Nos auditeurs réagissent à ce qu’ils entendent sur FranceInfo. Vous relayez ici leurs questions et pour leur répondre, nous sommes avec Matthieu Mondoloni, directeur adjoint de la rédaction. Le traitement éditorial de la crise sanitaire continu à faire réagir nos auditeurs.
Emmanuelle Daviet : On commence avec cette remarque d’une auditrice. « Je trouve assez choquante par son côté intrusif, cette mode des journalistes qui consiste à ponctuer les interviews de médecins ou de politique de la question. « Allez vous vous faire vacciner ? » Je vous pose à mon tour la question sensible qui semble passer sous vos radars. Avez vous entendu parler du secret médical ? » Demande à cette auditrice. Matthieu Mondoloni. Est-il éthique, sur un plan journalistique, de demander à un médecin ou à un politique s’il va se faire vacciner ?
Matthieu Mondoloni : Alors la question se pose. Les gens ne sont évidemment pas obligés d’y répondre. Ça n’a rien à voir avec le secret médical. Et la question se pose d’autant plus que de très nombreux médecins sont dans leur rôle, et préconisent aux Français de se faire vacciner dès que ce sera possible en fonction des vaccins, en fonction de la validation des autorités sanitaires. La question est pertinente. Les médecins comme les politiques, ne sont évidemment pas obligés d’y répondre. Et s’ils souhaitent conserver cette part d’intimité, cette part de ce qui les regarde eux, au rapport qu’ils ont avec le vaccin, ils peuvent tout à fait choisir de botter en touche. Néanmoins, la question nous semble intéressante, je le répète, puisque même eux, préconisent de se faire vacciner. Donc, on leur pose la question mais vous même, allez vous le faire ? Ils répondent d’ailleurs bien volontiers, la plupart du temps.
Emmanuelle Daviet : « J’écoute beaucoup Franceinfo et depuis le reconfinement, j’ai le sentiment que l’antenne est largement accordée aux contestataires des mesures sanitaires. Evidemment, il est important que cette parole soit mise en avant. Malgré tout, j’ai le sentiment que l’on sous-traite la parole des personnes approuvant les mesures ou qui rappellent leur importance, comme si seule la contestation et le ras le bol général étaient un point de vue majeur. »
Matthieu Mondoloni, comment s’opère votre arbitrage éditorial pour donner la parole aux différents points de vue ?
Matthieu Mondoloni : Alors, on donne la parole aux différents points de vue. Après, il est sans doute vrai que les paroles les plus présentes sont celles qui contestent, mais tout simplement parce que on le voit encore avec les dernières annonces du gouvernement, le monde de la culture, par exemple, est très en colère, a besoin de s’exprimer et nous sommes encore une fois nous, des médiateurs et des relais de ces gens qui ont besoin de s’exprimer. Donc, on donne la parole à ceux qui contestent les mesures sanitaires, mais on donne la parole également à ceux qui les approuvent et qui les défendent en premier lieu, évidemment, le gouvernement : nous retransmettons systématiquement les conférences de presse du gouvernement quand il annonce ces mesures. Et derrière, nous avons également que ce soit des élus, des députés, des médecins qui viennent défendre ces mesures sanitaires et leur mise en place. Après, nous avons également des gens, on l’entendait encore cette semaine dans plusieurs reportages qui estiment comprendre tout à fait que ces mesures sanitaires soient mises en place. Qui dit qu’ils vont les respecter ? Non, nous ne donnons pas plus la parole aux uns et aux autres. Nous sommes simplement une boîte de résonance de ce qui se passe dans la société. Et ceux évidemment qui contestent, ou plutôt, ce n’est pas tant qu’ils contestent d’ailleurs les mesures sanitaires, c’est plutôt qu’ils viennent faire part de leurs points de vue et qu’ils alertent sur leurs propres conditions au regard de la situation sanitaire aujourd’hui.
Emmanuelle Daviet : On termine avec les invités et leurs éventuels conflits d’intérêts. C’est une demande que l’on reçoit régulièrement depuis que des médecins, des scientifiques et des chercheurs s’expriment sur la pandémie. Les auditeurs souhaitent une certification des invités. Autrement dit, ils veulent avoir la garantie que le propos vient d’un interlocuteur dont le profil est correctement établi. Alors, que mettez-vous en place à Franceinfo pour vous prémunir d’éventuelles critiques à ce sujet ?
Matthieu Mondoloni : Nous avons nos spécialistes tout d’abord, qui sont en première ligne et qui connaissent très bien leurs dossiers et donc très bien leurs sources et les invités potentiels que nous pouvons avoir à l’antenne. Donc, ils regardent effectivement s’il n’y a pas de conflit d’intérêts avant même que nous les invitions, nous en discutons en conférence de rédaction pour savoir si telle ou telle personne est pertinente sur le sujet. Si elle a réellement quelque chose à dire et si elle est spécialiste elle-même sans être effectivement manipulée derrière ou avoir un conflit d’intérêts. Si je reprends l’exemple de la crise sanitaire avec de grands laboratoires, par exemple quand il est question du vaccin, nous avons monté à la rentrée un service sur ces questions de crise sanitaire le service Science santé, environnement technologies, dirigé par Olivier Emond et qui est notre interlocuteur. Je parle de nous : la direction de la rédaction, notre interlocuteur principal, quand nous essayons avec les rédacteurs en chef de caler des invités, ce sont eux qui vont nous dire « attention tel invité n’est pas pertinent et l’invité peut déraper ». Donc, il ne faut pas le faire. Il ne faut pas le mettre à l’antenne et on essaye de faire tout ça, évidemment, en respectant la pluralité des points de vue, parce qu’ils peuvent ne pas tous être d’accord entre eux. Il convient néanmoins de ne jamais franchir cette ligne rouge, d’ailleurs. Certains médecins très présents et très médiatiques sur d’autres antennes, que ce soit des antennes télé ou radio, n’ont jamais été invités chez nous et nous maintenons ce cap. Nous ne les inviterons jamais.