On range les vendeurs de glace et les campeurs, retour à l’info pure et dure…

« Qui peut être captivé par ce campeur qui démonte sa tente ou ce vendeur de glace en pleine canicule ? » « Pourquoi des résultats des JO ont-ils pris la une à la place de l’attentat en Turquie ? ». Plusieurs auditeurs nous ont écrit cet été pour reprocher la diffusion de sujets « légers ». Explication du médiateur…

 

Chic, les polémiques politiques sont reparties entre Sarkozy, Juppé et Fillon… Mélenchon, lui, est reparti « seul », mais toujours combatif… Les manifs agricoles – peut-être avec quelques exactions – redémarrent aussi… Et puis, il y a ces propos islamophobes d’un restaurateur. Génial, l’actu lourde et constructive est de retour après quelques semaines de vacances (durant lesquelles il y a quand même eu ce terrible attentat en Turquie ou ce dramatique séisme en Italie). Je suis un brin cynique, mais comment réagir à ces auditeurs « sérieux » qui n’ont pas supporté qu’en été, la radio puisse aussi parler de nous, de vous, en vacances ou, tout du moins, dans une ambiance plus détendue et sympathique.

Peur d’une nouvelle « mauvaise » info

Vous étiez nombreux d’ailleurs à nous écrire en juillet pour nous faire part de votre exaspération et de votre « fatigue » morale après les attentats, les polémiques politiques incessantes et stériles, les manifs permanentes, etc, etc. Ce n’est pas bien, mais certains d’entre vous évoquaient même le fait de ne plus oser ouvrir la radio de peur d’une nouvelle « mauvaise » info.

Alors, quelques sujets d’illustration sur l’été – les touristes étrangers qui osent quand même venir à Paris, les campeurs qui tentent de ne pas creuser leur budget, le vendeur de glace aux anges après un début d’été frisquet, etc – ne vont pas faire de votre radio préférée une radio-qui-vous-manipule-pour-vous-faire-croire-que-tout-va-bien. Nous donnons la parole à des gens « normaux » qui illustrent des sujets, certes mineurs, mais dans lesquels la plupart d’entre nous pouvons nous reconnaitre. Ce n’est pas scandaleux, en plein été, de traiter également de sujets plus légers ; il n’y a pas que les guerres, les catastrophes, les polémiques et les réactions politiques dans la vie.

Donner la parole à des touristes, à des enfants, à des restaurateurs, à des maîtres-nageurs ou des moniteurs ne va pas révolutionner le journalisme, mais apporter une petite note souriante pour un sujet – modeste – de société. Alors, ne crachons pas sur une actualité plus heureuse et positive le temps de l’été…

Indigne d’ouvrir sur les médailles

Oui, mais ouvrir un journal sur des médailles françaises aux Jeux olympiques plutôt que sur l’attentat en Turquie, c’est indigne du journalisme, nous ont écrit quelques auditeurs. Vous préférez cacher une horreur par une information insignifiante… C’est évidemment faux. Tout d’abord, parce que franceinfo: (c’est la chaîne « incriminée ») a des journaux toutes les demi-heures et que l’attentat n’a jamais été ignoré. Ensuite, nous sommes dans un cas intéressant de hiérarchie de l’information à laquelle les journalistes sont confrontés quotidiennement.

J’ai expliqué à une auditrice que, dans les choix de hiérarchie, intervenaient également les attentes des auditeurs. Or, nous savons que – on peut le regretter – la majorité des Français ne sont pas passionnés par l’actualité internationale, encore moins en plein été, et que les Jeux olympiques suscitent un réel engouement. A cela, une autre auditrice m’a répliqué que c’était la porte ouverte à la manipulation. Elle a raison si le principe est poussé à l’extrême ; nous sombrerions alors dans le populisme.

Mais loin de nous une telle volonté… Encore une fois, il n’est pas scandaleux en plein été de donner un peu de plaisir en annonçant de belles performances de sportifs français ; et pardon pour ceux – et je peux les comprendre – qui ne sont pas passionnés par le sport. Toutefois, cela ne nous empêche pas de parler également du carnage en Turquie.

Le « dosage » de l’information

La hiérarchie de l’information est affaire permanente de dosage entre l’importance de l’actualité, la « proximité » de l’information, les attentes des auditeurs, la pédagogie citoyenne… Nous le disons dans les écoles de journalisme : il faut capter l’attention des auditeurs, ne pas les rebuter, pour les informer le mieux possible et leur permettre d’être des citoyens responsables et attentifs au monde qui les entoure. Donc, réussir à les intéresser ne veut pas dire sombrer dans la démagogie et le populisme, mais savoir « doser » informations « lourdes », sérieuses, complexes et informations plus légères, plus proches et plus optimistes…

Alors, un peu de légèreté l’été, quand chacun aspire à un peu de calme avant la reprise, peut se comprendre. Nos rédactions n’ont pas pour autant oublier les fondamentaux : traiter et expliquer l’attentat en Turquie, être sur place auprès des victimes et des sauveteurs lors du séisme en Italie, etc.

Et là, pour les auditeurs qui veulent du sérieux, la rentrée s’annonce « bonne » avec les politiques, les conflits, les polémiques, la lutte contre le terrorisme, etc. Mais nous continuerons également d’évoquer des expériences économiques et sociales positives, des réussites scientifiques et médicales, des performances sportives, sans oublier des « petits » sujets de proximité, plus légers, mais qui font du bien au moral.

Bruno DENAES

Médiateur des antennes