Nous avons reçu un abondant courrier au service de la Médiatrice suite à l’avis très attendu rendu mardi dernier par le Comité d’éthique, avis qui ouvre la porte à l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules.

Vos courriers sont souvent des témoignages, des analyses, des points de vue sur ce sujet de société sensible, engageant et complexe. Les conserver par devers moi ne correspond pas à ce qui m’anime profondément à savoir l’échange de points de vue, la lecture ou l’écoute de convictions différentes, le partage d’expérience. Je suis profondément convaincue que l’on s’enrichit de nos différences et que tenter de comprendre des raisonnements opposés aux siens est une nécessité dans notre société où les clivages s’accentuent.

C’est pourquoi j’ai décidé que nous publierons, en les anonymisant, les lettres des auditrices et des auditeurs à chaque débat de société ou fait d’actualité suscitant un courrier qui mérite d’être porté à la connaissance du plus grand nombre.

Au sujet de la PMA, rappelons que le comité consultatif national d’éthique a donc réitéré son avis positif pour la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules, tout comme il demeure hostile à la gestation pour autrui (GPA). Il avait déjà adopté cette position en juin 2017.

Dans l’avis rendu mardi 25 septembre, le comité d’éthique se déclare également favorable à l’autoconservation des ovocytes, qui donne aux femmes la possibilité de congeler leurs ovocytes pour une utilisation future. Les seules restrictions posées sont les limites d’âge.

La PMA, qu’est ce que c’est ? ©Visactu / Visactu

En ce qui concerne les donneurs de sperme, le comité se prononce pour la possibilité de lever l’anonymat des donneurs, tout en précisant qu’il faudra encadrer ces modalités avec des décrets très précis, et en respectant le choix du donneur.

Le comité consultatif national d’éthique se dit également favorable à la procréation assistée post mortem, dont les cas sont très rares. Concrètement, un embryon cryoconservé après le décès de l’homme pourrait être utilisé par sa conjointe.

Ces préconisations doivent permettre de nourrir les discussions parlementaires sur la prochaine révision de la loi de bioéthique. Le gouvernement doit présenter à ce sujet un projet de loi avant la fin de l’année. Le texte devrait être débattu au Parlement au début de l’année 2019.

Le président de la République, Emmanuel Macron, s’est dit de son côté favorable à l’élargissement de la PMA. Source: Info France Inter (Danielle Messager)

Emmanuelle DAVIET

Médiatrice des Antennes de Radio France

 

 

Voici une sélection des messages reçus par la Médiatrice 

 

