Les auditeurs ont été nombreux à réagir à propos du meurtre d’une assistante d’éducation cette semaine à Nogent en Haute-Marne. Pour répondre à leurs questions et revenir sur la couverture éditoriale de cette actualité, Richard Place, directeur de la rédaction de franceinfo est au micro d’Emmanuelle Daviet.

Emmanuelle Daviet: Mardi, à l’annonce de la mort de la surveillante agressée par un collégien à Nogent, l’antenne est alors essentiellement consacrée à cette information. Question des auditeurs : Selon quels critères prenez-vous cette décision de passer en édition spéciale ?

Richard Place: D’abord parce que nous sommes à Franceinfo avant tout des femmes et des hommes, et nous sommes frappés par ce fait divers. C’est la sidération. Mais très vite, dans une réaction, la sidération doit laisser place à l’action. Et on se dit qu’un collégien qui poignarde une surveillante, c’est un fait majeur dans la société française, qu’on ne peut pas juste le traiter en quelques mots par une brève, comme on dit dans le jargon. Et donc aussitôt, on décide de passer en édition spéciale avec le peu d’informations dont on dispose au départ et dont on sait qu’au fil des minutes et des heures, on va pouvoir enrichir ces informations et en faire savoir encore plus aux auditeurs.

Emmanuelle Daviet: Alors précisément, vous disposez de très peu d’informations, vous êtes en édition spéciale. Quels services sont mobilisés pour couvrir une telle actualité quand on dispose de si peu d’éléments ?

Richard Place: On mobilise en fait quasiment toute la rédaction. Et quasiment en même temps. Il y a d’abord le service police-justice qui est appelé tout de suite pour nous donner les dernières informations dont il dispose sur l’enquête, sur ce que l’on sait des faits précisément. Dans le même temps, on dépêche un reporter, en l’occurrence ici Valentin Dunate qui part depuis Paris pour se rendre sur place pour très vite, dès qu’il le pourra, une fois sur place, rendre compte de ce qu’il voit, des gens qu’il rencontre. Il y a notre spécialiste éducation Noémie Bonnin, qui peut nous parler des systèmes qui sont mis en place dans les collèges, justement pour la surveillance des armes blanches. Des précédents débats qui malheureusement ont déjà eu lieu dans la dans la société du fait de ce type d’agression. On mobilise le service politique également parce que très vite il y a des réactions politiques et qu’il faut les faire entendre à nos auditeurs. Le service « vrai ou faux » aussi, qui est un service de décryptage qui nous permet de nous arrêter sur certains dispositifs, là aussi en rappelant ce qui existe, ce qui a déjà été projeté par le passé et bien sûr l’édition numérique. Notre site internet, nos réseaux sociaux se mobilisent à ce moment là.

Emmanuelle Daviet: Comment évite-t-on le sensationnalisme ou bien la surenchère ?

Richard Place: En allant d’abord vers les faits. Parce que le sensationnalisme ou la surenchère passe par l’émotion et uniquement l’émotion. Dans ces moments là, l’émotion, nous devons la faire entendre aussi. Les proches de la victime, les enfants qui ont côtoyé le meurtrier. Cette petite ville de Nogent qui est vraiment sous un choc terrible. Personne n’imaginait là bas que ça pourrait se produire dans la ville. Tout ça, on doit le faire entendre. Mais si on ne fait entendre que ça. C’est une vision bien trop parcellaire. À Franceinfo, on veut avoir la vision en entier, évidemment. Donc il y a les prises de parole fortes, politiques notamment, que l’on doit là aussi faire entendre. Et puis il y a les débats qui commencent à s’installer, que l’on doit nourrir d’informations, pas juste de débats et d’avis et d’opinions, mais de faits. Et les faits, encore une fois, j’en reviens au service police justice dans ce cas précis, il nous arrive par les enquêteurs, par ce que dit notre reporter Valentin Dunate qui est sur place, ce qu’il voit, ce que lui disent les gens, sur l’agresseur qui était connu évidemment des autres enfants qui étaient là, de certains parents d’élèves aussi, tous ces gens là. Tout ça fait qu’au bout d’un moment, on a une image un peu plus claire de ce qui s’est passé et qu’on est sur du factuel, sur du concret et donc pas sur de la sensation, mais vraiment sur de l’information.

Emmanuelle Daviet: Pour ne pas tomber dans le sensationnalisme ou la surenchère, comment abordez-vous tout ce qui concerne les informations relatives à la victime ?

Richard Place: Nous essayons assez vite d’en tracer le portrait, de dire qui elle était. Et dans ces moments-là, il est important de ne pas aller trop vite et justement d’oublier cette victime le jour même à partir des informations dont nous disposions. Et le lendemain encore, nous sommes revenus sur le portrait de cette jeune femme. Nous paraît très important dans ces moments là, que l’on ne passe pas trop vite sur qui était cette surveillante qui a perdu la vie.

Emmanuelle Daviet: On note dans les sujets traités à l’antenne qu’il a beaucoup été question de l’Education nationale, des encadrants. Le rôle des familles d’enfants scolarisés est également, semble t il, très important pour les auditeurs qui souhaiteraient avoir des éclairages sur le rôle des parents dans la société actuelle face à tout ce que traverse leurs enfants. Est-ce que c’est un thème dont vous vous emparer également ?

Richard Place: C’est un thème dont on s’empare difficilement parce que ça touche à l’intime, ça touche à la famille et il est dur de pénétrer la cellule familiale et d’aller dire comment il faut faire, ce qu’il faut dire, comment ça se passe. Mais oui, nous avons entendu notamment des parents d’élèves autour de cet établissement scolaire qui réagissaient et qui ont parlé de ce qu’ils vivaient, comment ils le vivaient, comment ils en parlaient, eux, à leurs enfants. Et puis nous avons entendu aussi des psychiatres, des psychologues qui ont pu parler de cette thématique.