Madame,

Je tiens à vous remercier pour la diversité des points de vue disponibles sur vos antennes. Contrairement à certains, aux réflexes un peu sectaires, je trouve sain d'être confronté à tout types d'opinion ; y compris ceux avec lesquels nous sommes en désaccord. Encore récemment, je me suis fait cette réflexion en écoutant M. Bertrand Delanoë. Je suis en total désaccord avec son plaidoyer pour l'euthanasie (On renverse le paradigme comme l'avait montré Michel Foucault : le passage d'un Etat qui fait mourir et laisse vivre à un Etat qui fait vivre et laisse mourir). Philosophiquement, je ne serai jamais d'accord avec lui sur ce point. Mais je trouve salutaire d'entendre son opinion et ses arguments. Notre époque se plait par bien trop aux attaques ad nominem. Or si je suis en désaccord avec l'idée de M. Delanoë, je n'ai rien contre sa personne et le respecte. Hélas, il me semble que nombre de chaines de radios et de télévisions confondent ces deux limites. Ainsi, d'un prétendu débat d'idée, l'on voit des pundit de plateau télé vociférer l'un contre l'autre non à propos de leur idées, mais sur la personne même de leur intellectuel.

Le débat est électrique. Vous le savez parfaitement. Les cries d'orfraies face aux propos de M. Finkielkrault à propos de l'affaire Duhamel sont édifiants. Ses opposants n'ont pas pris la peine de l'écouter avant de le répudier, sans droit de réponse et de précision, des plateaux télévisés. Sans préjuger du bien fondé ou non de ses propos, n'était-il pas possible de discuter au lieu de faire voler les sièges et de s'exciter sur les réseaux sociaux ? N'était-il pas possible de débattre avec lui plutôt que de le rejeter aux gémonies ?

Je me désole en voyant cet abandon du débat par certains médias, qui ne sont plus le médium du débat mais des indignations d'usager des réseaux sociaux, qui eux sont toujours vertueux. L'affaire de la caricature de M. Gorce au journal du Monde est pareillement édifiante. Quel humoriste, quel chroniqueur n'a jamais fait de billet borderline ? Je me souviens de certaines chansons de M. Fromet ayant suscité beaucoup d'indignation. Et alors ? L'humour, quand il est taquin, peut vexer. Et alors ? De là à le chasser ? Tristesse. Qui n'a jamais dit de connerie ? A y croire, certainement ces vertueux usagers des réseaux sociaux, qui, dans un esprit de meute, assaillent les moindres erreurs des humoristes. Il est beau ce monde des réseaux sociaux où l'on se dit charlie un jour et où l'on s'attaque au dessin humoristique le lendemain, pour un dessin bien soft au demeurant.

Je me console en écoutant vos antennes où le pluralisme a toujours le droit de cité. Merci à M. Erner de toujours jouer l'avocat du diable avec ses invités, afin d'entretenir la flamme d'un bon débat, ce qui permet de bien saisir les arguments (ainsi que leurs limites) des invité divers et variés. Merci à M. Finkielkrault pour son émission où il accepte le débat et invite de bon coeur des personnes avec qui il est en désaccord. Tout en laissant, lui, le soin et le temps à l'invité de préciser son propos sans l'interrompre. Merci à Mme Foïs de proposer des idées nouvelles sur le genre, avec qui je suis toujours en total désaccord. Qu'il est salutaire d'être confronté à des idées qu'on ne partage pas. Le monde serait bien triste si tout le monde pensait pareillement que nous.

Enfin, merci à M. Morel. Vous avez tout dit dans votre billet sur la détestation de l'esprit de meute, "cette volonté dégoûtante de vouloir toujours mettre sa propre vertu en avant". Merci Radio France de continuer à entretenir un pluralisme, un débat serein, et un humour qui, hélas, semblent désormais chassé des plateaux télévisés et de certains journaux qui furent un temps respectables.