médias. Dans cette période, nous n’avons jamais autant consommé de médias dans l’histoire, depuis que les médias existent. Ils nous ont apporté du réconfort, de l’information, de la fiction, du documentaire. On a été accroché à tous ces médias collectivement (cela vaut pour chacun d’entre nous et pour ceux qui nous écoutent), on a regardé plus de séries, plus de films, écouté des podcasts. On avait besoin de ces éléments-là, comme pour s’armer avec une résilience particulière, pour tenir à la fois dans le moral, dans notre vie quotidienne, dans cette vie de confiné qui a été absolument incroyable.