Depuis la condamnation puis l’incarcération de Nicolas Sarkozy, des auditeurs ont réagi au traitement éditorial de cette affaire. Pour répondre, Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction, est au micro d’Emmanuelle Daviet.
Emmanuelle Daviet : Sur la hiérarchisation de l’information, des auditeurs regrettent une surmédiatisation de l’incarcération et de la sortie de prison de Nicolas Sarkozy, parfois au détriment d’autres sujets majeurs. Alors, quels sont les critères pour évaluer l’importance d’une information et la place à lui accorder sur l’antenne ?
Florent Guyotat: Il y a un premier critère, c’est la rareté, le caractère exceptionnel. Je rappelle que Nicolas Sarkozy est le seul président de la cinquième République à être allé en prison après une condamnation. Même s’il a fait appel et qu’un nouveau procès se tiendra de mars à juin prochain au sujet du financement de sa campagne de 2007. Jacques Chirac, lui, avait été condamné dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris. Mais c’était de la prison avec sursis. Il n’était pas allé en détention. Donc, premier critère, c’est un événement exceptionnel.
Deuxième critère : est-ce que cet événement suscite un débat de fond dans la société ? Pour moi, la réponse est oui de manière certaine. Cette affaire renvoie à toutes les discussions autour de l’exigence de probité vis-à-vis des élus de la République. Donc évidemment, l’incarcération et la sortie de prison d’un ancien président de la République constituent des événements majeurs de l’actualité dont on parle beaucoup sur l’antenne de Franceinfo. Et c’est pour cela que nous leur avons consacré plusieurs éditions spéciales.
Emmanuelle Daviet : Le jour de l’incarcération, le traitement éditorial a été jugé compassionnel avec l’évocation du bain de foule, les adieux à la famille, les conditions en cellule et les achats à la cantine. « Pourquoi avoir mis en avant ces détails ? » demandent des auditeurs. Est-ce que cela relève de l’information ?
Florent Guyotat : Nous d’abord, nous décrivons les faits. Oui, nous avons raconté en direct les adieux à la famille et le bain de foule, mais en gardant aussi de la distance. Nous avons précisé que la foule n’était pas immense, au moment où Nicolas Sarkozy est sorti de chez lui et a salué ses partisans, vous en parliez, avant de monter dans sa voiture pour se rendre en prison. Ça, c’était le 21 octobre dernier. Idem lundi dernier, le 10 novembre, pour le retour de Nicolas Sarkozy chez lui. D’autre part, l’incarcération d’un ancien président de la République étant un événement exceptionnel, il est normal à mon sens, de se poser les questions essentielles : est-ce qu’il est traité comme les autres détenus ? Dans quelles conditions est-il incarcéré ? Il faut donc décrire ses conditions d’incarcération et c’est ce que nous avons fait.
Emmanuelle Daviet : Alors je me permets quand même d’insister, Florent Guyotat, sur ce traitement compassionnel, puisque les auditeurs ont vraiment eu le sentiment d’entendre davantage la parole des défenseurs de Nicolas Sarkozy, au détriment d’un rappel factuel de sa condamnation. Comment garantir l’équilibre des points de vue, notamment lorsqu’il s’agit d’une figure politique majeure ?
Florent Guyotat : Alors je suis en désaccord avec l’idée d’un traitement compassionnel. Pour moi, le traitement que fait Franceinfo de cette affaire est équilibré. Quand quelqu’un est mis en cause et condamné, c’est normal de donner la parole à des défenseurs. Et c’est pour cela que vous entendez régulièrement des soutiens de Nicolas Sarkozy comme l’un de ses avocats,Jean-Michel Darrois, interrogé le 21 octobre dernier, juste avant qu’il aille en prison.
Extrait
Florent Guyotat : Voilà l’un des avocats de Nicolas Sarkozy. Mais sur Franceinfo, vous entendez aussi très souvent d’autres points de vue. Quelques exemples : Vincent Brengarth , l’avocat de l’association Sherpa partie civile dans l’affaire, qui a salué, lui, la condamnation de Nicolas Sarkozy, ou encore des syndicats de magistrats qui demandent que l’on respecte les décisions de justice. Écoutez, par exemple, Aurélien Martini, secrétaire général adjoint de l’Union, Syndicat de la magistrature. Lundi dernier, sur Franceinfo, après la sortie de prison de l’ancien président.
Extrait
Florent Guyotat: On veille donc sur Franceinfo au respect du pluralisme. Rien à voir, me semble t il, avec un traitement compassionnel.
Emmanuelle Daviet : Des auditeurs estiment également que l’émotion a pris le pas sur la pédagogie, rendant peu compréhensible la décision de justice et ses motivations. Alors, comment concilier le récit d’un événement politique inédit avec la nécessité d’expliquer les motifs juridiques complexes de cette condamnation ?
Florent Guyotat: Les motifs de la condamnation de Nicolas Sarkozy ont été très régulièrement expliqués sur Franceinfo. Dès l’annonce du jugement le 25 septembre dernier, puis encore le 21 octobre lors de son entrée en prison. On explique les termes juridiques qui font débat. « Association de malfaiteurs », « exécution provisoire », les arguments de la défense, ceux des parties civiles… Vous pouvez d’ailleurs retrouver tout ça via notre moteur de recherche sur Franceinfo.fr.