Le casse-tête du temps de parole politique sur les antennes a évolué le 1er janvier ; il s’agit de s’adapter au mieux au nouveau paysage politique français. Désormais, la notion « majorité / opposition » n’existe plus…
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en mai dernier, et l’explosion des vieux codes, il était devenu quasiment impossible de décompter les temps de parole politique d’une manière « sérieuse ». Pour les directeurs de rédaction et les rédacteurs en chef, comment comptabiliser les « constructifs » ou les éléments dispersés du Parti socialiste ?
Majorité / opposition, c’est fini
Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a donc décidé d’établir de nouvelles règles « sur le temps de parole des responsables politiques à la télévision et à la radio en dehors des périodes électorales ». Pour le CSA, « il s’agit de s’affranchir des motions de majorité et d’opposition, en assurant une meilleure équité des formations politiques ».
Jusqu’au 31 décembre dernier, l’opposition parlementaire devait pouvoir bénéficier de la moitié du temps de parole cumulé du gouvernement et de la majorité présidentielle.
Désormais, le pouvoir exécutif (Présidence et gouvernement) bénéficie d’un tiers du temps de parole, les deux tiers restants reviennent à toutes les formations politiques, selon la règle de l’équité.
Comment définir l’équité ?
L’équité entre formations politiques se fonde sur leur représentativité. Il est tenu compte du résultat des élections les plus récentes, du nombre d’élus nationaux, de l’importance des groupes parlementaires, mais aussi de la contribution (ou non) de « l’animation du débat politique national » par chaque formation et, enfin, des sondages.
Les médias audiovisuels (publics et privés) devront d’ici la fin du mois de mars avoir équilibré les temps de parole sur chacune de leur antenne. Il en sera de même à chaque fin de trimestre.
Que prend-on en compte ?
Tous les propos tenus par un représentant politique, élu, militant, sont comptabilisés. Évidemment, les déclarations ou réactions politiques, mais également des commentaires « privés », des invitations à des émissions de programmes, etc.
D’une certaine manière, ce sera plus simple. L’élu X du parti LR réagit à une décision gouvernementale ; quel que soit son avis (positif ou négatif), son temps de parole est comptabilisé en faveur de sa formation.
Outre le fait qu’elle soit chronophage pour les rédactions, cette comptabilité continue de poser la question de l’égalité des médias en France. Pourquoi seuls les médias audiovisuels sont-ils soumis à ces obligations et ce contrôle d’un autre temps ? Pas d’obligations pour les médias « traditionnels » ni les médias numériques.
Seuls les médias audiovisuels soumis à cette comptabilité
Les seules obligations, comme pour tout journaliste, sont respect du pluralisme, de l’éthique et de la déontologie. Mais les obligations imposées à l’audiovisuel public et privé réduisent les principes de la liberté professionnelle et de l’appréciation de l’actualité. Quitte à ce que les déclarations d’un parti ne présentent aucun intérêt dans l’actualité du moment, il faudra quand même lui donner du temps de parole, afin d’obtenir des chiffres « équilibrés ». Il est donc retiré aux journalistes une partie de leur libre et professionnelle approche de l’actualité et de son traitement.
Un avantage toutefois pour le médiateur : aux « militants » de tout bord qui estiment que leur « leader » n’est pas assez diffusé ou que l’on entend trop leurs « opposants », il est facile d’expliquer les règles qui nous sont imposées et auxquelles nous ne pouvons déroger, aux risques de sanctions par le CSA.
Bruno DENAES.