« Je suis profondément agacé par la plupart des journalistes qui s’obstinent à dire LE COVID19 et non LA COVID19 .
Ils devraient pourtant savoir que le D signifie disease donc maladie en Français.
C’est donc LE coronavirus mais LA covid 19.
Ces journalistes donnent donc l’impression de ne pas savoir de quoi ils parlent et généralement révèle le niveau pitoyable de leur connaissance en anglais »
Un auditeur
« Hors de question que je dise LA Covid 19 comme vous ne cessez de l’usiter. Marre de ces noms féminins négatifs….la maladie, la maltraitance, j’en passe et des meilleurs… »
Un auditeur
« Cela fait quelques temps déjà que j’entends parler sur votre antenne de » la COVID 19″. Pourriez-vous m’expliquer, vous qui êtes omniscients, puisque sur France-Inter, pourquoi ce féminin? Je crois savoir que cet acronyme est la contraction de « COrona VIrus Décembre 19 », qui est au masculin… Si vous voulez parler de LA maladie, il faudrait dire SRAS-COV-2, ce qui signifie « Syndrome Respiratoire Aigu Sévère »… Je m’étonne que nos amies féministes ne s’insurgent pas contre cette féminisation d’un désastre sanitaire… »
Un auditeur
Le point de vue d’un auditeur expert…
Après les tensions sociales et psychologiques suscitées par la peur du virus lui-même, des tensions grammaticales sont apparues à la faveur d’un mal dénommé covid-19. Ou plus exactement, à la suite d’une recommandation de l’Académie française préconisant sur le tard de ne pas désigner cette affection par un neutre de forme masculine mais féminine : la covid.
Les Académiciens, qui ne se prononcent pas à la légère, ont émis la justification suivante : covid est une contraction de Corona Virus Disease. Or, l’anglais disease se traduit en français par le substantif féminin maladie, en foi de quoi l’article féminin est préférable.
Cette démonstration académique est plus qu’imparfaite. « Nous l’allons montrer tout à l’heure », comme eut dit l’Immortel La Fontaine.
Mais soulignons déjà que l’Académie s’est limitée à juger « préférable » de basculer du masculin vers le féminin. À lui seul, le caractère facultatif de cette recommandation coupe court à toute irritation trop vive contre l’emploi persistant de l’article le devant covid. Car une telle irritation ne relèverait plus d’un purisme bénin mais d’une poussée d’hypercorrection, dont le symptôme est de prétendre redresser des torts qui n’en sont pas.
Or le tort est ici fictif, car l’argument de l’Académie ne convainc guère. Nous l’allons montrer maintenant.
L’anglais disease appelle-t-il exclusivement le féminin propre à notre mot maladie ? Non, car a disease se traduit aussi bien par un mal. Le neutre anglais disease n’est donc pas féminin dans sa traduction française mais rigoureusement neutre ou mixte, dans la mesure où nous pouvons le traduire indifféremment par un masculin (un mal) ou un féminin (une maladie).
Quant aux autres justifications avancées en faveur du féminin la covid, elles tombent d’elles-mêmes. Le français désigne-t-il toujours ses maladies ou affections par un féminin sous prétexte que le mot maladie en est un ? Non : le cancer, le sida, le typhus, le rhume sont là pour le rappeler. Le français opte-til cependant pour le féminin lorsque l’étymologie étrangère se traduit chez nous par un féminin ? Non plus : zona signifie en latin la ceinture. Pour évoquer ce mal dont les éruptions ceinturent et ceignent le thorax, le français a choisi le zona et non la zona. Il s’agit pourtant d’une dermatose.
Moralité : le ou la covid-19, faut-il en faire une maladie ? Surtout pas. Les termes dont le genre n’est pas tranché sont rarissimes en français mais ils existent. Considérons avec aménité que covid s’y ajoute, sans nuire à la cohérence interne de notre langue ni à personne.
Sur ce, bon après-midi aux uns et bonne après-midi aux autres !
Frédéric Allinne
Frédéric Allinne, auteur de cet article est un « auditeur expert » passionné par la langue française et sensible aux singularités du style oratoire médiatique. Il écrit régulièrement au service de la médiation de Radio France et ses remarques toujours pertinentes formulées avec élégance et parfois causticité méritaient de trouver une forme plus large d’expression, c’est pourquoi il lui a été proposé de rédiger des articles au cours de cette saison radiophonique. Architecte, auteur multimédia venu à la lexicologie par la passion de la traductologie et le travail au sein du CELSA sur la communication linguistique à l’ère numérique, il est également auteur d’un essai-dictionnaire des faux amis franco-anglophones aux éditions Belin et d’un blog de linguistique francophone, actif depuis plus de douze ans, totalisant 420 000 visiteurs de plus de cent vingt-quatre pays.
Pour aller plus loin : Le blog de Frédéric Allinne