Je suis profondément triste et en colère depuis l’annonce de l’assassinat d’un nouveau collègue hier. Je ne détaillerai pas les motifs de ma tristesse et de ma colère, ils sont aisément compréhensibles. J’enseigne dans une école en REP+ depuis plus de 12 ans, j’y ait rendu hommage aux victimes de l’attentat du Bataclan, de la tuerie de Charlie Hebdo, de l’assassinat de Samuel Paty et lundi, il faudra à nouveau rendre hommage à un collègue enseignant. J’avais très peur de reprendre le travail il y a 3 ans, j’ai de nouveau très peur.
J’entends parler de renforcer la sécurité dans les écoles… pour mes collègues et moi, il s’agit d’une vaste blague. Les portails de notre école sont faciles à enjamber (quand le verrou du portail fonctionne), les portes de l’établissement sont blindées mais dépourvues d’interphone ou visiophone, nous devons donc ouvrir la porte blindée pour voir qui se trouve derrière la porte. Nous procédons bien sagement à des exercices d’attentat-intrusion en sachant pertinemment que ni portes, ni murs, ni fenêtres ne résisteraient à des armes à feu.
J’enseigne à des CM2 et depuis de nombreuses années je parle sans relâche de laïcité, de tolérance, de liberté d’expression mais je ne veux pas mourir pour cela. Au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, j’avais parlé de caricatures et de liberté d’expression en classe. Une de mes élèves s’était exclamée “Tu ne devrais pas dire ça ! », à mon « pourquoi », elle avait répondu “Tu fais comme Samuel Paty, ils vont te faire comme à lui. » Elle avait peur pour moi. Je ne me suis pour autant jamais auto-censuré contrairement à d’autres collègues (je ne les blâme pas).
Toutes ces questions ne concernent pas que les collèges et les lycées, ce sont bien tous les enseignants qui sont concernés, tous les enseignants qui se sentent en danger, tous les enseignants qui ne se sentent pas protégés.
Merci pour tout ce que vous faites.

La Médiatrice Radio France vous répond
23/10/2023 - 12:03