Richard Place, correspondant à Londres est au micro d’Emmanuelle Daviet pour répondre aux questions des auditeurs

Emmanuelle Daviet : On a appris lundi en fin de journée que le roi Charles III était atteint d’un cancer qui va le tenir à l’écart de la vie publique pendant une durée inconnue. Cette annonce a provoqué un choc au Royaume-Uni. Cependant, des auditeurs ne comprennent pas pourquoi autant de temps d’antenne a été consacré à cette nouvelle lundi en fin de journée.

Richard Place : Eh bien, parce que la famille royale, c’est un élément très important ici au Royaume-Uni. Mais on l’a vu au moment des obsèques de la reine du couronnement du roi Charles. C’est aussi un pôle d’attraction pour le monde entier. Pour la France aussi, il y a une vraie curiosité pour cette famille royale. Et puis cette maladie intervient tellement peu de temps après son couronnement. Cela fait moins de deux ans qu’il a été couronné, le roi Charles III. Il y a une forme de tragédie dans son destin. Cet homme qui a attendu si longtemps pour enfin devenir roi. Sa mère a, je vous le rappelle, régné pendant plus de 70 ans. Il a aujourd’hui lui même 75 ans. Alors si finalement, un cancer qui se déclare pour un homme de cet âge là est quelque chose malheureusement d’assez commun. C’est vrai qu’à partir du moment où ça touche la famille royale, ça prend d’autres proportions.

Emmanuelle Daviet : Une auditrice s’interroge et souhaiterats savoir si la médiatisation de problèmes de santé d’une personnalité est l’occasion de parler plus ouvertement de dépistage d’éventuelles maladies et de sensibiliser le grand public ?

Richard Place : Alors ça, clairement, au Royaume-Uni, ça a été quantifié ces derniers jours. Par exemple, 42 % de connexions en plus sur le site d’un organisme de sensibilisation et d’aide aux malades. D’ailleurs, la famille royale sert au moins ça, c’est évident. Il y a deux semaines, quand on a appris que le roi allait être opéré pour une hypertrophie de la prostate, la page du site du NHS, c’est à dire les services de santé publique consacrés à ce problème, a été consulté dix fois plus que d’habitude. D’ailleurs, Buckingham a choisi de révéler la maladie aussi pour sensibiliser; Le Palais l’a fait savoir là où Elizabeth II était très secrète. Charles III décide de communiquer la révélation de cette maladie qui a servi à attirer l’attention et sans doute à plus de prévention ici au Royaume-Uni. On peut imaginer d’ailleurs qu’en France, des gens se sont également posé la question. Elle a aussi permis de voir à quel point les hôpitaux britanniques sont débordés et en difficulté. C’est un sujet connu depuis la pandémie. En particulier, la santé publique souffre d’un manque de moyens humains et financiers ici, mais avec la maladie du roi. De nouveaux chiffres sont sortis. Par exemple, 35 % des gens à qui l’ont diagnostique un cancer patientent plus de deux mois avant de recevoir un premier traitement. Les médecins répètent que la rapidité d’action est décisive. Tout ça, on en a aussi parlé sur franceinfo à l’occasion de cette actualité.

Emmanuelle Daviet : Et comment expliquez-vous, en tant que correspondant à Londres, que dès qu’une information relative à la famille royale est évoquée en France, on constate que cela polarise énormément l’opinion publique française ?

Richard Place : Parce qu’en France, on a guillotiné notre roi à la fin du XVIIIᵉ siècle. Les Anglais l’avaient fait avant nous même, mais ils ont gardé une monarchie. Et c’est vrai que vis à vis de cette monarchie, on sent une passion française et une passion qui va dans les deux sens la détestation pour certains sans doute, parmi les gens qui ont envoyé ces messages agacés. Et il y a effectivement un rejet de cette famille royale de la royauté sous quelque forme qu’elle soit. Il y a aussi, on le voit bien, à chaque actualité royale, et en particulier ces dernières années, il y en a eu beaucoup avec le jubilé de platine de la Reine, son décès, le couronnement du roi. A chaque fois, notamment sur nos sites, on constate qu’il y a énormément de gens qui consultent ces pages là. Il y a donc un réel intérêt aussi pour cette famille royale qui nous fascine autant qu’elle nous agace. On ne comprend pas bien à quoi elle sert. Et c’est vrai quand on est au Royaume-Uni. J’y vis désormais depuis un peu plus de trois ans et demi. On constate à quel point c’est un roc, quelque chose auquel les gens se raccrochent. Alors pas tous. Il y a une vraie différence entre les plus jeunes et les plus âgés dans le pays. Clairement, on le voit dans les sondages. Pour les jeunes, c’est une famille qui leur paraît lointaine. C’est une couronne à laquelle ils ne sont pas forcément très attachés. Mais la majorité des Britanniques restent attachés à cette couronne qui reste quand même un point d’ancrage. Une curiosité aussi. Et puis c’est quand même dans Famille royale, il y a Royal, il y a cette couronne, mais il y a famille aussi. C’est une famille qui connaît ses déboires, comme toutes les familles, en connaissent ici. Et finalement, il y a quelque chose de l’ordre de la saga, les maladies, les divorces, les colères, les problèmes judiciaires, Tout ça fait que, évidemment, ça focalise l’attention.