J’ai 44 ans, je suis enseignante, j’ai des amis, quelques passions, j’habite en ville, j’ai une voiture, un chat, un balcon sur lequel pousse des fleurs, j’aime y boire l’apéro ou y lire. Je suis une femme comme tant d’autres. Je vis seule. Je suis une femme comme tant d’autres.
Je n’ai pas d’enfant. Et cela fait de moi une femme qui, tout d’un coup, n’est plus une femme comme les autres. A 39 ans, je suis entrée dans ce long parcours que l’on appelle la PMA. Pas en France, bien sûr, je suis seule, et cela fait de moi, une femme qui n’a pas le droit de donner la vie. Vous allez me dire, 39 ans, c’est tard pour songer à avoir un enfant. Oui, c’est tard. Mais la vie ne m’avait alors pas encore « autorisée » à être maman. J’ai été mariée, heureuse, mais je n’ai pas su écouter ce qu’il y avait au fond de moi. En expliquer les raisons serait long et je m’écarterai du message que je voudrais faire passer. Ce qui est certain, c’est qu’à 38 ans, j’ai écouté ce qu’il y avait en moi. Toute ma vie a volé en éclats. La seule constance depuis, c’est le désir d’être maman. Une femme comme beaucoup d’autres. Et je suis « entrée en PMA ». Mais pas en France. Cela m’était interdit. Alors je me suis d’abord tournée vers la Belgique. J’ai été là-bas, une patiente, qu’aucun membre du milieu médical n’a jugée. J’ai été accompagnée, entendue par un psychiatre. J’ai reçu des paroles d’encouragement, une écoute bienveillante.
Inséminations, FIV ont cadencé les mois, les années. Des piqûres à faire soi-même, un corps qui change, un ventre qui fait mal, un esprit qui souffre, mais une détermination toujours présente. Des anesthésies générales, des ponctions, des aller-retour en Belgique. La reprise du travail le lendemain. Et puis, apprendre le temps d’une récréation que son test de grossesse est négatif. Retourner auprès de ses élèves. Refouler ses larmes comme on peut. Parce que je suis une femme seule et qu’en France, je dois me cacher. Les échecs s’accumulent : tests de grossesse négatifs, grossesses biochimiques, faussescouches. Finalement, les médecins belges m’ont aiguillée vers le don d’embryon. Et c’est en Espagne que mon parcours s’est poursuivi. De patiente, je deviens une cliente. Mais quand le désir d’enfant est toujours là, on l’accepte. J’ai emprunté de l’argent pour pouvoir continuer, j’ai travaillé davantage. Parce que ce désir d’enfant, il était chevillé à mon corps. Et puis, cet été, un test de grossesse positif. La joie, des larmes de bonheur. Et la peur aussi que tout bascule dans le mauvais sens. Les jours ont passé, les semaines. Une écho. Un petit coeur qui bat. Un bonheur immense. Une pensée pour ceux qui ont donné leurs gamètes pour me permettre de vivre cette joie. Un acte généreux de leur part.
Et puis, il y a quelques jours, cette dernière écho qui a mis un terme à tout cela, le petit coeur ne battait plus. La suite reste à vivre. Comment ? Je ne le sais encore pas. Au fil de ces années, j’ai été accompagnée, par mes amis et par certains professionnels de santé qui m’ont encouragée, qui ont été bienveillants et profondément humains. Ils n’ont cessé de me répéter d’écouter ce qu’il y avait tout au fond de moi. Mais je garde aussi à l’esprit les jugements que l’on a portés sur ce que je faisais : « un enfant ne règlera pas tes problèmes », « tu ferais mieux de rencontrer quelqu’un », « tu n’es qu’une égoïste, ton enfant partira avec de mauvaises bases dans la vie », « tu truandes la sécurité sociale »…
Je voudrais juste répondre par ces quelques mots : non, je n’ai pas volé la sécurité sociale, j’ai déboursé presque 30 000 euros au cours de ces dernières années, économisés sur mon salaire de prof pour payer mes examens médicaux. J’ai fait quelques rencontres aussi. Mais pas la rencontre avec un homme qui aurait permis de fonder un foyer. J’aurais pu passer la nuit avec un inconnu rencontré un soir et « lui faire un enfant dans le dos ». Cela, la France le permet. D’ailleurs, Messieurs les évêques de France, je serai curieuse de connaître votre avis sur cette solution. Aux parents qui jugent mon désir d’enfant, je leur dis qu’ils ont oublié qu’ils avaient des enfants. Et je rajouterai que je ne leur enlève rien. Alors qu’ils me laissent faire. Et surtout, je voudrais ajouter que lorsqu’on est seule ou lorsqu’on est un couple homo, on se pose mille questions avant de prendre la décision d’essayer d’avoir un enfant. Lorsque la décision est prise de se lancer dans l’aventure, c’est que l’on est sûr de soi. Je n’ai jamais pensé que ce serait facile. Je me suis toujours dit qu’il serait important que ma vie soit ouverte vers les autres pour que mon enfant trouve des repères, je n’ai jamais eu la prétention de pouvoir être une maman et un papa en même temps, je n’ai jamais mis de côté la figure masculine, j’avais conscience que mon enfant aurait besoin de repères masculins, j’avais conscience que je devrais répondre aux questions qu’il me poserait et je savais que je le ferai.
Aujourd’hui, mon parcours s’arrête, parce que j’ai 44 ans, que mes finances ne me le permettent plus et que je ne peux pas travailler plus sans y laisser ma santé. J’ai l’espoir qu’un jour, la France, pays de la diversité, autorise la PMA aux femmes seules pour qu’elles puissent être accompagnées dignement et qu’elles n’aient plus à se cacher. Je sais au plus profond de moi que j’aurais été heureuse de mettre au monde un enfant. Et
qu’ensuite, j’aurais essayé de faire au mieux pour l’élever, comme toute maman essaie de faire.
Et j’aurais su donner l’essentiel à mon enfant : de l’amour. Même si je suis une femme seule. Une auditrice

