Vous avez reçu lundi dernier Jean-Marc Jancovici pour parler de la question écologique, et je vous remercie pour ce dialogue toujours passionnant avec Jancovici.
Vous avez utilisé à plusieurs reprises le mot « backlash », et je me suis demandé pourquoi. En effet, la traduction est évidente, et tellement plus parlante : retour de bâton, mot disponible là, tout de suite.
Il se trouve que, le lendemain, je voyais des amis et j’ai fait un sondage : Savez-vous ce qu’est un « backlash » ? Dans ce cercle de personnes ayant toutes fait des études supérieures, l’expression était inconnue.
Utiliser des mots anglais que de nombreux auditeurs ne comprendront pas, c’est—sans vous en rendre compte, je suppose—donner une image d’entre-soi, d’environnement politico-médiatique parisien adoptant les dernières expressions américaines en vogue. Mais pourquoi ? Où est la valeur ajoutée ?
Je ne pense pas que cela soit bénéfique à France Inter, et je pense que, si l’on continue à prendre toutes les expressions venues d’outre-Atlantique sans les traduire—en considérant de surcroît que tout le monde doit les comprendre—on court le double risque suivant :
La création de barrières, où nous finirions par ne pas parler tous la même langue, et d’un sentiment de malaise si l’on se sent hors du coup parce qu’on n’a pas compris—question clé par les temps qui courent et avec le nombre croissant de personnes qui ne se sentent pas représentées.
La submersion progressive du français face à la vague d’anglicismes venue de la globalisation. Et la vague est puissante, poussée par le numérique, la domination américaine dans les entreprises et l’actualité tournée quotidiennement vers les États-Unis.
Ne pas traduire ces expressions, c’est non seulement contribuer à l’américanisation de notre société, mais c’est aussi la promouvoir : en tant que journaliste sur une grande antenne, à une heure de grande écoute, votre influence sur notre langage est importante, même si bien sûr, comme je l’ai dit plus haut, les occasions d’emprunt sont maintenant un tonneau des Danaïdes. Vous êtes un maillon parmi tant d’autres, mais vous êtes un maillon.
J’espère que mon pitch vous a convaincu et qu’il match avec le mindset de France Inter, sinon il faudra que j’update mon storytelling.