Le gouvernement publie le classement des meilleurs lycées, et vous en faites l’écho sur vos antennes ce matin.
Tout d’abord, l’état des lieux met en avant un taux de réussite au baccalauréat exceptionnel au niveau national, et pointe la réussite inattendue d’un certain nombre d’établissements qui ne figuraient pas jusqu’ici dans le meilleur classement.
Ces bons résultats sont mis au crédit, dans les commentaires, d’un suivi particulièrement acharné des équipes enseignantes et de la politique volontariste des chefs d’établissements.
Mais je crois qu’au-delà du constat, les chiffres du jour doivent faire l’objet d’un regard critique des observateurs avertis et des médias.
L’indicateur de classement des lycées dépend en premier lieu du taux de réussite au bac. Mais ce taux exceptionnellement haut a été obtenu, on le sait, au prix d’un allègement des programmes, de l’annulation d’épreuves de contrôle continu, et de consignes de bienveillance, inédites, données par le ministère aux correcteurs de l’écrit et aux examinateurs de l’oral. Cette bienveillance généralisée a mécaniquement avantagé les établissements et les élèves les plus fragiles. Ce n’est pas un reproche, mais un constat de fait.
Un examen des moyennes et des mentions obtenues par les bacheliers permettrait de moduler ce classement, et de relativiser sa pertinence. Sans doute le ministère de l’éducation nationale et son service des statistiques a-t-il grand intérêt à proposer au public une lecture enthousiaste des résultats obtenus dans un contexte sanitaire unique. Il peut y voir et y donner à voir la réactivité de l’Etat qui aura su transformer un échec scolaire prévisible et redouté en réussite (toute relative, hélas, on peut le craindre, en regard des études supérieures à suivre pour cette génération de bacheliers).
Le second critère de classement des lycées est cet indice de plus-value établi sur la base du gap entre résultat attendu au bac et résultat obtenu, pour cette classe d’âge d’élèves depuis leur entrée en seconde.
Il paraît évident que l’extraordinaire réussite au bac 2020 a favorisé dans le classement les établissements « fragiles » pour lesquels le gap entre niveau des élèves à l’entrée en seconde et taux de réussite au bac a été optimal.
Les résultats du bac 2021 devraient vraisemblablement connaître la même issue, l’année scolaire actuelle ayant été au moins autant perturbée que la précédente.
En revanche, un examen plus rigoureux et plus critique du classement des lycées devrait être obtenu à l’issue du bac 2022, si les conditions sanitaires permettent un déroulement normal de l’année scolaire 2021-2022. Il faudra alors reprendre les résultats des 4 années ( bac 2019-2020-2021-2022) : il est fort probable que les constats et commentaires qui vont fleurir ces prochains jours ne soient plus d’actualité au-delà de la période Covid.
On peut le déplorer. Mais ce n’est pas l’angle de mon propos dans ces lignes. Je tiens juste à souligner que les chiffres supposent une analyse fine, et que le citoyen, auditeur de France Inter, doit recevoir une information complète et équilibrée.
Au-delà de ses effets trompeurs, le classement des lycées de cette année aura au moins le mérite de mettre en avant des établissements qui se sont battus plus encore pour suivre et soutenir des élèves fragiles ou décrocheurs perdus dans la tourmente. Qu’ils en soient félicités. Leur ardeur ne doit cependant rien enlever à ceux qui, dans l’ombre des provinces, le font depuis longtemps déjà et y réussissent année après année sans que les médias s’en émeuvent. Ces établissements assidus au soutien et à l’accompagnement voient cette année leur position fondue dans la masse. Le public des parents, attentif aux statistiques annuelles du ministère, n’aura peut-être pas le recul suffisant pour interpréter tous les chiffres de ce classement des lycées.

Merci de votre lecture !
Un auditeur
Proviseur adjoint retraité