Bonjour,
Ma réaction concerne la chronique "Planète Environnement" de Nathalie Fontrel, dans l'émission de Patrick Cohen du jeudi 2 mars 2017, intitulée "Les propriétaires de moulins réclament un moratoire sur la circulation des poissons".
Je suis effaré des contre-vérités et de l'aspect partial de cette chronique, sur un sujet habituellement peu traité par les médias et qui mérite beaucoup mieux, celui de la continuité écologique des cours d'eau. Qui plus est dans une chronique qui se veut traiter de l'environnement.
C'est un sujet que je connais bien puisque je travaille pour une collectivité territoriale dans le domaine de la gestion de l'eau et des milieux aquatiques, et que c'est une des politiques publiques dont nous avons la charge.
Plusieurs erreurs factuelles déjà :
- "pas un poisson [sauvage dans la Juine]" : que Mme Fontrel vienne assister à une pêche électrique de contrôle sur la Juine, elle y découvrira de magnifiques brochets et anguilles, deux espèces en danger à l'échelle national (voir le classement UICN) et dont la préservation est une des priorités en matière d'écologie des cours d'eau
- "Si la rivière est vide ce n’est sans doute pas à cause des moulins, c’est plus probablement un effet des rejets d’eau usée et du ruissellement des produits phytosanitaires qui dégoulinent des champs." : qu'est-ce qui permet à Mme Fontrel de l'affirmer ? Cela montre une méconnaissance du fonctionnement de ces écosystèmes. Il n'est pas question de nier l'impact actuel des polluants diffus (notamment agricoles, nitrates et pesticides, car beaucoup d'améliorations sur les eaux usées ont été apportées par les stations d'épuration, même s'il reste des problèmes), mais de faire remarquer que les aménagements passés (curages, recalibrages, créations de seuils en travers, etc.) ont eu un impact au moins aussi important sur les populations aquatiques, notamment piscicoles, et qu'il convient de travailler sur les deux tableaux, plutôt que d'accuser le voisin.
- "le gouvernement a décidé d’appliquer à la règle une directive européenne : il faut détruire tous les obstacles à la circulation des poissons." : il n'a jamais été question de cela, ni au niveau européen, ni au niveau national. Les obligations de continuité ne concerne que certains cours d'eau, et pas la majorité : ceux classés en liste 2 au titre de l'article L214-17 du code de l'environnement. Et pour ces ouvrages, aucune destruction n'est obligatoire, au contraire, un panel de solutions existe : l'effacement bien sûr, mais aussi la gestion des vannes (qui ne coûte rien) ou encore l'équipement par une passe à poissons (qui sont largement subventionnées).
- "Certains génèrent de l’électricité et ils viennent d’être exemptés des réaménagements." : les ouvrages hydroélectriques sont soumis aux mêmes règles que les autres.
- "Les moulins ont l’habitude d’avoir les pieds dans l’eau. Si on les assèche, le bâti va droit vers les fissures et les dégradations." : cela peut arriver mais ce n'est pas systématique, et surtout, cela est bien connu et étudié en amont, pour justement éviter les mauvaises surprises.
- "Même si les agences de l’eau subventionnent les travaux à 80 pour cent, les couts sont tellement exorbitants que les propriétaires refusent de payer le solde." : Mme Fontrel oublie de dire que bien souvent (et c'est le cas de la Juine qu'elle prend comme exemple), les 20 % restants sont pris en charge par le syndicat de rivière local dans le cadre d'un contrat de bassin, ce qui fait que la puissance publique prend en charge la mise aux normes d'un propriétaire privé à 100 %, alors que c'est une obligation légale...
Cela fait beaucoup d'erreurs factuelles en 1 minutes et 52 secondes.
Mais Mme Fontrel n'en est pas à son coup d'essai puisque le 20 octobre 2013, elle avait déjà tenue une chronique quasi-dentique, où les mêmes faux-arguments étaient avancés.
Ce qui m'amène au côté partial de cette chronique : ces arguments sont bien connus puisque ce sont exclusivement ceux des associations de défense des anciens moulins. S'il est légitime d'entendre leur avis (car le patrimoine mérite d'être défendu), Mme Fontrel n'est pas sans savoir que la gestion des milieux aquatiques, comme l'environnement en général, est un sujet mutli-acteurs, et que bien souvent n'écouter qu'un seul son de cloche est le meilleur moyen de ne connaître qu'un aspect de la réalité. J'attendais beaucoup mieux d'une journaliste (et d'une chronique portant sur l'environnement), qui est censée creuser un peu son sujet et confronter les points de vue. Un appel au syndicat de la Juine aurait été le bienvenu, par exemple... Cela aurait pu éviter nombre de contre-vérités... Ou encore contacter une association de protection de l'environnement, ou un expert de l'ONEMA par exemple. Les défenseurs de la biodiversité ne sont pas des ayatollahs comme on aimerait le faire croire, mais bien souvent des gens passionnés, proches du terrain, qui travaillent bien souvent dans des conditions difficiles (bénévolat et salaires réduits dans les associations, réduction du nombre de fonctionnaires dans les administrations).

J'ai l'habitude d'écouter cette chronique et de lui accorder du crédit. Je serai désormais beaucoup plus vigilant quand à la véracité des propos qui sont tenus.

Cordialement,

Adrien LAUNAY

La Médiatrice Radio France vous répond
06/03/2017 - 18:01

Voici la réponse de Nathalie Fontrel :

Merci pour ce message. j’ai parlé de la Juine ce matin là pas parce que je suis harcelée par les proprîétaires de moulin mais parce qu’elle coule au pied de mon terrain. je l’ai arpentée depuis que je sais marcher. je connais tous les moulins. mon grand père était pêcheur il en sortait des brochets des truites des gardons . les moulins étaient là et le poisson aussi.

ILs n’y sont plus. c’est le vide. Et ce n’est pas à cause des moulins. C’est à cause des rejets d’eaux usées et des phyto.

Le mouin en question en bas de chez moi est habité. Je ne connais même pas les prorpiétaires. mais je connais la Juine. je m’y trempe encore (chut ! c’est interdit).

Quand je vois le massacre au faucardage je suis effondrée. j’en ai vu d’autre sur d’autre cours d’eau. Mais à quoi bon préserver les frayères puisqu’il n’y a plus de poisson.