Le dossier à charge de France Inter sur la cuve de Flamanville
Voici la réponse du journaliste Sylvain Tronchet (réponses en gras):
« Bonjour
Bonjour Monsieur, et merci de l’intérêt que vous portez à nos programmes.
Vous avez interviewé le directeur sur 2 points pour monter que vous tenez compte d’AREVA mais sans présenter l’ensemble des questions que vous soulevez. Celui-ci n’ose pas soulever le problème d’une Autorité de Sûreté qui fait des déclarations fracassantes en partie pour augmenter ses troupes. Par exemple, on pouvait faire les contrôles sur les pièces de générateur de vapeur incriminées (réalisées par les Japonais) progressivement sans arrêter 9 centrales en période d’hiver. Mais cela manquait de sensationnel.
Les contrôles sur les générateurs de vapeur cet hiver concernaient effectivement pour partie des pièces fabriquées par JCFC (forge japonaise) mais également des production Areva/Creusot. On peut considérer qu’il n’y avait pas urgence à intervenir, l’ASN a jugé qu’en l’absence de certitudes, il était de son devoir d’intervenir rapidement. Rappelons qu’une plainte a été déposée contre EDF et Areva pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui dans l’affaire du GV de Fessenheim 2. Je constate également que l’ASN a été à l’inverse critiquée pour ne pas avoir arrêté certaines centrales plus rapidement, et que la France n’a pas pour autant manqué d’électricité cet hiver.
Plusieurs points manquent dans votre dossier
La réglementation a changé en 2006 et donc le choix de fabriquer la fabrication de la cuve de été fait avant le changement de règles.
La réglementation a effectivement changé. Il n’empêche que, même en 2006, des ségrégations de 0,30% n’auraient pas été admissibles. Il se trouve qu’on ne les cherchait pas au bon endroit à l’époque. Des documents montrent malgré tout que dès mai 2006, l’ASN a demandé à Areva de prouver que l’acier des pièces de la cuve de l’EPR était homogène, et qu’Areva a mis 7 ans à répondre sur ce point précis. Par ailleurs, j’aurais aussi pu signaler que le procédé de fabrication technique choisi par Areva était en régression technique par rapport à ce qui faisait jusque là. Je ne l’ai pas fait pour ne pas « alourdir » le propos. L’objet était de démontrer que Creusot Forge n’était pas un fournisseur fiable en ce sens qu’il maîtrisait mal ses process, ce qui est le cas, et a depuis été confirmé de nombreuses fois par l’ASN, la NRC, l’ONR…
Le pourcentage de carbone 0.2 est dans la réglementation française. Aux USA c’est 0.25. Et personne ne savait dire en 2015 quel était cet effet sur la résistance du couvercle ou du fond.
Certes mais nous sommes à 0,30 pour la cuve de l’EPR. Et nous sommes dans une industrie sensible où tout écart à la réglementation peut légitimement susciter des inquiétudes. En tout état de cause, cela signifie qu’on a entamé une partie des marges qui constituent le fondement de la sûreté nucléaire. Est-ce acceptable ?
Parler de défaut de qualité est juste puisque la règle française n’est pas respectée. Mais dire que la cuve est fragilisée comme le font nombre de journalistes est un mensonge. Ces deux pièces ne comportent pas de défauts et sont dans des zones peu irradiées.
Si cela est vrai pour le fond, l’impact de l’irradiation sur le couvercle est un phénomène plus discuté chez les experts. Et mal connu. Raison de plus pour ne pas accepter d’écart à la réglementation, l’irradiation ayant un impact incontestable sur la tenue du métal. La cuve est donc de toutes façons fragilisée, cela est confirmé par l’IRSN. Toute la question est de savoir de combien ?
Des essais ont été menés par AREVA et dans un laboratoire anglais et cela sous surveillance constante de l’Autorité de Sûreté : vous omettez ce points pour insinuer qu’AREVA est juge et partie.
Areva a mené des analyses directement à la centrale de Civaux notamment. Vous savez comme moi que la surveillance constante de l’ASN n’est pas une surveillance physique et de tous les instants. L’ASN se prononce sur la base des résultats qui lui sont fournis par Areva. Dans la mesure où il est prouvé qu’Areva a, au Creusot, falsifié des documents, est-il illégitime de poser la question ?
Il est inadmissible que des dossiers ont été falsifiés ou « arrangés » au Creusot depuis l’ère Bollorée. Mais AREVA a fait des changements important dans la forge et cela n’est pas dit.
Si changements il y a eu ils sont de toute façon insuffisants. Un document que nous publions (rapport de l’ONR) montre la persistance de pratiques qualité irrégulières en décembre dernier. Par ailleurs, les falsifications les plus graves (GV livrés à Fessenheim, Gravelines et Flamanville 3) ont eu lieu après 2008, soit alors qu’Areva avait pleinement pris le contrôle de cette usine. Ces affirmations sont documentées.
Nous verrons que la cuve n’est pas fragilisée par cet excès de carbone qui renforce la résistance à la traction mais ne réduit pas forcément sa résistance à rupture. Mais déjà les antinucléaires vont suggérer que l’Autorité de Sûreté est sous pression. Contrairement à ce qui a été dit L’Autorité de Sûreté est indépendante en France depuis plusieurs années.
Le directeur de l’ASN, Pierre Franck Chevet a reconnu lui-même qu’il subissait d’importantes pressions. Je vous invite à revisioner sur ce point son interview lors de son passage à France Inter. Quant à la résistance de la cuve, elle est toujours en cours d’analyse. Nous ne disons rien d’autre.
Comme beaucoup de journalistes ou de prétendus experts qui traitent de la réalité, vos convictions guident vos conclusions. Un peu plus d’investigations dans la complexité des problèmes c’est ce qui manque aux médias comme aux politiciens démagogues.
Cette enquête a nécessité de longues semaines de travail et j’y ai rencontré bien plus d’acteurs du nucléaire que de militants antinucléaire. Elle n’a pas fait l’objet d’un démenti de la part d’Areva ni d’EDF.
Cordialement
J’aime quand même FI
Et je vous en remercie…