Réponses avec Solenne Le Hen, journaliste à Franceinfo, spécialiste santé, au micro d’Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France
Emmanuelle Daviet : En tant que spécialiste santé, vous êtes sur le devant de la scène médiatique de manière très intense depuis le mois de janvier. Vous allez dans les hôpitaux. Comment on traverse cette période en tant que journaliste ?
Solenne Le Hen : effectivement c’est très intense, cela a commencé dès janvier, Franceinfo en a parlé avec les Français rapatriés de Chine et les premiers cas en France.
Je m’y consacre exclusivement depuis quatre mois. Alors il a fallu s’adapter, adapter la façon dont on travaille, je pense par exemple aux reportages dans les hôpitaux, désormais c’est masque obligatoire, pour les interviews mon micro est accroché au bout d’une perche pour pouvoir conserver une distance avec les personnes qu’on interviewe. C’est une atmosphère vraiment particulière. Je fais des interviews avec des personnes dont je vois simplement les yeux, le haut du visage. C’est intense, c’est perturbant et en même temps c’est passionnant au sens journalistique. Il y a quatre mois c’était une maladie inconnue, personne n’imaginait qu’on allait vivre une épidémie, deux mois de confinement. C’est passionnant à vivre au jour le jour.
Emmanuelle Daviet : Vous avez consacré toute une série de reportages à l’APHP, Assistance Publique, Hôpitaux de Paris, et des auditeurs y voient la marque d’un certain parisianisme. Que leur répondez vous ?
Solenne Le Hen : il faut d’abord rappeler le contexte : il y a quelques semaines, l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris qui avait fermé ses hôpitaux aux journalistes au moment du confinement nous a proposé à Franceinfo un partenariat pour qu’on puisse être les seuls à y faire des reportages, vous pensez bien qu’on a saisi l’occasion. L’AP-HP, c’est quand même le plus grand centre hospitalier d’Europe, d’où cette série de reportages, de podcasts aussi, mais je dois préciser qu’on a réalisé beaucoup d’autres reportages dans des hôpitaux en région par seulement en Île de France, mais dans l’Oise et dans des hôpitaux du Grand Est.
Emmanuelle Daviet : Les auditeurs estiment que beaucoup de certitudes du personnel médical ont été relayées par les journalistes, notamment au sujet des masques. Vous partagez leur point de vue ?
Solenne Le Hen : Ce qui m’a marqué c’est qu’avant l’arrivée du virus en Europe, les médecins, le gouvernement français étaient plein de certitudes sur ce virus. Ils s’appuyaient sur ce que leur disaient les médecins en Chine. Nous les médias on relayait, je me souviens de médecins qui disaient sur notre antenne qu’on serait tous immunisés si on l’avait déjà eu, que seules les personnes âgées pouvaient développer des formes graves. Depuis tout cela a été relativisé. Sur la question des masques, c’est la même chose, la direction générale de la santé disait au début que le port du masque était utile sauf sur les personnels soignants. Des études scientifiques disaient la même chose. Oui nous, journalistes santé on s’en est fait le relais
Emmanuelle Daviet : Est ce que cette période de crise sanitaire a suscité pour vous des interrogations sur la pratique journalistique ?
Solenne Le Hen : oui bien sûr, sur les masques on a eu une discussion entre journalistes santé, de différents médias, et cela nous questionne. Nous journalistes santé, je précise, on n’est pas médecin, je ne suis pas épidémiologiste, ni virologue, mon rôle est de relayer la parole des scientifiques, les actions du gouvernement, ce que disent les détracteurs qu’on a aussi entendu sur notre antenne, moi je n’ai pas d’avis à émettre sur la politique du gouvernement. Mon rôle c’est d’être le témoin de tout cela, de donner un maximum d’informations, des informations pertinentes, j’espère en un minimum de temps, pour qu’ensuite l’auditeur se forge son propre avis sur la question.