A Madame la Directrice de la Rédaction
de France Inter et son équipe
Madame Catherine Nayl

Madame,
J’espère que ce courrier arrivera jusque dans vos mains, et que vous aurez le loisir d’y consacrer quelques minutes.
Votre temps étant précieux, je vais aller droit au but. J’ai le sentiment que la population Française (et les auditeurs) dans sa grande majorité, ne peut pas comprendre les chiffres qu’on lui déverse à renfort de Millions et de Milliards, et que rapidement, on verse dans le populisme ou l’incompréhension brutale.
Le mal vient que nos voisins, nos amis, nos collègues, personne ne peut comprendre ce que « millions » et « milliards » signifient. C’est hors de portée, équivalent à la distance des étoiles exprimées en années-lumière. Nos journalistes devraient expliquer les chiffres en se mettant à la portée des gens. Ils ne le font pas... Pourquoi ? Les politiques devraient aussi expliquer les chiffres, mais là aussi, pas d’effort visible depuis que je suis assez « adulte » pour comprendre la politique et vouloir appréhender les chiffres pour me faire ma propre opinion… Pourquoi ?
Je suis un auditeur très fréquent de France Inter et France Info, et je pense qu’une nouvelle règle éditoriale pourrait créer un déclic auprès des auditeurs tout en donnant un poids nouveau à votre antenne.
La petite règle que je vous propose de mettre à l’essai est simple, et permettra de donner, j’en suis certain, une nouvelle valeur au Journalisme de la chaine publique, en arrêtant d’évoquer les mots « millions » et « milliards » pour ne donner que de l’emphase ou une odeur de soufre aux dernières nouvelles. Mieux, un recadrage de tous les invités avec cette règle permettrait probablement de transformer cet effort en nouvelle marque de fabrique, point de valeur pour votre rédaction.
Il me semble qu’il est possible de marquer les esprits de manière claire et profitable pour tous lorsqu’on discute les dépenses de l’état et autres budgets publics. En France, tout ce qui est payé par l’État est en fait payé par la valeur ajoutée produite par chacun des 37 millions de foyers fiscaux qu’on dénombre. Pour mettre tous les discours dans une perspective compréhensible pour les Français, ne faudrait-il pas, sans bricolage, exprimer systématiquement les dépenses en « Charge par Foyer Fiscal Concerné ». Quelques exemples que je livre à votre appréciation (l’approximation des chiffres voit l’incertitude associée diluée par mon calcul, comme vous allez voir, et les ordres de grandeurs parlent d’eux-mêmes):

Exemple n°1) Le Budget de l’État, des Collectivités et de la Sécurité Sociale : 1250 Milliards
Charge par Foyer Fiscal concerné (37M)  33780 euros (ajoutons un bel acronyme et disons que c’est le CFF)
Explication : en moyenne, chaque foyer fiscal contribue, indirectement ou directement, en produisant de la valeur ajoutée. Certains foyers contribuent plus, d’autres contribuent moins. Mais en moyenne (cette notion est primordiale, l’État, c’est nous tous), c’est 33780 euros avant même que le premier Euro de revenu net ne puisse arriver dans leurs budget familial. Ce chiffre de 33780 euros est « lisible » par les Français. C’est l’ordre de grandeur pour une très belle voiture. Et bien des gens peuvent comprendre.

Exemple n°2) Le déficit de la Sécurité Sociale
En 2017, 5,1 milliards, c’est un CFF de 137 € / an (un petit caddy de courses hebdomadaire chez LIDL)
En 2018, 300 millions, c’est un CFF de 8,1 € / an (moins qu’un billet de cinéma)
J’ai le sentiment que ceci est un outil simple pour montrer à chaque citoyen-auditeur le niveau de réel et compréhensible des dépenses qu’on évoque.

Exemple n°3) Budget de l’Assemblée Nationale et de la chaine LCP : 565 millions CFF = 15 € / an
Exemple n°4) Budget du Sénat : 320 millions CFF = 8,3 € / an
Exemple n°5) Budget de l’ÉLysée : 100 millions CFF = 2,7 € / an
Exemple n°6) Budget de la ville de Paris : 8 milliards Ici, il faut ajuster le nombre de foyers concernés. A Paris, il y a environ 142100 foyers fiscaux. Cela donne un CFF de 5630 € / an

Je vous laisse apprécier la valeur « informative » d’un tel indicateur. A chaque fois que j’utilise cet outil, mes interlocuteurs s’apaisent pour réfléchir… Et finissent souvent par s’interroger sur le poids réel des choses!
J’insiste aussi sur le fait que j’essaie d’élever mes enfants avec une compréhension du monde débarrassée des emphases hormonales de la politique et du populisme. Cet outil est manifestement assez efficace pour éteindre des discussions sans fondement qui viennent des réseaux sociaux. Aucun doute maintenant que vous allez essayer.