Madame la Médiatrice,

C'est vrai tout en temps normal, mais plus encore dans la situation de pandémie actuelle, nous sommes inondés, que dis-je submergés, d'informations chiffrées : le nombre de cas, le nombre d'hospitalisations et de décès hélas, mais aussi le nombre de chômeurs, le montant des emprunts, et tant d'autres.

Certains de ces chiffres sont des données brutes, d'autres sont le résultat d'analyses. Mais pour la plupart ils sont insuffisamment expliqués, et leur réelle signification est difficile à cerner pour le non-expert. Le même chiffre est souvent répété au cours d'une journée mais présenté comme quantifiant des phénomènes en fait différents. Dans des cas hélas nombreux, les intervenants utilisent les chiffres à des fins de manipulation pure et simple au profit d'une idéologie, mais le plus souvent c'est une forme d'ignorance ou d'inattention des journalistes et de leur invités qui mène à des contre-sens et au bout du compte à de la désinformation.

Je vous rassure, le service public n'est pas la seule victime de ce phénomène inquiétant. Mais je crois qu'il est de son devoir d'offrir à ceux qui le regardent et l'écoutent les outils intellectuels qui permettent de comprendre les chiffres et non de les subir. Il y a un vrai travail de fond à faire, et une vraie réflexion à mener au-delà des jours tragiques que nous vivons, car il y a tout lieu de penser que l'information chiffrée qui existait avec tous ces défauts avant la pandémie continuera après. Il faut réconcilier avec les chiffres ceux qui informent et ceux qui s'informent. Cela va par exemple de choses très basiques comme rappeler régulièrement que les pourcentages ne s'additionnent pas à des choses plus conceptuelles comme distinguer corrélation et causalité en passant par la familiarisation avec les grands nombres et le rôle du hasard.

Comment le faire concrètement ? Une chronique offerte à un statisticien, ou sa participation à des émissions habituelles avec la possibilité d'intervenir en direct pour mettre les chiffres avancés par d'autres en contexte, sont les premières possibilités qui me viennent, mais nul doute qu'il y en a bien d'autres. Je suis convaincu que l'enjeu est très important. Et que cela peut être fait sans être rébarbatif.

Veuillez agréer, Madame la Médiatrice, l'expression de ma considération.