Critique des choix de l’émission L’Esprit public
Je vous remercie de votre courriel, intéressant et argumenté, dans lequel du reste vous répondez de vous-même pour une grande part – et de bonne manière, je le précise – à la question générale que vous soulevez. Oui, nous tenons à ce que Thierry Pech, un de nos intervenants réguliers, nomme « le débat démilitarisé ». Il se pare – le débat – de suffisamment d’armes ailleurs et je sais depuis longtemps que nos auditeurs aiment venir trouver, sur France Culture, un certain état d’esprit et de discussions qui nous caractérise.
Néanmoins, vous avez raison, cette seule réponse serait insuffisante et je vais donc reprendre vos deux questions et y répondre de manière générale – je pourrais nommer tel ou tel à l’appui de mes arguments, mais précisément je ne crois pas que l’ensemble de nos débatteurs ait envie d’être défini de la sorte :
. Le CSA ne nous rappelle pas à l’ordre pour l’excellente raison que l’ordre que vous mentionnez n’existe pas. Aucune instance et c’est heureux car ce serait impossible et dangereux n’évalue le débat d’idées, le débat intellectuel. Le CSA comptabilise le temps de parole politique et veille à cet équilibre, auquel nous sommes tous soumis eu égard à l’exigence d’équité entre les différentes formations politiques et leur représentation nationale. Fort plaisamment, un intellectuel dit « de droite » peut avoir sur tel ou tel sujet une opinion dite « de gauche » et sinon … autant fermer boutique, si vous me passez l’expression.
. L’équilibre des opinions générales auquel nous ne sommes pas soumis en droit donc, mais auquel nous veillons de manière tout à fait attentive pour des raisons évidentes de pluralisme des idées, c’est autre chose. Il ne s’équilibre pas au sein de chaque émission, heure par heure : ça n’aurait aucun sens et représenterait une contrainte de programmation insoutenable. il se conçoit nécessairement au fil des programmes, au gré des personnalités de nos personnalités d’antenne. Je crois à cet égard pouvoir montrer que France Culture est le lieu d’une grande palette de sensibilités et de programmations.
. La censure ? Nous n’en exerçons aucune. Sur ce point, je serai simple.
Je ne vous dirai pas que nous ne pourrions pas progresser encore en matière de pluralisme des idées. Je le pense moi-même : on doit toujours viser à s’ouvrir davantage, à écouter et à faire entendre la société qu’elle nous plaise ou pas, dans le respect de la loi et des valeurs de service public qui nous animent par vocation.
J’attire votre attention toutefois et pour finir provisoirement cet échange sur le fait que contrairement à ce que l’on a trop souvent tendance à considérer, les auditeurs, les gens donc, savent penser par eux-mêmes. Ils écoutent l’antenne, nous tâchons de leur apporter du grain à moudre, de nourrir leur réflexion mais nous ne leur disons pas quoi penser. Ils se font leur opinion. Nous sommes écoutés par des personnes aux opinions politiques diverses, de l’extrême-gauche à l’extrême-droite : ce n’est pas la composition d’un plateau d’émissions qui va les amener, parce qu’ils entendraient telle ou telle opinion – à changer de point de vue. Je fais confiance à ceux qui nous écoutent : ils ont leur libre arbitre. C’est pourquoi je ne crois pas que les discussions de l’Esprit public soient contre-productives.
Je ne sais pas si cette réponse vous satisfera. Elle vous éclairera peut-être sur notre manière de penser ce sujet très important que vous soulevez.
Vous continuerez, je l’espère, à nous écouter.
Bien cordialement
Sandrine Treiner