Le choix des invités politiques, les principes du temps de parole et la parité : en cette année d’élection présidentielle : les règles du débat public avec Emmanuelle Daviet et Estelle Cognacq, directrice de la rédaction de Franceinfo.
Emmanuelle Daviet : On démarre une année de campagne présidentielle, comment choisissez-vous vos invités politiques ? Combien en recevez-vous en moyenne par jour ? Selon quels critères, quel calendrier ?
Estelle Cognacq : Alors, nous avons deux rendez-vous politiques fixes par jour : le 8h30, qui est une interview qui dure 25 minutes à peu près, qui est diffusée sur la radio et sur la télévision, le canal 27. Et puis le 18h50, qui est un rendez-vous politique plus court, qui fait moins de dix minutes et qui est diffusé uniquement sur la radio. Ce sont des rendez-vous qui sont présents aussi le week-end, pour le 8h30 notamment. Et en dehors de ces rendez-vous politiques, nous avons aussi des élus, députés, maires sur l’antenne qui sont présents toute la journée sur des sujets d’actualité. Ça peut aller, par exemple, d’un maire sur un événement climatique par exemple une inondation ou bien un sénateur, un député qui est spécialiste d’un domaine, comme récemment sur l’affaire des sous-marins australiens, par exemple. Sur le 8h30, qui est quand même notre rendez-vous phare, on a des invités politiques, mais pas seulement, on a aussi des patrons, on a aussi des acteurs de la société, on peut avoir des sportifs, c’était le cas pendant la Coupe du monde, par exemple, où on a pu avoir des anciens joueurs de l’équipe de France comme Marcel Desailly. On choisit principalement ces invités en fonction de l’actualité. Alors en ce moment, par exemple, avec la primaire des écologistes, c’est sûr qu’on les a tous invité et on a fait deux émissions avec eux pour justement respecter aussi la pluralité. En ce qui concerne la présidentielle, plus largement, on invite aujourd’hui les candidats qui sont déclarés soit à cette élection, soit à une primaire.
Emmanuelle Daviet : Le CSA a également édicté des principes que vous êtes tenus de respecter. Pouvez-vous nous rappeler les règles auxquelles votre antenne est soumise pour les invités politiques?
Estelle Cognacq : Effectivement, en dehors des campagnes électorales où il y a des règles précises, nous devons respecter là un temps d’antenne à peu près d’un tiers du temps total d’intervention. C’est-à-dire là, ce n’est pas que les interviews politiques, ce n’est pas que 8h30, c’est les journaux, c’est tout ce qu’on peut avoir. Un tiers d’antenne pour le pouvoir exécutif : ça veut dire que le président de la République, les ministres, que ce soit des discours qu’on retransmet en direct ou dans ces cases d’invités et le reste du temps, il est réparti selon un principe d’équité entre les partis et les mouvements politiques qui représentent les grandes orientations de la vie politique nationale. C’est des critères fixés par le CSA. Alors, ça prend en compte des résultats de consultations électorales, du nombre d’élus, l’importance des groupes parlementaires et des indications de sondages. La contribution de ces formations politiques à l’animation du débat politique est aussi pris en compte. Donc, nous, on a des grands équilibres, on va dire à respecter. On a un compteur un peu qui monitore ses interventions. Et puis on recale un peu chaque jour, quand on voit qu’on est un petit peu trop ou pas assez sur certains équilibres.
Emmanuelle Daviet : Au delà de ce pluralisme, la question de la parité est également sensible. Vous veillez à cet équilibre? Vous faites en sorte que les femmes élues, dirigeantes, impliquées dans la société s’expriment aussi sur l’antenne?
Estelle Cognacq : Alors oui, c’est vrai qu’on a des représentants de plus d’une trentaine de formations et courants politiques sur l’antenne à peu près chaque trimestre et on essaye d’avoir une représentation des femmes, le plus important possible, ça n’est pas toujours facile parce qu’on se rend compte que dans certains partis politiques, en fait, il y a assez peu de femmes de premier plan, on invite des patrons du CAC 40, là aussi, la représentation féminine est plutôt faible et donc on essaye nous aussi d’aller détecter aussi des femmes qu’on voit peut être moins que l’on teste dans certains partis où on se dit « bien voilà, là, il y a une femme qu’on a entendu qui est devenue maire, qui est devenue présidente de région ». Et on essaye de l’inviter, de voir, de lui donner, je dirais, une exposition pour que derrière, elle devienne elle aussi incontournable. Mais il est vrai que malgré tout le volontarisme qu’on peut, on est quand même soumis, nous aussi, à la représentation de la parité au sein des partis politiques. Certains ont un nombre de femmes plus important que d’autres. Et comme on doit respecter les équilibres du CSA, c’est parfois très compliqué.
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