Comme vous le savez le service de la médiation reçoit beaucoup de messages d’auditeurs , en moyenne 1000 mails par jour.
Bien sûr depuis la mi novembre il y a une dominante dans tout ce courrier : c’est le traitement médiatique du mouvement des Gilets jaunes. Pour en parler au micro d’Emmanuelle Daviet, Vincent Giret directeur de franceinfo.

 

Nous en parlons chaque semaine dans ce rendez-vous sur France info, rendez-vous au cours duquel la médiatrice des antennes, relaie les interrogations, les remarques ou la colère des auditeurs. Et tout ce qui transparaît à travers ces messages, et cela rejoint le constat fait par de nombreuses rédactions, au-delà de France info ou des rédactions de Radio France,  c’est que la perception du travail des journalistes par les auditeurs est, pour le moins, préoccupante.

 

Est-ce que cela signifie qu’il va falloir, pour les journalistes, exercer différemment leur métier ?
Est-ce que l’impact de votre travail sur une partie de la population est en question ?

Nous vivons une période très préoccupante car la crise des Gilets Jaunes révèle une fracture historique en matière d’information. Ce que nous avons vécu ces dernières semaines s’apparente beaucoup à ce qu’ont vécu les Etats-Unis pendant la dernière campagne électorale et la victoire de Trump. On avait vu une énorme défiance à l’égard de l’information et des médias traditionnels et à la fois un flot continue de désinformation, de fausses informations, d’approximation … Ces deux caractéristiques, nous sommes en train de les revivre.

 

Est-ce qu’il y a là, malgré ce contexte de défiance,  une opportunité à saisir pour les journalistes ? De reconsidérer les méthodes de travail, d’enrichir le dialogue avec vos auditeurs ?

Nous sommes engagés dans une réflexion de longue haleine. A franceinfo nous allons lancer une réflexion collective. Aucun sujet n’est tabou. Il faut pouvoir discuter de l’exercice de notre métier à un moment où une partie des Français adresse des critiques extrêmement violentes, caricaturales, excessives. Des dizaines et dizaines d’incidents ont eu lieu ces dernières semaines à l’encontre de journalistes reporteurs. C’est un mouvement qui va durer, c’est pourquoi il faut réfléchir à notre responsabilité et à notre façon de travailler.

Il y a une opportunité à saisir pour les journalistes et les rédactions sur le sens de notre métier, sur les formats …Mais nous avons une Charte, une éthique. Nous n’avons pas à rougir de la façon dont nous avons travaillé sur la crise des Gilets Jaunes. Mais les conditions de l’exercice de notre métier ont basculé. Cette période de défiance massive va hélas durer.

 

On constate un fort besoin d’expression dans notre pays, vous avez ouvert l’antenne aux auditeurs pour qu’ils s’expriment sur la crise des Gilets jaunes,
estimez-vous que c’est une pratique en cohérence avec l’identité de votre antenne ?

Nous avons plus que jamais besoin d’un dialogue avec nos auditeurs et nos internautes. Ce que nous faisons aujourd’hui n’est pas assez ambitieux. Ce rendez-vous de la médiatrice est important mais nous devons aller plus loin, expliquer comment nous travaillons, rendre plus transparente notre fabrique de l’information. Il y a plusieurs façons de le faire, notamment l’ouverture de l’antenne aux auditeurs qui a suscité des débats très intéressants. C’est un outil éditorial dont il ne faut sans doute pas abuser.

 

Comment souhaiteriez-vous  faire appréhender au grand public votre façon de travailler ?

C’est en réflexion. Faut-il par exemple créer une chaîne Youtube pour raconter la fabrique de l’information ? Il y a une méconnaissance profonde de nos façons de travailler, de nos règles, de notre éthique. Le dialogue est fructueux et fondamental pour retrouver de la confiance qui est le mot-clef. C’est de l’éducation aux médias et à l’information et du dialogue.

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