Bonjour,
Je suis psychologue clinicien et travaille dans le service de psychiatrie du CHU de Caen où je traite, entre autres thématiques, des violences et agressions faites aux femmes.
Ce mercredi matin, 30 septembre 2020 à 10h32, était diffusé sur les ondes de France info un reportage sur le viol. Le journaliste dès ses premières phrases en parlant d'une mineure violée a cette formulation malheureuse : " elle s'est faite violée".
Je ne doute pas qu'il voulait dire qu'elle a été violée mais seulement voilà, ce n'est pas ce qu'il formule. Il est traversé d'une idée reçue persistante qui veut qu'une victime de viol soit responsable de son agression . Elle s'est faite violée signifie qu'elle a fait en sorte de l'être, qu'il y avait l'intention d'être violée. Non! La réalité est que cette jeune fille mineure a bel et bien été violée, elle a subi une agression sexuelle, un viol, elle ne s'est pas faite violée. Le bon usage de la langue française est à ce niveau essentiel pour lutter contre les prêts à penser et participer à changer la représentation collective qu'une société a d'une thématique, ici le viol.
Ce ne serait pas si grave si l'on ne traitait pas du viol, de l'objetisation de l'autre. Une telle formulation (elle s'est faite violée) a pour effet de renforcer la conviction bien réelle encore pour beaucoup que la victime l'a cherché, est responsable. Je mesure trop souvent au travers mes consultations combien encore il est difficile pour une victime d'être entendue et reconnue non seulement lors des dépôts de plaintes mais aussi par l'entourage.
Je me permets donc de vous écrire afin que vous puissiez faire en un retour au journaliste et sur les ondes de France info. En la matière une telle formulation si malheureuse et qui a la vie si dure ne peut continuer d'être un impensé, c'est de la responsabilité de chacun d'autant plus dans une fonction qui touche au public.
En vous remerciant