Monsieur le médiateur,
Je me permets une brève remarque que vous voudrez bien transmettre à M.Alain Finkielkraut, producteur de Répliques. Je suis un auditeur fidèle de son émission et jusqu'à aujourd'hui, rien de ce que les nombreux invités ou M.Finkielkraut lui-même ont pu exprimer ne m'avait semblé choquant au point de prendre la plume pour exprimer mon "indignation" comme je le fais aujourd'hui. Pourtant, comme vous pouvez vous en douter, nombreux furent à son écoute les désaccords et les colères rentrées (comme les enchantements d'ailleurs). Mais aujourd'hui alors qu'il était question de "Lire Maurras" un sommet dans l'aveuglement (volontaire ou pas, je ne saurais dire) a été atteint. "Lire Maurras" oui bien sûr, mais à quoi bon si c'est pour omettre ensuite son "anti-républicanisme" viscéral. Un de vos invités a balayé le sujet en réduisant la République au chaos parlementaire, à la soumission au progressisme et à l'inféodation à l'économisme. Comme si c'était la République qui, par son incurie et son inconséquence, avait contraint le pauvre Charles Maurras (il y a toute mythologie victimaire de l'extrême-droite qui serait à analyser) à l'anti-démocratisme et au racisme éhonté, et ceci pour sauver une certaine idée du conservatisme. Je regrette donc qu'il n'ait pas été question du monarchisme délirant de Maurras et plutôt que d'être ému par la lettre de Pierre David (émouvante certes mais de par sa naïveté selon moi), il n'est pas simplement été rappelé que ce n'est pas à l'Action Française de décider quel citoyen juif accéderait à la dignité de "vrai Français" mais à la loi. La France n'est pas un clan mafieux où des séides qui sauraient ce que c'est que la vraie France vous obligeraient au sacrifice pour y accéder. Briser tout "contrat social", puisqu'il en a été question plusieurs fois dans l'émission, au nom de l'idée que se font de jeunes voyous illuminés de "l'éternité nationale", c'est une conception politique qui me semble très hasardeuse, et même un peu kitsch. Que devenir Français ne soit pas un acte anodin d'accord, mais que nous soyons obligés de le devenir par le prisme du délire maurrassien, c'est peut-être un peu trop demander. Pour finir, nulle part dans l'émission il n'a été mentionné combien Maurras était un littérateur médiocre, un écrivain de seconde zone (à mille lieues par exemple d'un Aragon pour prendre un quasi-contemporain qui s'est également méfait dans la politique). Diagnostic sur lequel tous les lecteurs de bonne foi peuvent pourtant s'entendre. Il faut "lire Maurras" certes mais savoir aussi le ramener à sa juste proportion littéraire qui est assez minime.
Merci de l'attention que vous porterez à cette remarque.
Bien cordialement,

Luc Lavacherie

La Médiatrice Radio France vous répond
26/06/2018 - 16:48

Voici la réponse d’Alain Finkielkraut :

« Monsieur,

Je suis surpris par cette réaction.

Certes j’ai invité deux spécialistes qui connaissent  bien Maurras et s’en réclament partiellement. Mais, tout au long de l’émission, j’ai rappelé les propos horribles que Maurras avait tenu ainsi que ses prises de position scandaleuses. Rien n’a été passé sous silence mais il fallait bien s’interroger sur l’influence d’un penseur qui a séduit des personnalités aussi diverses que Paul Valéry, T.S Eliot ou encore Marcel Proust. Je ne crois vraiment pas qu’on puisse m’accuser de complaisance.

Bien à vous,

Alain Finkielkraut »