Le médiateur est régulièrement interpellé sur les liens supposés avec le pouvoir. Certains parlent encore de « radio d’Etat ». Une légende difficile à retirer des esprits…

« La pseudo indépendance du service public n’est que factice. De France Info à France Inter, vous défendez tous la même ligne éditoriale très proche du pouvoir politique en place », m’a écrit un auditeur qui croit ou feint de croire que Radio France vit encore à l’heure de l’ORTF. C’est incroyable comme ce lien qui existait réellement entre le pouvoir et l’audiovisuel dans les années 50-60-70 a du mal à s’extraire de l’esprit de certains.

Radio France est une société anonyme, dont, il est vrai, l’unique actionnaire est l’Etat, mais l’Etat, c’est nous tous par l’intermédiaire de la redevance audiovisuelle… Les salariés de Radio France ne sont pas des fonctionnaires, mais des salariés comme dans n’importe quelle entreprise privée. Et j’imagine mal les journalistes en train de suivre des directives du pouvoir quel qu’il soit… La Société des Journalistes (SDJ) et les syndicats de journalistes – tout comme le médiateur – sont particulièrement vigilants.

En réalité, les journalistes de Radio France disposent certainement du plus bel espace de liberté éditoriale. Un auditeur s’étonnait qu’un intervenant sur France Info se soit inquiété de « la concentration dans les médias, suggérant l’idée que cette dynamique nuit à la pluralité et met en cause l’indépendance ». Or, des exemples récents montrent que de nouveaux propriétaires, issus de groupes industriels, expriment ouvertement des souhaits dans les lignes éditoriales, contestent des reportages ou censurent des documentaires. Il s’agit de ne pas mécontenter des actionnaires, des hommes d’affaires ou des hommes politiques amis, de ne pas perdre des contrats publicitaires ou des marchés pour les autres sociétés du groupe.

L’Observatoire de la Déontologie de l’Information (ODI) rappelle, par exemple, qu’en septembre dernier, le nouvel actionnaire d’une chaîne privée a fortement critiqué un reportage d’investigation autour de l’OM, estimant que cela pouvait mécontenter un club très influent au moment de l’attribution des droits de retransmission. Ou encore l’un des actionnaires du célèbre quotidien du soir reproche à la rédaction d’avoir publié les noms des personnalités impliquées dans le scandale de la fraude fiscale de HSBC. Ou ce patron d’une chaîne commerciale affirme qu’en raison de la pression économique, il ne supporte pas qu’on dise du mal à l’antenne de ses clients publicitaires.

A Radio France, toutes ces pressions sur les rédactions n’existent pas, puisque nous n’avons aucun lien commercial, industriel ou financier avec des actionnaires avides de préserver leurs intérêts économiques. Pressions politiques, alors ? Bien sûr, les plans de communication des partis, des élus ou des ministres existent, mais tous les médias y sont confrontés. Et les rédactions restent entièrement libres d’inviter qui elles veulent et de traiter ou non de tel ou tel sujet « suggéré », en donnant également la parole aux opposants. La radio de service public (et non « d’Etat ») porte bien son nom, « au service du public », sans lui imposer des intérêts privés ou militants.

Bruno DENAES

Médiateur des antennes