 

Bonjour,  J’ai été touché par la justesse de vos propos. Les problèmes identitaires (souvent douloureux), c’est vraiment et malheureusement, un sujet dont nous n’avons pas fini de parler… pour le meilleur et pour le pire.
Je m’étonne qu’une proposition simple ne soit reprise par personne : celle de distinguer sur l’acte de naissance et l’état civil, les parents biologiques des parents civils !
Cette simple proposition, applicable à tous, mettrait fin à tous les fantasmes délirants, et autorise une vraie évolution du droit qui pourrait, enfin, s’adapter aux réalités. Elle donnerait l’autorité parentale aux seuls parents civils, et priverait les parents biologiques de tout droit non revendiqué. Elle autorise la formalisation de quasiment toutes les combinaisons parentales que nous connaissons aujourd’hui, même celle où l’enfant aurait quatre parents (s’il est issu de la coparentalité biologique de deux couples homos mariés) ; l’âne et le bœuf restant, en tout état de cause, exclus de la possibilité d’être parents, mais pas les beaux-parents, homos ou pas…
En plus, elle permet (enfin !) de donner aux hommes les mêmes droits qu’aux femmes de ne pas avoir d’enfant. De la même façon, qu’une femme a le choix de ne pas garder un enfant, il serait temps de donner ce même droit aux hommes… Actuellement, un homme ne peut pas obliger une femme à avorter, ce qui peut se comprendre ; sauf que certains sont « condamnés » (parfois des années après un rapport ou une relation d’un soir) à payer des pensions alimentaires pour des enfants qu’ils n’ont pas désirés, juste parce que des femmes ont décidé seules de garder l’enfant et gagnent quasiment systématiquement leur procédure en reconnaissance de paternité…
Voilà, cette proposition est issue d’un article plus global sur la filiation, dont je vous ferai parvenir les références si cela vous intéresse. Bien cordialement. Un auditeur.

 

La médecine est faite pour soulager, soigner, trouver des remèdes quand la maladie s’installe. La PMA a été et est toujours une formidable réponse à l’infertilité. Techniquement, c’est évidemment facile de la proposer à des personnes ou à des couples qui veulent avoir un enfant sans utiliser l’acte sexuel  entre un homme et une femme. N’est-ce pas détourner la médecine et les médecins de leur rôle premier? A force de se réjouir des progrès techniques, on oublie de se poser les bonnes questions: nous avons la chance d’avoir de bons chercheurs, de bons médecins, demandons leur de nous soigner, de nous soulager, de comprendre pourquoi le corps est malade et non pas de jouer aux apprentis sorciers.
Arrêtons aussi d’assimiler tous ceux qui dans le calme, alertent sur les dangers de l’ouverture de la PMA  à toutes les femmes , à des homophobes. Une auditrice

 

Bonjour. Alors que le sujet de la PMA redevient un sujet d’actualité, je suis concernée, en tant que femme seule, par le sujet depuis plus de 5 ans. Pour diverses raisons, mon parcours prend fin, de façon triste. J’ai écrit un texte qui dit, simplement, ce que l’on peut ressentir au fil des étapes. Avec un peu de prétention, je me dis que s’il était entendu sur votre antenne, il pourrait peut-être servir, faire trembler quelques certitudes bien pensantes. Je n’aurai pas d’enfant, mais j’aimerais que tout cela ne soit pas vain. Si ce texte vous intéresse, je peux vous le faire parvenir. Il est évident que je souhaite garder l’anonymat par égard aux médecins qui m’ont accompagnée. Je vous remercie pour l’attention que vous porterez à cette demande et à cet écrit. Une auditrice

