Bonjour Monsieur,

France Info a diffusé ces derniers jours l'interview d'un auteur
ayant rédigé un ouvrage sur l'Europe de l'Est afin de tenter d'expliquer les
raisons conduisant les pays de l'est de l'Union européenne à s'opposer, dans le
cadre des négociations en cours avec la Commission européenne, à l'accueil de
réfugiés de culture arabe et/ou de confession musulmane fuyant actuellement le
Proche-Orient, l’Afghanistan et l’Est de l’Afrique.

J’ai été agréablement surpris par votre initiative, qui laissait
entrevoir une prise de recul sur les raisons d’une opposition entre des pays de
l'Ouest généralement présentés comme ouverts sur le monde et soucieux d'adopter
une attitude "morale" et des pays de l'Est fermés, égoïstes, rationnels
et calculateurs avant d'être sensibles, mettant en avant leur incapacité
technique et financière à accueillir des réfugiés ainsi qu’une interprétation différente
de ce qu’est une attitude morale afin de dissimuler une certaine peur de
l'autre et surtout, de l'Islam, laquelle semble difficilement avouable.

Cette opposition est un fait indéniable mais son caractère schématique
et son manque d’analyse peut rapidement conduire à un tri manichéen entre un
groupe de "bons" et de "mauvais" pays, sans autre forme d’interrogation
sur ce qui motive ces deux attitudes, comme le révèlent l’impasse des échanges
actuels autour du "manque de gratitude" des pays de l’est de l’Union et
de la "dette" que ces derniers auraient vis-à-vis des membres
occidentaux.

Votre
initiative me paraissait donc louable à double titre car elle permettait d’une
part de faire prendre de la hauteur à vos auditeurs sur un fait d’actualité complexe
et d’autre part d’apporter un éclairage supplémentaire sur ces sociétés d’Europe
centrale, pourtant si proches géographiquement et culturellement mais qui demeurent
très largement méconnues, pour ne pas dire mystérieuses ou étranges aux yeux de
certains.

J’ai
toutefois été assez déçu par les réponses de votre invité aux questions claires
et pertinentes de votre journaliste. N’ayant pas encore de parti pris sur ce
sujet mais y portant un intérêt certain au travers de mes lectures, ses explications
manquaient selon moi de profondeur, notamment sociologique et historique, pour
permettre à l’auditeur de mieux comprendre l’origine de ces deux positions. À moins que la mémoire ne me fasse défaut, aucune allusion n’était faite par exemple à la façon dont est conçue la nation,
la citoyenneté et son acquisition ou à l’histoire de peuples qui tantôt n’existaient
que par la cohésion identitaire faute de territoire, tantôt partageaient plus
ou moins pacifiquement un même territoire national avec d’autres peuples.

Je
suis bien conscient que France Info est une radio ayant pour vocation de
diffuser de l’information brève et précise de façon continue sur un large
spectre de sujets et que de telles réflexions auraient peut-être davantage leur
place sur France Culture mais puisque vous avez eu le courage de vous lancer
dans cette entreprise, je souhaitais vous suggérer de prendre contact avec
Monsieur Daniel Beauvois, à moins que vous n’ayez déjà essayé de le faire.

Il
me semble en effet que cet historien, spécialiste de de l’Europe centrale,
ayant par exemple coordonné la rédaction de l’ouvrage collectif "Histoire
de l’Europe du Centre-Est" au Presses Universitaires de France serait plus
à même d’aller aux racines du problème que vous souhaitiez présenter à vos
auditeurs. Vous avez du reste visiblement déjà eu recours à ses services, sans
doute au sujet du récent conflit entre l’Ukraine et les forces séparatistes du Donbass soutenues par la Russie, car il est
référencé sur le site Internet de France Inter.

Cordialement,

Boris Schabelnikov

La Médiatrice Radio France vous répond
17/09/2015 - 12:58

Merci beaucoup pour toutes ces précisions et ces remarques que nous transmettons à la rédaction en chef de France Info.