Bonjour, je vous écoute déjà beaucoup en temps normal. Mais en temps de confinement j ai l impression de vivre avec vos journalistes. Je suis travailleur social. Et je me disais que peut être ce serait pas mal une journée thématique sur les ravages du confinement et du covid 19 d un point de vue social. Parce qu il n y a pas que les violences faites aux enfants, aux femmes, ou les SDF... Même si c est déjà super d en parler... Il y a tous ceux qui se retrouvent sans droits parce que oui la caf avait annoncé qu il n y aurait pas de rupture de droits mais dans les faits les ruptures de droits sont quotidiennes. Il y a tous ces aidants de personnes âgées ou handicapées qui bénéficiaient de journées de répit par le biais d accueil de jour où les aidés pouvaient être accueillis à la journée, accordant un peu de répit aux aidants. Mais aujourd'hui ces structures sont fermées sans perspective de ré ouverture. Il y a tous ces gens présentant des troubles psychiques mais non suivis, qui sont en plein décompensation sans savoir solliciter une aide adaptée. Toux ceux qui sont terrorisés à l idée de sortir de chez eux ou au contraire de rester chez eux, hantés par des hallucinations auditives/visuelles. Il y a toutes ces personnes qui souffrent de la fracture numérique, qui ont besoin des services sociaux pour faire des démarches sur informatique alors qu ils seraient tout à fait en capacité de les faire par courrier, ou téléphone. Mais ce n' est pas possible parce que contraint par l utilisation des outils informatiques qu ils ne possèdent ou maîtrisent pas. Il y a tous ceux qui sont seuls, sans aucun contact car ils avaient l habitude de se rendre à des activités collectives et dont les idées noires voir morbides prennent le dessus en cette période d isolement forcé. Il y a toutes ces personnes en situation de handicap qui sont en attente de traitement de leurs dossiers. Dossiers qui ont déjà des délais extrêmement longs de traitement en temps normal et pour lesquels des mois de retard vont encore se cumuler. il y a toutes ces familles mal logées, en squatt ou à la rue... il y a tous ceux qui passent régulièrement dans nos services uniquement pour discuter quelques minutes, pour rompre leur isolement, leurs angoisses...
Bref aujourd'hui nous sommes très demunis. Si au début du confinement les gens étaient assez comprehensifs, aujourd'hui les gens sont beaucoup moins patients, leur mal être prend le dessus. Nous ne sommes toujours pas autorisés à faire des visites ou recevoir ces personnes, sauf exception (violences conjugales et protection de l enfance). Nous faisons des entretiens téléphoniques, or dans notre métier d évaluation, d analyse, de préconisation, nos pratiques se basent en grande partie sur toute la communication non verbale... bref si nous comprenons bien ce besoin de confinement. On est quand même un peu amers et qu au nom du principe de précaution on oublie toute forme d humanité. Et que la santé mentale soit une fois de plus la très grande oubliée de l histoire de notre société qui est pourtant la très grande responsable de sa dégradation....