Je tenais à vous remercier de votre émission « Signes des temps ». Elle est le moment hebdomadaire d’intelligence, de recul et de regard non-consensuel sur notre monde. Le moment, car je peine à trouver des raisons qui motiveraient de l’inclure dans un ensemble pluriel, du moins régulièrement. Moment trop bref, hélas; c’est pourquoi je bénis le podcast et la possibilité de vous réécouter.

Le choix de vos sujets est déjà remarquable: avoir parlé de la censure dans le monde universitaire et de la recherche, à deux reprises au moins - thématique que des gens peuvent à tort tenir pour marginale - m’a paru essentiel.

Par-dessus tout, l’éclairage que vous jetez sur vos sujets est de nature à en saisir de vrais enjeux, et à nous faire sortir de la nauséeuse rengaine des médias, devenus le haut-parleur des bassesses des réseaux dit sociaux.

Deux discussions que vous avez eues, l’une sur l’héritage des Lumières et l’autre peu de temps avant sur les valeurs de la gauche / droite (je déforme sans doute un peu les énoncés), m’ont surprise et m'ont incitée à prendre des notes.

Celle sur le nudge fut pour moi une véritable révélation, en permettant de nommer (je suis linguiste) certaines observations empiriques. A quand une prochaine émission sur la crise Covid qui nous déplace un peu?

La tentative de mettre un frein sur l’emballement autour de l’opus de Mme Kouchner, et de mettre au jour l’ambiguïté dont elle joue, a été courageuse.

La conversation avec Yasmina Reza a été d’une grande finesse et intelligence, aussi; il n’est pas fréquent que cet écrivain trouve un interlocuteur qui comprenne où elle se situe, de manière à la faire sortir de sa réserve agacée.

Ce qui me décide à vous écrire, c’est surtout la dernière émission, et la possibilité que vous avez donnée à un homme traqué d’exprimer sa vérité et sa souffrance. De tels moments sont rares; c’est le premier auquel j’assiste (mais je n’ai pas de TV). De laisser entendre aussi l’absurdité de celles qui ont le front d'exiger de cet homme de mettre de côté ces basses revendications de vérité individuelle, et de rejoindre la grande cause. Pour votre information, je joins un texte d’article que j’ai écrit il y a plus de trois ans, et dont personne n’a voulu. Marcel Gauchet toutefois m’a fait l’honneur d’une réponse qui m’a fait plaisir, tout en précisant que la revue ne s’engageait pas sur le terrain de l’actualité immédiate. Cette question du féminisme déchaîné et haineux, qui masque une autre forme de violence symétriquement et symboliquement opposée, m’importe (je suis aussi psychanalyste).

J’attends avec impatience dimanche prochain pour vous entendre, et vous prie de croire en mes sentiments de gratitude et de respects authentiques.