Archives Radio France

Madame la Médiatrice,

Je tiens à vous exprimer toute ma reconnaissance pour l’élargissement progressif de l’accès aux archives radiophoniques sur le site de Radio France. Cette évolution, que j’ai pu observer au fil des derniers mois, transforme en profondeur notre rapport à la mémoire sonore nationale : là où l’écoute se heurtait naguère à une limite fixée au seuil des années 2010, il est désormais possible de remonter jusqu’à 2006, parfois même au-delà.

C’est une joie réelle, presque émue, que de pouvoir réécouter For intérieur, notamment l’entretien avec Angelo Rinaldi — récemment disparu —, comme de redécouvrir de vieux numéros de La Suite dans les idées, Le Mardi des auteurs, Les Lundis de l’histoire, ou encore tant d’autres émissions qui constituent le tissu même de l’intelligence publique. À travers ces archives, Radio France réaffirme ce qui fait sa singularité dans le paysage médiatique : sa capacité à ménager un espace pour la parole informée, patiente, libre, et son souci constant de tisser un lien exigeant avec ses auditeurs. Il me semble, à l’écoute de ces enregistrements, que l’attention alors sollicitée relevait d’un pacte plus soutenu, moins fragmenté — sans doute parce que l’économie de l’attention, à l’époque, n’était pas encore soumise aux régimes de la dispersion numérique. Ce constat n’ôte rien à l’excellence des programmes contemporains, que je suis avec constance ; il met simplement en lumière d’autres modalités d’écoute, d’autres régimes de disponibilité intellectuelle.

Cette extension de l’accès aux archives appelle cependant, me semble-t-il, un approfondissement. Car la richesse sonore de Radio France excède largement les années désormais consultables en ligne. Qu’en est-il, par exemple, des émissions plus anciennes telles que Panorama, Le Bon Plaisir, les archives plus anciennes d'émissions mythiques comme le Masque et la Plume ou encore Radioscopie (dont on ne trouve plus guère accessible que les têtes d'affiches, laissant dans l'ombre des centaines d'invités moins vendeurs mais tout aussi passionnants) ? On en aperçoit parfois les fragments dans la programmation nocturne des Nuits de France Culture — admirable au demeurant — mais sans pouvoir y accéder librement, hors de cette diffusion linéaire. Ne serait-il pas possible, dans un avenir proche, d’ouvrir plus largement ces archives, ou du moins d’en envisager une mise à disposition éditorialisée ? Enfin, la navigation actuelle suppose de connaître avec précision le titre d’une émission pour en explorer le contenu, ce qui rend toute approche exploratoire complexe.

Dans cette perspective, je me permets de vous interroger : Radio France envisage-t-elle, à moyen ou long terme, de doter cette ressource patrimoniale d’une interface plus intuitive, plus propice à la flânerie intellectuelle et à l’exploration transversale de ses contenus ? Existe-t-il un projet, même à l’état d’esquisse, pour structurer et valoriser ce fonds inestimable à travers une architecture éditoriale renouvelée ? Comment suivre la mise à disposition de ces ressources numériques qui se fait, pour le moment, de façon particulièrement silencieuse ?

Je vous remercie vivement pour votre attention, et vous prie d’agréer, Madame la Médiatrice, l’expression de mes salutations les plus respectueuses.