 

Bonjour à tous, je m’appelle M. et tout d’abord je voudrais dire un grand merci au professeur Friedman et à ses équipes pour ce superbe travail. J’ai bénéficié de la Pma il y a 17 ans et j’ai eu la chance d’avoir de merveilleux jumeaux. Je me demande juste ce que j’ai de plus que ces femmes seules pour avoir eu droit à ces traitements. A part le fait que je suis hétéro et que j’ai un homme dans ma vie, Le désir d’enfant est là, l’amour est là, n’est-ce pas le plus important ? Un auditeur.

 

Bonjour concernant les informations et débats sur ce sujet, je suis très étonnée de ne pas entendre de réactions pointant le paradoxe à revendiquer un progrès ARTIFICIALISANT la reproduction humaine (rejoignant ce qui a été fait pour les espaces animales domestiques), alors qu’en même temps la prise de conscience à redécouvrir l’horloge biologique, et respecter les rythmes de la nature, apparaît essentiel pour la planète et l’environnement. Ce PARADOXE avait été relevé par José Bovet, seul à l’exprimer il y a quelques mois. Argumenter le progrès en s’appuyant sur la prise en compte de la souffrance de ne pouvoir concrétiser un désir d’enfant ne me semble pas suffisant. Ne faudrait pas davantage développer la capacité à accepter nos limites humaines. N’est-ce pas aller au bout de désirs de fusions, d’exigences de normes qui viennent en contradiction avec les réalités naturelles ? Merci pour la qualité de vos échanges. Une auditrice

 

Si la PMA est accordée à toutes les femmes, comment justifier de ne pas accorder le même « droit à un enfant » aux hommes via la GPA ?

 

Bonjour, Pour les femmes une grossesse n’est-elle pas constitutive d’un développement de son être ? Un épanouissement pour certaine dans leur corps et leur cœur. Pour certaine ne pas avoir d’enfant est une vraie souffrance psychique. Merci de ce partage de réflexion. Cordialement. Une auditrice

 

Je reste étonné qu’on accepte de « fabriquer » des enfants sans père ?  Lors des adoptions d’enfants il y a une enquête sociale pour considérer dans quelles conditions l’enfant sera accueilli .   Est que la loi prévoit la même quaterne pour les couples stables comme pour les femmes seules ???? Car la biologie médicalisée  ne garanti rien des  conditions sociales d’épanouissement de l’enfant. Une auditrice

 

Avant d’émettre un avis favorable à l’élargissement de la PMA à toutes les femmes, le CCNE a-t-il pris le temps de faire un bilan de la PMA telle qu’elle se pratique aujourd’hui. En particulier de la PMA avec donneur. On commence à avoir un  petit peu de recul, que disent les enfants qui sont nés de cette façon ? Comment le vivent-ils, que ressentent-ils ? J’ai cru comprendre que ce n’était pas si simple et que beaucoup demandent à connaître « leur véritable origine »… D’une façon générale, se met-on suffisamment à la place des enfants qui vont être appelés à la vie de cette façon ? Une auditrice

 

Je suis issus d’un amour d’été . Je ne connais pas mon père et je n’ai jamais été reconnu par lui. J’ai voulu le voir et je l’ai vu une fois dans ma vie. Je n’ai pas de beau père, pas de frère et sœur . J’ai été élevée par une femme seule. Et je suis parfaitement équilibrée …. Avec une vie normale. Je ne vois pourquoi la présence d’un homme est si importante quand on sait qu’ils peuvent fuir s’ils le souhaitent ? Une auditrice