Nous allons vous expliquer comment Franceinfo s’organise pour couvrir l’un des procès les plus importants de notre histoire récente, celui des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis. Ce procès s’est ouvert mercredi. Il doit durer neuf mois. Nous allons aussi vous expliquer quelle est notre ambition éditoriale .
Delphine Gotchaux, cheffe du service police justice de franceinfo répond aux questions des auditeurs au micro d’Emmanuelle Daviet.
Emmanuelle Daviet : Avant d’aborder les questions éditoriales sur la couverture du procès des attentats du 13 novembre , je voudrais indiquer que les auditeurs ont écrit au sujet de la série audio et vidéo intitulé » leur 13 novembre « . Une série en 9 épisodes où les otages, les secouristes, les parents de victimes, les policiers, les urgentistes et les juges racontent leur nuit du 13 novembre 2015. Et les messages des auditeurs sont extrêmement élogieux sur ce travail réalisé par le service police justice de Franceinfo que vous dirigez Delphine Gotchaux
Abordons les questions relatives au procès : Quel dispositif avez-vous mis en place à franceinfo pour couvrir ce procès ?
Delphine Gotchaux : Il y a plusieurs temps, il y a le temps long, le temps intermédiaire et le temps court sur le temps long. Vous en avez parlé Emmanuelle? C’est cette série que nous avons proposé. Vous pouvez continuer à réécouter et à regarder sur franceinfo.fr et sur l’appli Radio France. C’est un travail que nous avons entamé dès la fin janvier 2021. L’idée était de donner la parole à ces grands témoins, à ces personnes qui ont été très directement ou indirectement touchées par ces attaques de masse. Et puis, en amont quelques jours avant le début du procès pour la matinale du 8 septembre, le jour de l’ouverture du procès. Puis il y a évidemment le temps immédiat et tout le service police justice est mobilisé, en particulier, effectivement, sur toute la durée du procès, Gaële Joly et Mathilde Lemaire.
Emmanuelle Daviet : La durée du procès est inédite, allez-vous couvrir le procès pendant 9 mois ? Comment évite-t-on le risque de saturation ?
Delphine Gotchaux : Alors oui, on va couvrir le procès pendant l’intégralité de ces neuf mois parce qu’on ne sait jamais ce qui se passe à une audience. On ne peut pas ne pas y être. C’est un procès historique pour plein de raisons. C’est notre mémoire collective aussi, je crois. Non, il s’agit de rendre compte. Après, ça ne veut pas dire que tous les jours, il y aura un papier sur l’antenne de Franceinfo. Parce qu’effectivement, quand, par exemple, il va y avoir cinq semaines d’audition des victimes, on ne va peut-être pas tous les jours raconter chacune de ces histoires. Non pas qu’elles ne soient pas chacune bouleversante, intéressante, mais parce qu’effectivement, il y a un risque aussi pour les auditeurs d’un trop plein, d’un trop plein d’émotion, d’un trop plein de choses douloureuses à entendre.
Emmanuelle Daviet : A quelles difficultés peuvent être confrontés les journalistes qui sont mobilisés ? Comment éviter de tomber dans le pathos ?
Delphine Gotchaux : On voit émerger dès le début de ce procès la question de la place de Salah Abdeslam, qui est le seul membre du commando terroriste encore en vie et de la place qu’il prend à l’audience. En tout cas, en ce début d’audience avec des déclarations tonitruantes, il se sert très certainement de cette tribune médiatique pour dire un certain nombre de choses. Comment à la fois restituer cela puisque c’est un fait d’audience, sans lui donner cette caisse de résonance qui fait d’ailleurs beaucoup de mal aux parties civiles qui sont les premiers retours qu’on a. Et puis après, il y a aussi la question, évidemment, de ce qui va être abordé. On va voir sans doute des images très dures, des scènes de crime. On va entendre des témoignages très éprouvant. Et puis évidemment, moi, mon rôle aussi en tant que chef de service, c’est de faire attention aussi à mes journalistes qui couvrent ce procès qui, émotionnellement, sera aussi très lourd, très difficile, parce qu’on sait que la place qui est la nôtre de témoins, d’observateur et bien sûr, nous ne sommes pas des victimes. Mais il y a un impact et un retentissement psychologique inévitable
Emmanuelle Daviet : Au sujet de Salah Abdeslam. Des auditeurs, vous le savez, nous demandent de ne pas citer son nom, de ne pas relayer ses propos. Que leur répondez-vous ?
Delphine Gotchaux : Ça a été de grands débats au moment des attentats. Faut-il ou pas anonymiser les terroristes ? Bien sûr, il est en vie. C’est l’un des rares terroristes qui a frappé le sol français encore en vie. Il a des choses à dire. Il faut, je pense, les remettre en perspective, ne pas être dupe, ne pas tomber dans son piège. Mais ce sont quand même des faits d’audience, dans une audience, en tout cas quand on la couvre, on raconte ce qui s’y passe. C’est notre rôle et en l’occurrence, ses propos à lui disent quelque chose aussi de sa stratégie de défense et aussi peut-être et surtout, effectivement, du fait qu’il est absolument pas désengagé de son idéologie violente et mortifère.